Thermalisme et rééducation fonctionnelle : La crénoréadaptation
La médecine de rééducation fonctionnelle n’est pas une spécialité d’organe à l’instar de la cardiologie ou de la dermatologie mais une discipline transversale complémentaire de nombreuses autres spécialités. Pour améliorer ou compenser les déficits fonctionnels divers (congénitaux ou acquis, isolés ou associés) elle utilise un ensemble de méthodes thérapeutiques pluridisciplinaires : kinésithérapie, kinébalnéothérapie, massages, physiothérapie, ergothérapie…
Le but est de réduire les conséquences des maladies et des accidents en termes de déficiences, d’incapacités et de handicaps. L’objectif final est la meilleure insertion ou réinsertion au niveau de la famille, de la scolarité, de la profession, de la société et, de là, une amélioration de la qualité de vie des patients.
La rééducation fonctionnelle n’est pas l’une des 12 orientations thérapeutiques officiellement reconnues par les organismes sociaux pour le thermalisme. Toutefois elle est très directement complémentaire de plusieurs d’entre elles : RH (rhumatologie et séquelles de traumatismes ostéoarticulaires), VR (maladies des voies respiratoires), NEU (neurologie), MCA (maladies cardio-artérielles)…
La cure thermale est un milieu favorable à une démarche de rééducation fonctionnelle ou de réadaptation :
– l’établissement thermal est un lieu de rééducation : le kinésithérapeute est l’un des intervenants dans de nombreux établissements thermaux et certains soins thermaux sont très directement de type réducatif ;
– la station thermale est un lieu privilégié de réadaptation : au-delà des effets propres de la crénothérapie traditionnelle, le milieu thermal est un véritable milieu thérapeutique réadaptatif. Le cadre thermal est un lieu de dialogue pour le curiste, d’abord avec le médecin thermal mais aussi avec les autres patients confrontés aux mêmes problèmes. Le milieu thermal, de par son contexte et la disponibilité du patient, apparaît idéal pour réapprendre à mieux vivre avec sa maladie ou son handicap. La cure est un milieu favorable à l’acquisition de nouvelles règles d’hygiène de vie. L’éducation alimentaire, l’enseignement de l’économie ou de la protection articulaire, l’incitation à un exercice physique minimal, la mise en place d’une désintoxication tabagique en constituent quelques exemples.
Les liens sont donc étroits et nombreux entre séjour en milieu thermal et séjour en rééducation fonctionnelle.
L’eau est un outil thérapeutique commun à la cure thermale et à de nombreuses techniques de rééducation hydrokinésithérapique.
Certaines villes sont à la fois station thermale et siège de grand centres ou services de rééducation fonctionnelle. Certains établissements de soins sont à la fois établissement thermal et centre de rééducation fonctionnelle. 11 est pourtant essentiel dans les indications de distinguer les patients qui relèvent d’une cure thermale (CT) de ceux devant bénéficier d’un séjour en centre de rééducation fonctionnelle (CRF).
Les objectifs sont différents :
-CT : prise en charge globale et/ou locale d’un patient atteint d’un état pathologique chronique. Le but est autant d’agir sur l’état pathologique que sur le vécu ;
-CRF : l’objectif est de récupérer la ou les fonctions quelles qu’elles soient (locomotrices, respiratoires…) dans le but d’une meilleure réhabilitation et réinsertion du patient.
Les moyens sont différents :
– CT : les techniques de rééducation sont présentes mais au second plan derrière les techniques d’hydrothérapie classique;
– CRF : les techniques de rééducation fonctionnelle, notamment à sec, priment largement sur les techniques thermales et d’hydrothérapie.
Les patients sont différents. Pourtant un même patient avec la même maladie peut, à des moments différents, soit relever d’une cure thermale, soit d’un séjour en CRF. Si l’on prend l’exemple de la coxarthrose, la CT est indiquée dans le traitement au long cours en vue de réduire les phénomènes douloureux et la gêne fonctionnelle ; un séjour en CRF peut s’avérer utile en période postopératoire.
Les coûts sont différents :
– CT : prise en charge forfaitaire regroupant les frais de soins en établissement thermal, le coût du suivi par le médecin thermal, avec une prise en charge dans certains cas et de façon partielle des frais d’hébergement et de transport ;
– CRF : véritable hospitalisation en secteur de moyen séjour.
Ainsi, par exemple, le coût pour les organismes sociaux d’un séjour de
3 semaines en cure thermale à visée rhumatismale peut être de l’ordre de
4 000 F alors que 3 semaines en hospitalisation de jour en centre de rééducation fonctionnelle peuvent s’élever à 10 000 F. Il faut rappeler qu’en milieu thermal, même lorsque la cure est dite «remboursée», une part non négligeable des dépenses induites reste à la charge de l’assuré.
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Faits et preuves
Pratiquement dans tous les domaines relevant du Thermalisme , la démarche de rééducation trouve sa place. Nous nous limiterons à quelques exemples tirés de la pathologie locomotrice.
Dans le domaine ostéo-articulaire, plusieurs travaux récents démontrent tout l’intérêt de la crénothérapie dans la lombalgie commune.
