Thermalisme et sport
Le monde moderne fait une place croissante aux sports professionnel ainsi qu’aux activités physiques de forme. Les sportifs qui pratiquent de séjours thermaux sont souvent soumis à une vie stressante, déjà de type compétitif, notamment professionnellement. En outre, les athlètes sont soumis à des servitudes considérables, à des obligations de résultats son cesse plus contraignantes qui leur imposent des régimes de vie très durs et les obligent à se tenir à la limite de leurs possibilités maximales et à prendre de nombreux risques.
La pathologie du sport déborde d’ailleurs de beaucoup la traumatologie Elle comporte aussi des aspects métaboliques et un versant en rapport avec le stress.
Le thermalisme peut apporter une réponse à ces problèmes grâce aux ressources dont il dispose déjà et à condition de compléter son arsenal traditionnel par d’autres moyens plus adaptés à la prise en charge de ces pathologies, devenues phénomènes de société.
Ressources du thermalisme en thérapeutique du sport
Cure externe : l’hydrokinésithérapie chez le sportif
Particularités de la mobilisation en piscine
L’eau est un fluide dans lequel les mouvements vont créer des flux laminaires, avec faible résistance, sous la dépendance de la viscosité. Et si le mouvement dépasse un seuil de vitesse, l’écoulement devenant turbulent, créant des remous, des phénomènes de cavitation à l’arrière, avec un effet de traîne, tandis qu’à l’avant l’effet de résistance croît avec la surface opposée : il est plus difficile d’avancer de face que de côté et l’intensité des contractions musculaires concentriques doit rapidement augmenter. Des mouvements excentrés sont possibles contre l’effet de flottaison, en fonction des dispositifs utilisés.
La flottabilité relève de la différence de densité spécifique ; elle est légèrement inférieure à l : 0,95 à 0,97 chez l’homme; elle est en fait un peu augmentée chez le sportif en raison de sa composition corporelle, pourcentage de masse maigre élevée et adipeuse faible, et d’une densité minérale osseuse parfois supérieure. Il s’agira alors, lors d’exercices dans l’eau, d’utiliser des dispositifs de flottabilité placés au niveau du tronc. La flottabi
lité sert d’assistance lors des mouvements passifs, proches de la surface de l’eau et parallèle à celle-ci, avec pour objectif d’améliorer leur mobilité. Les exercices supportés par l’eau se font vers le haut, verticalement et donc perpendiculaires à la surface. La flottabilité a un rôle de résistance dans les mouvements vers le bas, s’opposant à la poussée d’Archimède.
La pression hydrostatique va limiter par la compression le risque d’effusion hémorragique conjointement à l’effet de la température de l’eau sur la vaso-motricité cutanée, tout en assurant lors des mouvements un massage doux.
Cependant, en relative apesanteur, les sollicitations des récepteurs proprioceptifs ne sont pas les mêmes, et cela nécessite une réflexion supplémentaire de la part du thérapeute pour imaginer des situations mettant en jeu tel ou tel type de capteur.
De même, les sensations d’équilibre diffèrent et c’est la raison pour laquelle il convient d’envisager en complément des exercices hors milieu aquatique, par exemple à l’aide d’engins isocinétiques, de bancs de rééducation et de musculation.
Assouplissement
Les mouvements d’assouplissement ou mieux d’étirements doux ou de stretching seront plus efficaces en eau chaude (32 à 35 °C), les effets de relâchement et de relaxation plus nets, permettant des postures de stretching de 20 à 30 secondes.
Musculation
Les exercices de renforcement voire de développement musculaires sont tout à fait possibles qui utilisent la résistance de l’eau, moyennant l’utilisation de dispositifs et de techniques appropriées, permettent en presque apesanteur des niveaux de dépense énergétique ajustables de façon précise, parfois très élevés.
De nombreux mouvements sont disponibles dans à peu près tous les plans de l’espace, sauts, lancers, rotations…
Action physiologique
Les exercices en piscine peuvent maintenir des niveaux de sollicitation cardiovasculaire, musculaire et de contrôle moteur conséquents.
Sur l’appareil cardiovasculaire, la pression hydrostatique provoque une redistribution des débits et volumes sanguins ; la poussée croissante avec la profondeur s’exerce sur les membres inférieurs du sujet debout, le sang revient plus facilement vers l’oreillette droite effet de renforcement de la précharge s’accompagnant d’un volume d’éjection systolique supérieur, à débit cardiaque et consommation d’oxygène identiques, et d’une fréquence cardiaque (FC) plus basse, très nettement, 10 à 17 cycles/min aux puissances intermédiaires (40 à 70% VO, max).
Des mesures comparatives 208 Place du thermalisme comme traitement des affections incapacitantes chroniques
sur bicyclette ergométrique, tapis roulant sur sol sec ou dans l’eau ont montré des V02 max et Maxima légèrement inférieures ou identiques, selon les études, avec des relations FC/puissance moins pentues dans l’eau. L’importante variabilité intersujets rapportée semblait relever d’une plus ou moins bonne adresse à courir dans l’eau et donc de rendements différents.
