Quand le corps se souvient
Nous avons tous déjà éprouvé, à l’occasion d’une coupure, d’une I brûlure ou d’une blessure quelconque, cette sensation pénible et parfois angoissante qu’est la douleur corporelle. Le langage populaire ne distingue pas celle-ci de la souffrance morale : on dit «je souffre» autant pour exprimer la sensation douloureuse que ce que l’on ressent après la perte d’un être cher, par exemple. Il est vrai que souffrance et douleur sont imbriquées dans l’expérience vecue. Tout comme la souffrance psychique est ressentie dans le corps, la douleur corporelle influe sur le moral. Les rapports complexes quelle entretient avec les émotions font d’elle, ainsi de la souffrance, un phénomène psychosomatique. Outre son aspect désagréable traité par le cerveau telle une émotion négative source de stress, parce qu’elle est associée à une perte (de mobilité, d’activité, d’intégrité), elle s’accompagne de sentiments d’impuissance, de tristesse ou de désespoir qui influent sur son intensité. Comme son pendant psychique, surtout lorsqu’elle se montre rebelle à tout traitement, elle exprime un malaise qui force à un travail d’élaboration mentale.
Au cours des pages qui suivent, nous verrons que la douleur est à la fois une réalité biologique et une construction de l’esprit fui entretient avec la mémoire et les émotions des liens étroitement tissés. Après avoir expliqué en quoi consiste la douleur nor- vale, nous aborderons le problème de la douleur chronique. C’est que nous découvrirons toute la subtilité du fonctionnement psy- matique de cette sensation désagréable qui fait partie inté- te de l’expérience humaine.