Y a-t-il des substances néfastes pour la mémoire
Sans développer ce sujet qui est du ressort du médecin ou du neuropharmacologue, il est utile de donner quelques indications. Tout d’abord, il faut mettre en garde les jeunes contre l’ennemi n° 1 de la mémoire, l’alcool. Ce fléau est connu depuis plus d’un siècle lorsqu’un neurologue russe observa que des malades alcooliques chroniques ne parvenaient plus à enregistrer de choses nouvelles, provoquant ainsi une amnésie grave. On sait maintenant que l’alcool, qui tue les cellules, fait mourir en premier cette structure que j’ai plusieurs fois citée : l’hippocampe ; il est un peu l’archiviste de la mémoire en répertoriant les informations nouvelles en mémoire comme un bibliothécaire le ferait de nouveaux livres. Cette amnésie n’est pas totale, puisque les souvenirs antérieurs à la mort de l’hippocampe subsistent, mais quel drame ! Un jeune homme opéré des hippocampes (il y en a deux puisque le cerveau est divisé en deux hémisphères cérébraux), à cause d’une épilepsie grave, est obligé de relire perpétuellement le même journal comme si les informations étaient nouvelles ; ses parents ayant déménagé, il se rend à son ancienne adresse, lorsqu’il s’égare en ville. Certes une consommation modeste n’est pas dangereuse mais il faut être très vigilant, chez les jeunes, à l’égard d’ha¬bitudes, comme faire des fêtes très arrosées, qui peuvent conduire à un alcoolisme mondain. Une étude menée avec mes collègues médecins avait révélé que des alcooliques de quarante ans (admis à l’hôpital pour une cure de désintoxication) avaient, aux tests de mémoire, les performances de personnes de soixante-dix ans. A notre époque, où beaucoup de jeunes seront centenaires, il faut apprendre la prudence et peut-être commencer à parler d’une « écologie » du cerveau.
Parmi les produits courants, le tabac est également nocif pour diverses raisons. Son effet d’accoutumance est lié à la nicotine parce qu’elle ressemble à une molécule naturelle du cerveau qui permet la communication entre les neurones (neurotransmetteurs). C’est pour cela que la nicotine est un stimulant du cerveau mais la consommation régu¬lière produit un état de dépendance, nuisible tant à l’organisme qu’au portefeuille. En outre, c’est une pratique dangereuse par le fait que la nicotine stimule entre autres le cœur, avec le risque d’accidents cardiaques que cela com¬porte, sans parler des substances cancérigènes mais qui ne concernent pas directement notre sujet. La nicotine, ainsi que d’autres substances contenues dans la cigarette produisent également d’autres désagréments contre la mémoire, notamment de réduire le débit sanguin dans le cerveau (en réduisant le volume des vaisseaux sanguins). Tout bien pesé, rien ne vaut le bon air pur plutôt que d’éphémères stimulations !