La température de l’eau, du fait d’une conduction très supérieure, permet des débits d’échanges thermiques beaucoup plus élevés que ceux observés dans l’air. C’est pourquoi, lors d’exercices intenses, la température recommandée pour l’eau va de 26 à 28°C. Lors d’exercices de moindre intensité, 32 à 34°C semblent la limite supérieure. Au-delà, des risques d’accidents hyperthermiques seraient à redouter.
Règles d’entraînement
Un sportif qui s’entraîne dans l’eau doit utiliser, pour des puissances d’exercices identiques, des fréquences cardiaques de référence plus faibles de l’ordre de 15 cycles/min.
Il est recommandé de respecter dans l’eau, comme à l’entraînement habituel, une période d’échauffement, qui peut se faire dans l’eau, et une période de retour au calme, tout aussi progressive.
Les exercices aérobies les plus pratiqués sont la marche, la course ou une alternance de mouvements des membres supérieurs et inférieurs proches de ceux du ski de fond, réalisés le sujet muni d’une veste flottante. Supprimer la veste, accélérer la vitesse, ajouter des palmes et des palettes permettent de rendre l’exercice plus exigeant au niveau cardio-vasculaire. Comme sur terre ferme, des durées d’au moins 20 minutes trois fois par semaine sont un minimum ; 30 à 60 minutes, 6 fois par semaine sont préférables pour des sportifs de haut niveau.
Cure interne : calcium et réhydratation
L’hypothèse d’effets positifs des activités physiques et sportives sur la minéralisation osseuse a dû être tempérée et affinée à la suite de nombreuses observations. De fait, les sports les plus microtraumatisanls de l’appareil locomoteur s’accompagnent d’une fixation minérale osseuse supérieure. Mais si l’os initial n’est pas assez solide et le délai de récupération entre chaque exercice trop court, des fractures de fatigue peuvent s’ensuivre. Beaucoup de sports n’ont pas d’effet renforçateur, ou bien ils sont très localisés, de la fixation du calcium sur la trame osseuse.
Après un traumatisme osseux, la constitution d’un bon cal osseux est essentielle. A ce titre, une alimentation raisonnablement enrichie en calcium de bonne biodisponibilité (1 200 à 1 500 mg/j, voire jusqu’à 2 g/j de façon temporaire), un apport correct en vitamine D, une bonne exposition solaire et un statut hormonal correct, sont favorables à une bonne fixation calcique.
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La consommation d’eaux minérales calciques peut apporter un bon complément à la ration quotidienne. Les travaux récents de Cousy et Guillemant montrent une excellente biodisponibilité des sels de calcium de ces eaux. Elles peuvent participer à assurer la réhydratation su sportif, dont on connaît l’importance puisque c’est le point essentiel de son alimentation avant toute autre considération, énergétique en particulier.
Indications des séjours thermaux pour le sportif
Pour le sportif, des séjours en centre relevant du thermalisme peuvent être proposés à trois moments.
En fin de saison, ou mieux en début d’intersaison
Après une saison sportive, dont la fin est souvent très contraignante du fait de la multiplication des compétitions aux enjeux les plus importants, le sportif de haut niveau présente souvent :
– un état de fatigue générale et de surmenage voire de saturation, avec son cortège de symptômes, asthénie, moindres forme et entrain, irritabilité et autres troubles de l’humeur, de l’appétit et du sommeil ;
– des signes de fatigue localisée : douleurs ou sensibilité musculaires, douleurs tendineuses, lourdeurs de jambes… ;
– des signes de surcharge générale et locale : douleurs articulaires diffuses, dorso-lombalgies, induites par les nombreux micro-traumatismes et autres technopathies… La succession souvent trop rapprochée des compétitions ne permet pas une régénération, ni une adaptation, et encore moins une surcompensation suffisante des organes et systèmes, trop sollicités par rapport à leurs aptitudes adaptatives ;
– des troubles digestifs : gingivites, maux de gorge, gastralgies, colopa- thies, diarrhées et autres troubles du transit. Pour améliorer ces performances ou du fait des déplacements, l’alimentation quotidienne équilibrée et diversifiée fait souvent place à des repas pris à l’extérieur, parfois lors des transferts, avec, alors, des insuffisances dans la qualité des apports et une réhydratation mal gérée, source parfois de troubles musculo-tendineux, mais plus fréquemment, et d’abord, de troubles digestifs ;
– des dysfonctionnements métaboliques : le sportif d’endurance, marathonien, triathlète, cycliste, cyclotouriste, canoë-kayakiste,…, parce qu’une surcharge en glucides améliore l’endurance maximale aérobie, augmente considérablement son ingestion de glucides, jusqu’à 10g/kg/j. Cela peut se traduire par une augmentation de la triglycéridémie, une perturbation de la réponse insulinique et des troubles digestifs. Un bilan biologique et des corrections nutritionnelles devraient être proposés en première intention, pour ne pas rentrer dans le circuit de la thérapeutique médicamenteuse’, («un sportif sain n’a pas besoin de médicaments»), et pour que le sport reste synonyme de santé.
