Propositions métapsychologiques:Fonction,fonctionnement,autisme et perversion
Le rapport du fonctionnement à sa fonction ne manque jamais d’interroger le ÉNychanalyste, mais quand il est confronté à l’autisme précoce, les seules données l’iopres à l’enfant lui donnent à penser que dans ce cas, le fonctionnement corrompt lu fonction; qu’on en juge plutôt par le tableau synoptique offrant un aperçu précis il. s excès de déficit ou de débordement des fonctionnements, par rapport à leurs fonctions correspondantes [55].
Un rapide examen des signes cliniques du tableau permet de dégager avec évidence :
qu’en apparence la mère n’est strictement pour rien dans l’autisme de son enfant — ce qui se vérifie à chaque consultation ; ce qui peut expliquer que les cures d’autistes associent la mère à l’enfant;
que l’autisme n’est pas uniquement énigmatique : il renvoie la mère à son manque de savoir, et le psychothérapeute aux confins de son ignorance ; que tous les fonctionnements, qu’ils soient de type posturo-moteur, de type séquentiel ou de type holistique, qu’ils se produisent de manière indépendante ou soient peu ou prou synchronisés, partagent cependant ce trait commun de ne procéder d’aucune anticipation : le symbolique à cet égard leur fait complètement défaut;
que l’indifférence massive, tout comme les très nombreuses élections (lesquelles, contrairement à la sélection, ne nécessitent rien d’autre) ou répétitions, peuvent s’analyser comme des mécanismes contraphobiques, opposés à des peurs effroyables, persécutrices et destructrices — à moins que seule l’indifférence soit phobique, le reste servant de défense contraphobique.
Le simple réel
Mais un tel examen des signes cliniques, pour intéressant qu’il soit est encore très descriptif et surtout, très imaginarisant, comme le sont toutes les interprétations théoriques — et elles ne manquent pas — relatives à l’autisme; elles procèdent toutes d’une imaginarisation de la clinique, tout simplement parce qu’il leur manque les i oncepts fondamentaux de fonction, de fonctionnement et de débordement, pour en , puis décrire et théoriser le simple réel. Or ce réel ne concerne justement, et le tableau l’indique sans détour, que la fonction, le fonctionnement, et leurs rapports par excès déficitaires ou débordants.
Le fonctionnement dans ses extrêmes
Un tel examen laisse également pendante cette question : si le fonctionnement Tompt la fonction, quel en est l’agent corrupteur? Pour pouvoir répondre à cette sticn, il paraît nécessaire de reprendre le mécanisme du fonctionnement mais s ce qu’il a d’extrême : son déficit complet, ou son excès de débordement (son ballement, pourrait-on dire).
Quand son déficit avoisine l’arrêt, le fonctionnement ne produit bientôt plus aucun de relance sur sa fonction; et à supposer qu’elle subsiste toujours, l’organe réel elle se soutient finit, lui, par mourir : elle peut alors disparaître aussi. Une fonc- peut se soutenir d’un nouvel organe, un organe transplanté par exemple. Ce processus rend sensible qu’une fonction vitale puisse,dans de telles conditions de -nonnement, devenir mortelle.
Quand le débordement connaît un excès tel que le fonctionnement s’emballe, Bnomise, et parfois de façon anarchique, ce n’est pas l’organe dont se soutient la nson qui s’en trouve atteint, c’est elle : elle dépérit d’un fonctionnement qui se acie d’elle. Ce processus rend sensible qu’une fonction, dans de telles conditions «octionnement, peut dépérir, sans que pour autant son organe réel n’en meure : il continuer à vivre, en attendant en quelque sorte sa nouvelle fonction, r que de tels excès en plus (débordement) se produisent dans le fonctionne- on peut supposer que les effets du refoulement dans le discours de la mère ent insuffisants pour apaiser ce débordement fonctionnel, et pour faire bord de consistante par leurs signifiants au tourbillon du fonctionnement, afin d’en ier les excès chez son enfant; et du côté de l’excès en moins cette fois, on peut chez celui-ci que ses propres inscriptions signifiantes se montrent tout aussi tes à relancer le fonctionnement, pour en éviter l’arrêt complet.
Symbolique et perversion
Sans invalider ces suppositions, on peut encore soutenir qu’en raison de l’étroit des signifiants au fonctionnement, si celui-ci se pervertit en se déréglant, le iue lui aussi étroitement lié aux signifiants, va se trouver pris dans ce dérè- : mais dans la mesure où les inscriptions signifiantes participent directement du symbolique , il est bien plus intéressant de se demander en quoi, et de quelle façon ulique peut engager un procès pervers, en être l’agent corrupteur, autres termes, premier point : qu’est-ce qu’un procès symbolique de perversion? est-ce qui peut faire que le symbolique puisse devenir pervers? Et deuxième point : qu’est-ce qui fait que dans la perversion, l’incontournable relation à 1 objet passe nécessairement sinon exclusivement par le symbolique? Bref, en quoi le passage par le symbolique peut-il être constitutif d’une relation perverse à l’objet?
A ces deux séries de questions correspondent au fond deux cas de figure ; dans le premier, le symbolique contrevient à la fonction par la relation à l’objet — laquelle embraye le fonctionnement dans cette perversion ; dans le second, le symbolique ne contrevient à la fonction que par le moyen du fonctionnement — lequel peut secondairement investir l’objet dans cette perversion.
