Composer avec les émotions négatives:La pensée de l'imaginaire
La pensée l’imaginaire
C’est la pensée de l’imaginaire qui rend possible le travail mental tel qu’il a été décrit précédemment. Il s’agit d’un processus naturel et spontané qui fonctionne à son meilleur quand on ne cherche pas à contrôler ses pensées. Chacun en fait l’expérience quotidiennement. N’avez-vous jamais ressenti de la tristesse dans un moment de solitude ? Rien ne vous tente, vous n’avez que l’envie de vous asseoir près d’une fenêtre, les yeux perdus dans le vague. Si vous ne chassez pas ce sentiment, des pensées concernant la solitude qui vous pèse et le désir d’une présence vont et viennent dans votre esprit. Le souvenir d’une amie récemment déménagée peut apparaître : vous sentez qu’elle vous manque. Vous pensez aux bons moments passés avec elle, aux spectacles auxquels vous avez assisté ensemble. Vous vous souvenez d’un concert où l’on avait joué telle pièce de musique qu’elle aimait et vous décidez de mettre ce disque. Sur ce fond musical, vos pensées dérivent vers d’autres souvenirs plus récents ou plus anciens de situations où vous avez éprouvé du plaisir à partager une activité soit avec elle ou avec d’autres personnes qui vous sont chères. Peu à peu, sans que vous l’ayez cherché, la tristesse cède la place à un sentiment de bien-être, l’énergie revient ainsi que le goût de vous activer. Il se peut aussi que vos pensées dérivent autrement, peut-être vers des souvenirs de moments où vous avez raté l’occasion de vous rapprocher de cette amie. Vous en ressentez du regret, mais il est trop tard maintenant, elle est partie. Devant cette triste constatation, vous pensez qu’il vaut mieux profiter de la présence des gens que vous aimez, car ils ne seront pas toujours là. L’image d’une autre personne dont vous n’avez pas eu de nouvelles depuis longtemps vous vient en tête. Vous éprouvez un brin de culpabilité et vous décidez de l’appeler. À son ton de voix, vous sentez qu’elle est très heureuse de recevoir votre appel. Sa réaction vous fait plaisir, votre tristesse et votre culpabilité s’atténuent et vous convenez avec plaisir de vous voir prochainement.
Voilà comment fonctionne la « pensée qui soigne » au jour le jour. L’esprit vagabonde en se laissant dériver à partir de l’émotion de départ, les images et les pensées s’appellent les unes les autres de manière spontanée et imprévue en allant puiser dans les souvenirs. Cette errance peut soit suivre toujours la même émotion, soit :i:re dévier les pensées vers une autre voie porteuse d’un autre îentiment qui aura émergé à la faveur d’un souvenir ou d’une pensée. La pensée de l’imaginaire est l’outil dont dispose l’hémisphère droit pour exercer sa fonction créatrice. Les lois qui la régissent diffèrent de celles qui prévalent dans la réalité extérieure. Les pensées et les images s’associent les unes aux autres par analogie et métaphore, sur la base des sensations et des sentiments qu’elles partagent, sans tenir compte de la logique ni du temps. Les pensées du rêve illustrent bien ces particularités : il est très possible, en rêve, d’avoir cinq ans et de posséder son corps d’adulte, de converser avec un mort, de voler dans les airs, de reconnaître une personne même si elle se présente sous des traits inconnus de nous dans la réalité, et ainsi de suite. La pensée de l’imaginaire est toujours en action, nuit et jour, même si bien souvent on n’y prête pas attention. Elle traduit d’instant en instant l’état physiologique lié à l’émotion, offrant à la tension physique une issue mentale qui aide à parer au stress inhérent de la vie courante et permet de réagir à l’environnement de manière créatrice.
Les aptitudes au travail psychique, aussi appelé élaboration mentale, diffèrent d’une personne à l’autre et dépendent de la plus ou moins grande capacité à tolérer les sentiments et à se mouvoir dans l’illogisme de l’imaginaire. Cette aisance découle en grande partie des avatars du développement émotionnel. Un travail psychique efficace entraîne un soulagement de la tension interne et un changement notoire dans la façon de ressentir et d’envisager une situation qui nous trouble. Il arrive parfois qu’au lieu de nous alléger nos pensées semblent plutôt intensifier l’émotion dérangeante. On a beau chercher une solution au malaise, on a le sentiment de tourner le fer dans la plaie, d’entretenir la souffrance. La pensée, au lieu de soigner, tourne à vide, s’enlise, bute sur un obstacle qui semble infranchissable. Les difficultés vécues par la « pensée qui soigne » peuvent prendre différents visages : on peut ruminer sa colère, mijoter des plans de vengeance, s’enliser dans l’impression d’être victime, avoir tendance à s’expliquer tous ses problèmes par une seule cause (c’est parce que je n’ai pas été aimé durant mon enfance, c’est parce que mon père ne m’a pas reconnu, et ainsi de suite). Elles peuvent aussi se traduire par des douleurs physiques, une absence de pensées fantaisistes, une tendance à s’accrocher à la logique et aux détails concrets par peur des productions imaginaires. Lorsque de tels blocages de la pensée surviennent, on peut, la plupart du temps, soupçonner une difficulté à composer avec une émotion dérangeante.
Vous ai-je convaincu de la nécessité de vous lier d’amitié avec toutes vos émotions ? Bien entendu, nous préférons tous éprouver de l’amour, de la joie et de la reconnaissance, mais chacun n’a-t-il pas le droit d’être triste si la situation incite à l’être, de ressentir de la colère si on l’attaque, d’être la proie de l’envie ou de la jalousie lorsqu’il se sent lésé? Ces sentiments, même s’ils sont souffrants, ont leur utilité. Certes, on peut s’efforcer de cultiver en soi des émotions agréables et une attitude positive, mais doit-on le faire au détriment de sa vérité profonde ? La pensée positive a toutes les chances de favoriser la santé dans la mesure où elle découle d’un travail de métabolisation des émotions négatives et non d’une évacuation de ces dernières. Il faut apprendre à les voir comme des amies qui nous incitent à un travail mental pour mieux nous connaître et retrouver un état de sérénité.