Pour le sportif de force ou de développement de la masse musculaire, le surcroît de consommation protéique et de divers produits d’accompagne ment se traduit, après quelques mois seulement parfois, par une hypercholestérolémie et des signes de surcharge hépatique et rénale. Du fait des modalités d’entraînement, avec de fortes charges additionnelles, les résistances périphériques s’élèvent et, tant au repos qu’à l’effort, les valeurs de pression artérielles, systolique et diastolique, augmentent. Un bilan et une prise en charge de ces facteurs de risques cardiovasculaires doivent être proposés, tout particulièrement chez les sportifs aux antéce dents familiaux cardiovasculaires chargés.
Or le sportif, qu’il soit amateur ou professionnel, est souvent très heureux, une fois la saison terminée, de rentrer chez lui, pour « se mettre au vert » ou «raccrocher». Livré à lui-même, il peut alors perdre son comportement «professionnel», il n’y a plus d’enjeu, il se libère, il arrête entraînement, séances d’assouplissement ou rigueur alimentaire. Il risque de perdre en quelques semaines une grande partie du bénéfice de la saison, sans forcé ment le récupérer au mieux.
Après une bonne semaine de tranquillité, un stage d’une dizaine de jours au moins le remettrait en situation.
Une station thermale équipée pour recevoir ces sportifs peut offrir, dans un site agréable et motivant, les moyens de récupérer au niveau ostéo-arli culaire et musculo-tendineux, de rétablir un équilibre alimentaire quotidien, pour maîtriser les effets biologiques délétères et le risque de prise de poids, et de mettre au point un programme d’intersaison, condui sant à poursuivre ces premiers effets, et avec une préparation physique générale, pour limiter la régression de ses aptitudes.
L’équipement requis comporte alors, à côté de l’installation thermale proprement dite, les moyens d’une prise en charge diététique et d’un enca drement compétent pour agir sur les fonctions mentales et psychologiques des sportifs.
En phase de compétition, lors de phases de surentraînement, de méforme ou de saturation
Devant la stagnation des résultats sportifs ou la moindre efficacité des entraînements, la nécessité d’une brève période de récupération-régénération, microcycle d’une semaine à dix jours, avant la reprise des entraînements et des compétitions, est souvent discutée. Il s’agit de sous traire le sportif à son milieu contraignant et stressant, et lui permettre de reprendre ses rythmes et ses repères. Quelques mesures hygiéno-diététi ques simples sont certes utiles mais insuffisantes pour un sportif de haut niveau, en raison de l’importance de ses contraintes et de la nécessité d’une récupération très rapide, impliquant la mise en oeuvre de moyens puissants, appropriés pour un tel type de sportif.
Cette brève pause physique et mentale comprendra sommeil et calme, alimentation adaptée, massages musculaires, sur les muscles souvent durs, noueux, tendus et douloureux, et traitements physiothérapiques sur les membres endoloris.
Après des traumatismes de l’appareil locomoteur
Le sport est globalement bénéfique pour la santé. Cela est d’autant mieux vérifié que le pratiquant ne présente pas de facteur favorisant l’apparition d’incident ou d’accident de santé lors de l’exposition à des pratiques sportives dont on connaît les risques spécifiques, et donc prévisibles, justifiant d’ailleurs parfaitement l’examen médical préalable spécifique de la spécialité sportive.
Mais la pratique sportive est l’occasion de nombreux micro et macrotraumatismes, de l’élongation à la déchirure musculaire, de la tendinite à la rupture tendineuse, de l’entorse bénigne à la luxation avec arrachement, ou du traumatisme à la fracture voire au grand fracas osseux et autres polytraumatismes. Si les mécanismes causaux sont spécifiques, les lésions peuvent être proches de celles observées lors d’accidents domestiques, du travail ou de transport. Mais le sportif de haut niveau présente des exigences spécifiques de restitution complète et dans les plus brefs délais. En cela il est bien différent de la plupart des patients habituels. Il voudrait aussi ne rien perdre des effets de l’entraînement. Or après une semaine d’interruption, avec alitement, une diminution légère de V02 max est déjà observée, qui devient significative après une quinzaine de jours et impliquera une reprise du programme d’entraînement à un niveau inférieur, avec en conséquence un net retard dans la saison.
Des centres thermaux, de thalassothérapie ou de rééducation se sont spécialisés dans la prise en charge post-traumatique ou postopératoire des sportifs, avec des exercices spécifiques sur des appareils très performants par des médecins et kinésithérapeutes issus du monde du sport, pour un traitement optimum, au plus tôt et au plus vite, en vue d’un rétablissement efficient des fonctions initiales, tant locales que générales. Lors de la reprise à sec, il conviendra d’éviter les erreurs trop fréquentes : reprise trop précoce après blessure, entraînement trop dur, trop tôt et sans progressivité pour tenter de rattraper le retard supposé. La reprise pourrait être mixte, eau et terre ferme, la douleur étant un repère assez fiable, de même que les sensations de muscle endolori.
De tels séjours entrent donc dans le cadre des indications de cures thermales prises en charge par les organismes de protection sociale.