Quelles sont les bonnes méthodes pour apprendre
Ah ! les bonnes méthodes. En réalité, elles sont nombreuses et, comme nous avons vu que la mémoire était composée de plusieurs systèmes, chaque système ou mémoire a sa bonne méthode en quelque sorte. A travers différentes questions, différentes méthodes ont été présentées, par exemple l’autorépétition augmente de quarante pour cent l’efficacité de la mémorisation, l’imagerie facilite la mémorisation s’il s’agit d’images familières, un environnement silencieux facilite l’apprentissage, etc. Mais les deux méthodes les plus géné- f raies me semblent être l’organisation et ce que j’ai appelé l’apprentissage multi-épisodique.
Etant donné la capacité limitée (sept « cases ») de mémoire à court terme, il faut organiser pour apprendre,c’est-à-dire regrouper en unités plus grosses l’information que l’on doit apprendre. L’exemple le plus simple est celuid’une liste de mots que l’on essaye d’organiser en catégories, par exemple les animaux, les fruits, les pays, etc. Au niveau scolaire, cela consiste à reprendre des documents et à construire un plan avec des petits paragraphes bien repérés par des titres explicites. Le mieux est de faire un nombre limité de paragraphes, par exemple trois à quatre et de faire de même un petit nombre de sous-paragraphes. Les bons manuels sont ainsi organisés mais ils pèchent le plus souvent par un excès d’informations ; l’élève doit alors refaire son propre « manuel » et ses propres paragraphes en « réorganisant » le cours et le manuel. En faisant ce travail, comme s’il était lui-même un auteur de manuel, ou un professeur, il fera son organisation subjective, meilleure méthode pour apprendre. C’est pour cette raison que l’on observe généralement dans la pratique des exposés chez les élèves (ou étudiants) que le dossier profite surtout à ceux qui l’ont fait.
La deuxième méthode, apprentissage multi-épisodique, est une nouvelle méthode que j’ai proposée dans un de mes livres et qui part du principe de la mémoire épisodique. Chaque fois que nous lisons, entendons, un mot ou l’objet ou l’image qu’il représente, son concept forme un épisode nouveau en mémoire épisodique avec son contexte d’origine. Par exemple, lorsque je lis le mot « chat », il s’enregistre dans le contexte de cette phrase, mais si mon chat passe devant moi, l’image et le concept de chat s’enregistrent dans ce nouveau contexte, de même si je regarde à la télévision un reportage sur Colette entourée de ses chats, le mot « chat » va s’enregistrer dans un nouvel épisode dont le contexte sera celui de cette écrivain. Ainsi, avec la répétition des épisodes sur les chats va se construire en mémoire sémantique un concept abstrait, général de chat, qui nous permettra de comprendre un certain nombre de choses lorsqu’on lira ou entendra le mot chat. La mémoire sémantique, base de nos connaissances, et mémoire la plus résistante dans le temps, est donc construite à partir de la répétition des épisodes. Si l’on apprend un seul épisode, notre mémoire sémantique sera très pauvre et je ne pourrai pas répondre à beaucoup de questions. Par exemple, n’étant pas astronome, je ne peux expliquer à mes enfants qu’une chose ou deux concernant les « quasars », alors, qu’ayant lu beaucoup sur la mémoire et ayant fait beaucoup d’expériences, ce concept est beaucoup plus riche dans ma mémoire. En conséquence, la mémoire sémantique se construit également par une répétition. Mais attention, la répétition ici n’est pas une répétition par cœur ; par exemple, si je répète vingt fois le mot « quasar », je vais enregistrer l’unité lexicale, la carrosserie du mot mais pas son concept, sa signification ; et je ne serai pas plus avancé pour parler de ce concept. La construction de la mémoire sémantique demande donc une répétition mais des épi¬sodes, l’apprentissage multi-épisodique. L’apprentissage épisodique, c’est présenter un concept, sous les formes les plus variées possibles, et le plus souvent possible.
L’école se contente assez souvent d’un cours bien fait, et le professeur, de bonne foi, a l’impression que les élèves ont enregistré s’il a fait un cours clair et précis. Mais le cours ne représente que quelques épisodes. Pour reprendre notre exemple du cours d’histoire sur l’Egypte en classe de sixième, le professeur va peut-être utiliser huit fois « pharaon » dans une phrase, cela fera huit épisodes, mais il ne citera peut-être qu’une seule fois « Chéops » et ce ne sera pas suffisant. La lecture d’un livre est d’ailleurs un excellent apprentissage multi-épisodique : différents concepts vont être répétés dans des contextes (ici, les phrases) très variés, c’est la raison pour laquelle la lecture doit être considérée comme une vraie méthode d’apprentissage. Mais l’idéal est de varier plus encore les contextes d’apprentissage. Il faudrait donc accompagner le cours du professeur et la lecture du manuel, d’une recherche documentaire, passer des extraits de films, faire construire des dossiers par les élèves, rassembler des photos, utiliser un bon CD-rom. Et l’idéal bien sûr serait de couronner le tout, si l’école était riche, par une excursion en Egypte !