Dominer la déprime
Un moment de fatigue, un chagrin d’amour, une déception professionnelle, un peu de vague à l’âme… et vous vous dites « déprimé(e) ». Jadis, dans les salons du début du siècle, ce trouble affectait les dames et les demoiselles et s’appelait « mélancolie », ce qui signifiait, d’après l’origine grecque de ce mot, que l’on avait la « bile noire ». En fait, col état d’accablement et de mal à vivre n’avait rien à voir avec l’état de la vésicule biliaire. Aujourd’hui encore, la réalité dices effondrements psychiques n’est pas toujours bien définie. Ce que l’on désigne couramment sous le terme de « déprime » ne correspond que très rarement à une véritable « dépression ». Du coup, les moyens d’y faire face sont très différents selon la nature réelle des symptômes ressentis.
D’abord, s’il vous arrive de « craquer », de subir soudain une baisse de régime passagère, cherchez-en les raisons ! Chacun de nous subit épisodiquement des périodes de découragement lié au travail, au surmenage, aux soucis pro fessionnels et familiaux. Ne les négligez pas, mais ne les dramatisez pas non plus. Lorsque vous en aurez déterminé les causes, le plus dur sera fait. Car cette recherche vous ins pirera les solutions à vos problèmes. Au besoin, recourez à un traitement qui vous donnera le « coup de fouet » nécessaire .
Sachez aussi identifier et accepter les réactions de tristesse, de désespoir, qui se manifestent lors d’événements précis de l’existence. Par exemple, le deuil consécutif à la dis parition d’un être cher. Ce type de réaction est non seulement « normal », mais souhaitable. Il exprime la crise intérieure qui s’opère en vous et vous conduira à accepter et à dominer progressivement la douleur que vous ressentez. Ce deuil, aussi terrible soit-il, doit être accepté, assumé, jusqu’à ce que le temps cicatrise le mal ressenti. Cette épreuve n’est en rien une maladie. Elle ne se soigne pas, sinon en mobilisant soi- même toute son énergie pour la maîtriser. Le courage ne se trouve pas sous forme de pilule. Il n’existe qu’en vous-même.
La « déprime » peut aussi avoir des causes saisonnières. Et oui ! La grisaille, les chutes de pluie et de neige provoquent souvent des humeurs. Les femmes y sont particulièrement sensibles : sensation de fatigue, tendance à trop dormir, boulimie de gourmandises sucrées, d’où prise de poids, autant de troubles qui, d’après les recherches les plus récentes, seraient dus à un manque de lumière solaire. En effet la luminosité stimule l’activité des cellules nerveuses et celle d’une petite glande située dans le cerveau, l’épiphyse. À l’inverse, le manque de lumière ralentit cette activité et engendre une forme de déprime. Le médecin vous conseillera peut-être une petite cure d’antidépresseur, mais rien ne vaut les vacances à la montagne ou un billet d’avion vers le soleil. À la rigueur, tentez quelques séances de rayons ultra-violets, mais avec prudence.
Tous les troubles dits « dépressifs », mentionnés ci- dessus, sont d’une réelle banalité en comparaison de ceux de la véritable dépression, à prendre, eux, très au sérieux. Les signes d’une authentique dépression doivent être soigneusement identifiés. En voici l’inventaire, tel qu’il est appliqué lors des examens de médecine spécialisée. Répondez vous- même aux questions suivantes :
- Dormez-vous moins bien ?
- Avez-vous perdu l’appétit ?
- Ressentez-vous une baisse du désir sexuel ?
- Avez-vous une impression de fatigue dès le matin ?
- Êtes-vous fréquemment de mauvaise humeur ?
- Vous sentez-vous souvent triste, pessimiste ?
- Éprouvez-vous une sorte de dégoût de vous-même ?
Si vous répondez « oui » à plusieurs de ces questions, vous souffrez d’une vraie dépression. Il s’agit d’une maladie. Donc, elle se soigne. Premier conseil : n’attendez pas que cela passe tout seul, d’autant moins qu’une dépression non traitée donne souvent lieu à des récidives. Il est démontré que chez les sujets ayant déjà souffert d’une dépression mal soignée, le risque d’une nouvelle dépression est multiplié par trois. Second conseil, n’oubliez pas que les formes de la dépression peuvent varier avec l’âge.
