Quels sont les trucs pour apprendre les numéros
Périodiquement des publicités vantent telle méthode pour mémoriser, sans difficulté et sans don particulier, des numéros, le nombre pi, les dates des règnes des cent rois de France, etc. Attiré comme vous lecteurs par ce genre de publicités, j’ai mené ma petite enquête qui, de fil en aiguille, ou plutôt d’auteur en auteur, m’a mené de la Bibliothèque nationale de Paris à celle du British Muséum à Londres et de la bibliothèque de Cambridge à celle de la Sorbonne où le grand Descartes a usé ses bottes après avoir peut-être rencontré des mousquetaires dans le Quartier latin. En remontant les siècles, j’ai finalement abouti sur les traces d’un mathématicien, contemporain précisément de Descartes, un certain Pierre Hérigone, qui, dans son Cours Mathématique, édité en 1644, observe que les nombres sont plus difficiles à apprendre que les mots et propose une méthode astucieuse, celle de transformer chaque chiffre par une lettre, et ainsi de transformer les nombres en mots. Ce « code » chiffre-lettre, comme on peut l’appeler de nos jours, a connu différentes transformations dont celle, si je saute allègrement les siècles, imaginée par un professeur de musique à l’époque de Napoléon III, qui se nommait Aimé Paris ; un nom qu’on pourrait croire sorti d’une opérette d’Offenbach si celui-ci n’était pas un petit garçon à cette époque. Fort de la découverte de la sténographie basée sur la toute nouvelle classification des sons du langage, Aimé Paris propose de perfectionner le code chiffre-lettre en faisant correspondre chaque chiffre à un groupe de sons consonantiques de la même famille. Par exemple, 9 correspond au groupe des occlusives (be, pe) tandis que le 8 correspond au groupe des fricatives (fe ou ve). Les correspondances sont souvent arbitraires mais certaines sont basées sur une analogie de forme par exemple « t et 1 » qui date du Moyen Age, « n » ayant deux pattes correspond naturellement au 2, « m » au 3, tandis que « 1 » correspond au 5 puisque, depuis l’antiquité romaine, le 1 symbolise le nombre cinquante.
Ce code n’a plus ensuite été transformé ; il se retrouve dans ces publicités dont je parlais en introduction et il est devenu la base de nombreux ouvrages de mnémotechnie, art florissant au xixe siècle. L’application la plus simple de ce code est la mémorisation de dates historiques. Par exemple, pour des dates du xixe siècle, il suffit de coder seulement les deux derniers chiffres, puisqu’ils commencent tous par 18… Nobel ayant découvert la dynamite en 1866, il faut coder « 66 » soit par les lettres « j » ou « ch » ou les deux : je peux donc coder le nombre 66 par n’importe quels mots possédant ces deux consonnes et faire une phrase clé reliant ce mot codé à l’invention en question. Par exemple « la dynamite était le chouchou de Nobel » ou « Nobel a inventé un joujou bruyant ». On peut ainsi utiliser ce code pour apprendre de nombreuses dates, aussi variées que des dates historiques, des dates d’inventions ou des dates d’événements musicaux ; par exemple, la première de La Belle Hélène d’Offenbach ayant été jouée en 1864, on peut le retenir avec la phrase clé « La Belle Hélène était chère à Offenbach » ; précision importante, seules les consonnes prononçables sont codées, ainsi « chère » et « chères » codent tous deux le nombre soixante-quatre. Ces méthodes proposaient également une liste type de mots clés, codant tous les numéros de un à cent, permettant ainsi d’apprendre une centaine de chiffres ; par exemple 1 peut-être codé par « dé », 2 par « nid » 13 par « dame » jusqu’au nombre 99 qui peut aussi bien être codé par « pape » que par « bébé ».Ce procédé est bien efficace, comme je l’ai montré par des expériences, mais il n’est pas infaillible comme les publicités ont tendance à le suggérer. D’autre part, il nécessite un entraînement important et régulier qui n’est plus guère nécessaire à notre époque des agendas et des calculettes.
Au xixesiècle, c’était différent, et certains ont fait de ce jeu une profession, comme mnémoniste de music-hall, en apprenant des suites de chiffres donnés par des spectateurs. Je suppose que ce code chiffre-lettre est d’ailleurs l’explication des spectacles de télépathie donnés par des magiciens dont les célèbres Mir et Miroska. Ce numéro, rendu célèbre par Hergé dans Les Sept Boules de cristal, mettait en scène une médium vêtue comme une hindoue qui devinait les numéros des cartes d’identité de spectateurs pris au hasard. Il est probable que dans les propos, très rapides, du magicien qui tenait en main le document, se trouvaient des mots clés, qui codaient la date de naissance ou le numéro de la carte en question. Par exemple, « Maint terriers lapins ne gèlent, ma loi veut bien ; combat mieux, ne méfaits » code les dix-neuf premiers chiffres du nombre pi. Madame Miroska, me recevez-vous !
Vidéo : Quels sont les trucs pour apprendre les numéros
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Quels sont les trucs pour apprendre les numéros
https://www.youtube.com/embed/hiWEb-GMqPo