Les enfants apprennent-ils mieux en image
Que l’image mentale ne soit pas une « photographie » mais une image de synthèse bien rangée dans la bibliothèque de la mémoire imagée explique que la supériorité de la mémoire des images sur celle des mots ne soit vraie que lorsque les images sont familières : le bateau, la cerise, etc. Si l’image est complexe, par exemple une bande dessinée, l’efficacité n’est pas très grande ; par exemple, les jeunes enfants (5-6 ans), font jusqu’à 40 % de fausses reconnaissances quand on leur fait choisir entre les vraies images présentées et des images pièges. Les enfants plus âgés font moins d’erreurs, les jeunes adultes étant les plus efficaces de ce point de vue. Voici encore un exemple où, contrairement à la pensée commune, les enfants ont une moins bonne mémoire que les adultes. Cela est dû au fait que l’œil n’a une acuité visuelle que sur une toute petite portion de l’extérieur, environ deux degrés d’angle : c’est vraiment tout petit si vous vous souvenez qu’en géométrie un angle droit fait 90 degrés. Deux degrés, c’est comme si l’on regardait à travers © le chas d’une grosse aiguille et, en pratique, on ne peut voir qu’un mot dans un livre. Ainsi, par exemple, dans une bande dessinée, non seulement l’œil ne peut couvrir une page entière, mais pas même le cadre complet d’une image. Les deux yeux sautent sans arrêt et prennent plusieurs enregistrements de la même image pour faire ce que les chercheurs appellent une véritable « exploration oculaire ». Or, il se trouve que l’exploration oculaire s’apprend elle-même et que les petits enfants (4 ans) ont une exploration un peu anarchique, leurs yeux sautant un peu partout dans toutes les directions. C’est seulement vers l’âge de dix ans que l’exploration oculaire commence à devenir systématique et que tous les détails sont enregistrés pour fabriquer en mémoire une image assez complète.
Cette prise en compte de l’exploration oculaire pour la construction des images lors de la mémorisation est très importante, car les images des manuels scolaires sont presque toujours complexes (photographies, schémas, frises chronologiques, etc.). Il faut donc faire un effort d’analyse de l’image en repérant chaque détail important ; par exemple, dans une étude où nous avions fait un quadrillage pour inciter l’enfant à regarder dans toutes les parties du cadre d’une bande dessinée, le nombre d’erreurs était tombé de quarante à cinq pour cent même chez de jeunes enfants. Un bon moyen est de vérifier l’apprentissage en redessinant de mémoire le dessin ou le schéma ; l’élève constatera de lui-même que la mémoire n’est pas photographique et qu’il lui faut plusieurs essais pour se mettre au point.