Surtout, ne négligez pas le fait que la dépression de l’enfant et de l’adolescent est de plus en plus fréquente et particulièrement grave. Avant la puberté, ce sont les garçons qui sont les plus touchés, après la puberté, ce sont les filles. Les parents sont les mieux placés pour constater les symptômes dès leur apparition : irritation du caractère, manifestations de colère, crises de larmes, repli sur soi, baisse d’activité scolaire, troubles alimentaires, sentiment d’incompréhension de l’entourage. L’alcool et la drogue sont alors à redouter. Il ne faut surtout pas minimiser les risques de suicide. Donc, il faut absolument que les parents soient attentifs aux premiers symptômes et surtout, ne pas croire que « ça va passer avec l’âge ». Le rôle des parents, essentiel, est d’aider l’enfant ou l’adolescent à accepter de consulter un médecin et de se soumettre à un traitement, d’autant plus que les médicaments antidépresseurs sont très bien supportés, même par les jeunes patients. Un traitement bien adapté permet de sur monter la crise en huit à neuf mois.
À l’autre bout de la vie, la dépression frappe près de la moitié des personnes âgées de plus de 65 ans. Les symp tômes sont assez caractéristiques : anxiété, pleurs, douleurs, vertiges, agressivité. Souvent, les troubles physiques ne font que masquer la réalité de la dépression. Celle-ci n’en est pas moins réelle et souvent fatale. Car les personnes âgées sont, avec les adolescents, les sujets les plus touchés par la tentation du suicide. Par pudeur, cette volonté de mettre volontairement fin à ses jours se dissimule elle aussi. Par exemple, le vieillard fait semblant de se tromper dans ses doses de médicaments. L’entourage doit donc être très vigilant. Et ne pas interpréter comme « gâtisme » des comportements apparemment caractériels qui sont en fait des appels au secours.
Quel que soit l’âge, de l’enfance à la retraite, la dépression peut frapper n’importe quel individu. Tous les événements de la vie peuvent favoriser son apparition soudaine. C’est parfois le cas de femmes, après la naissance de leur bébé. L’accouchement peut être suivi d’un effondrement psychologique, heureusement provisoire, mais il ne faut jamais négliger les risques engendrés par ce sentiment de détresse.
Si la dépression apparaît comme un mal du siècle, c’est parce qu’elle est fréquemment liée aux stress de la vie moderne. Elle se développe plus souvent dans les villes où le mode de vie éparpille les familles, confrontant les gens à des attitudes individualistes. Paradoxalement, c’est, la foule qui engendre l’impression de solitude. Dès lors, il suffit du moindre incident pour plonger la personne ainsi fragilisée dans la spirale de la dépression. Il est alors impératif de comprendre que l’on ne peut pas se sortir tout seul d’une vraie dépression. Le premier réflexe salutaire est de se faire soigner en se confiant à un médecin. Les traitements médicamenteux existent. Ils sont maintenant très au point, depuis le simple somnifère jusqu’aux antidépresseurs, en passant par les tranquillisants.
Mais ces béquilles chimiques ne peuvent agir seules. Il faut compléter le traitement par une prise en charge psychologique. En d’autres termes, lorsque l’on risque de se noyer dans une dépression, il faut d’urgence que l’on vous envoie une bouée (le médicament). Mais il faut aussi que vous ayez envie de nager (grâce à la psychothérapie).
Le médecin n’est qu’un des agents de ce retour au goût de vivre. Conjoints, amants, amis, parents, sont les autres partenaires indispensables à cette conquête de la guérison. Mais l’acteur principal du drame, c’est évidemment le sujet lui-même. Rôle difficile. Lorsque les gens dépriment, c’est justement parce qu’ils ne trouvent plus en eux le ressort qui leur permettrait de réagir. C’est pourquoi leur entourage est leur meilleure planche de salut. Dès lors, la seule recommandation que l’on puisse faire au déprimé, c’est d’accepter qu’on l’aide.