Ainsi F. Guillemin et al. |4] comparent un groupe de patients pris en charge 3 semaines en cure thermale à un groupe de patients recevant des soins ambulatoires. Au bout de 3 semaines, les patients suivant la cure thermale ont une amélioration significative de la mobilité rachidienne et du score fonctionnel ainsi qu’une diminution de l’intensité et de la durée douloureuse et de la consommation médicamenteuse. Au bout de 9 mois, on constate toujours dans le groupe traité par cure thermale une réduction plus importante des douleurs, de la consommation médicamenteuse et de la raideur rachidienne. D’autres études [1,2] démontrent une amélioration significative des paramètres physiques mais surtout une amélioration en termes de qualité de vie et de capacité fonctionnelle. L’ensemble de ces travaux démontre bien que dans le domaine de la lombalgie, la cure thermale n’agit pas seulement au niveau vertébral mais aussi sur le patient lui-même dans son vécu de la maladie.
Dans la pathologie dégénérative capsulo-ligamentaire de l’épaule, des auteurs toulousains [4] ont montré qu’une cure thermale aboutissait à des résultats comparables à ceux d’un centre de rééducation d’un centre hospitalier pour un coût 4 fois moins élevé.
Dans le domaine de la pathologie neurologique, la rééducation fonctionnelle tient une place primordiale car c’est à elle qu’incombe la charge de la récupération fonctionnelle et de l’éducation des fonctions lésées par la maladie. Le traitement thermal réalise un adjuvant de choix. En centre de rééducation spécialisé, il peut faciliter et valoriser les techniques de rééducation essentiellement par le biais de l’hydrokinésithérapie thermale. Au cours des cures thermales classiques proposées pour les affections au stade de séquelles, la thérapeutique thermale permet d’améliorer la tolérance fonctionnelle de celle-ci et donc l’autonomie des patients. De plus, le traitement thermal permet bien souvent de diminuer la consommation médicamenteuse, procurant ainsi un meilleur confort au patient ainsi qu’une économie de prescription tout en diminuant les effets indésirables médicamenteux.
Indications, non-indications, contre-indications de la La crénoréadaptation
Indications de la crénoréadaptation
Elles sont largement reprises dans d’autres chapitres de cet ouvrage. Citons quelques exemples où la composante rééducative est particulièrement importante :
– affections ostéoarticulaires :
– lombalgies et rachialgies,
– arthrose et rhumatismes dégénératifs,
– séquelles de traumatismes ostéoarticulaires et algodystrophies,
– certaines formes de rhumatismes inflammatoires, en particulier l;i spondylarthrite ;
– affections neurologiques :
– sclérose en plaques,
– polyradiculonévrite,
– hémiplégie vasculaire,
– syndromes extra-pyramidaux ;
– autres domaines :
– séquelles de brûlures,
– bronchopathies de l’adulte et asthme de l’enfant,
– séquelles de phlébite, artériopathie chronique des membres inférieurs.
Non-indica tions de la crénoréadaptation
Le séjour en CT est non indiqué lorsque les patients relèvent plus d’un CRF, c’est-à-dire quand la technologie de rééducation notamment à sec doit être prépondérante.
Contre-indications de la crénoréadaptation
Elles sont d’étiologies variées, par exemple :
– poussée évolutive d’un état pathologique chronique (poussée congestive articulaire, crise de goutte, sciatique aiguë…);
– pathologie associée (infectieuse, tumorale, dysimmunitaire et toutes autres causes d’altération de l’état général);
-contre-indications plus spécifiques à l’hydrothérapie et aux soins en piscine : dermatoses, problèmes d’incontinence, phobie de l’eau…
Principales stations thermales et techniques spécifiques
Principales stations thermales
Pratiquement toutes les stations thermales ont une activité plus ou moins importante avec une finalité de rééducation et/ou de réadaptation fonctionnelle.
On se reportera ici aussi aux autres chapitres de cet ouvrage. Citons à titre d’exemple et de façon tout à fait non exhaustive pour :
– la pathologie locomotrice : Aix-les-Bains, Dax, Balaruc-les-Bains, Luchon, Amélie-les-Bains, Lamalou-les-Bains, Néris-les-Bains, Gréoux-les-Bains… ;
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– les artériopathies : Royat, Bains-les-Bains, Le Boulou;
– la pathologie veineuse : Bagnoles-de-l’Orne, Barbotan… ;
– la pathologie respiratoire : La Bourboule, Luchon, Cauterets, et de très nombreuses stations sulfurées ;
– les séquelles de brûlures : Saint-Gervais-les-Bains…
Techniques spécifiques
Certaines techniques thermales sont plus spécifiquement rééducatives : mobilisation en piscine et massages sous l’eau pour la pathologie locomotrice ; rééducation respiratoire ou drainage de posture pour les problèmes pulmonaires ; utilisation de couloirs de marche pour les troubles veineux ou artériopathiques.
Comme celle qui est pratiquée dans les centres de rééducation fonctionnelle, l’hydrokinésithérapie en piscine thermale peut relever soit de techniques de groupe pour une mobilisation générale ou pour une rééducation spécialisée destinée à de petits groupes homogènes de patients, soit de techniques individuelles impliquant habituellement l’immersion du thérapeute avec son patient.