Dans le premier cas, le détour par une relation perverse avec cet objet réel que sont par exemple la mère ou le sein, vient affecter le fonctionnement au point que ce qui s en symbolise contrevient à la fonction ; dans le second cas le symbolique, dont dépend le fonctionnement, dont il est anticipé — et par lequel il est comme mis en branle et noué à d’autres registres — le conduit à contrevenir à la fonction. D’un cas à 1 autre il n’y a certes qu’une «petite différence», différence que rend d’autant plus minime cette considération générale qui veut que la perversion ne concerne jamais la fonction en tant que telle, fonction qui n’en est concernée que par le fonctionnement, lequel seul peut être pervers ou perverti par le symbolique.
En somme, et comme pour synthétiser, la question qui se pose est celle-ci : qu’est-ce qui, dans le symbolique du fonctionnement, peut aller «au devant» de la perversion. c’est-à-dire au devant de ce qui fait que la relation à l’objet, ou à la fonction, puisse devenir perverse?
Aller au-devant de
Aller au-devant de, cela se dit en allemand entgegenkommen : venir à la rencontre, au-devant de ; se porter à la rencontre de ; pour un véhicule : venir en sens inverse ; au figuré : faire la moitié des avances, faire un compromis, faire des avances, des concessions, se montrer complaisant, obligeant, arrangeant (nous ne sommes pas loin de la compromission) ; enfin — last but not least — aller au-devant des désirs de quelqu’un. A cet égard, Y entgegenkommen ne manque pas d’évoquer la formule laca- nienne : «être désir, du désir de l’Autre». Ce mot allemand est évidemment familier aux lecteurs des «Études sur l’hystérie» de Freud , mot malheureusement traduil en français par «complaisance», traduction qui n’est pas inexacte, mais qui ne rend Pas compte de la connotation active du mouvement somatique, quand le soma sc porte au-devant de la conversion désirante.
En l’occurrence, ou bien le symbolique se porte littéralement par le moyen du fonctionnement au-devant de la perversion, en établissant alors entre fonctionnement et fonction un rapport corrompu, ou bien il s’y porte en contrevenant à la fonction par le moyen de la relation d’objet, dont le fonctionnement est alors à son tour affecté. .
Vues nouvelles pour la psychosomatique
L’intérêt d’un tel abord des choses ouvre des voies nouvelles, pour comprendre des mécanismes psychosomatiques restés jusque-là 4fbscurs, pour comprendre par exemple ce qu’est une affection mortelle comme le cancer, et plus généralement sans doute, pour savoir à qui répondent «le besoin» ou «le désir» — et jamais la demande
d’être malade. Cet intérêt rend compréhensible des choses obscures, mystérieuses, menaçantes ou mortelles, parce que le champ du symbolique est plus aisément intelli- l’ible que celui de l’imaginaire ou du réel, qui sont des champs d’ailleurs marqués du fatum, c’est-à-dire respectivement du destin, de l’impossible.
f ixation et fonctionnement
«J’ai attrapé la grippe… J’ai pris un virus… J’ai chopé un rhume… Je me suis fait line entorse… J’ai une tumeur…, etc.». Dans une proximité presque sans distance nvec ce qui lui fait grief, ces énoncés et d’autres du même style, sont signifiants d’un sujet qui se porte si activement vers une affection, qu’il semble vouloir vraiment l’attraper, la prendre, la choper, comme s’il ne voulait surtout pas se l’épargner.
L’énonciation symbolique qui traverse de tels énoncés qui s’en soutiennent implicitement, fixe au sein d’un fonctionnement un objet pathogène, de sorte que ce fonctionnement, en raison de cette fixation, se trouve comme dans la nécessité de pervertir sa fonction correspondante (et par association peut-être d’autres, qui modi- rient du coup leurs propres fonctionnements : le mal s’étend, se généralise, ou trouve iiinsi une butée). Il ne reste plus cependant au sujet qu’à consulter, pour réduire cette lixation en en limitant ou en en contrôlant les effets, pour y mettre un terme, ou pour s’attaquer à l’objet pathogène. Sa tâche n’est pas facile : il entre alors en conflit avec lr symbolique; jamais les choses ne redeviendront de toute façon comme avant : iiprès son échec pour pervertir, le symbolique laisse des séquelles, même minimes.
«Je suis atteint d’une furonculose… J’ai contracté la grippe… Je suis frappé d’une nlïection rhumatismale… Je souffre de troubles gastriques… Je suis tombé malade…, etc». Ces sortes d’énoncés sont signifiants d’un sujet qui non seulement se nent à distance de ce qui l’affecte, mais n’entend pas condescendre à ce que le symbolique l’y porte : il n’entend pas aller au-devant de ce qui lui fait grief et, dans son énoncé, prend distance, prend ses marques, comme pour dénoncer l’intention néfaste pour lui du désir de cet Autre symbolique, qui lui propose une jouissance dont il refuse de se satisfaire.
I,’énonciation symbolique qui traverse de tels énoncés qui s’en soutiennent impli- i liment, prétend certes fixer au sein du fonctionnement un objet qui lui serait IMlhogène, mais sa prétention est surtout d’y fixer un moi — objet aussi du reste — >|iii consentirait à s’en laisser déborder, ou pour faire image : à s’en laisser conter. Le sujet peut au contraire vouloir maintenir le fonctionnement dans sa normalité, dans sa tempérance. Le symbolique peut alors déplacer l’objet pathogène, ou déplacer la |mlhogénie, du fonctionnement à la fonction, voire à son organe : c’est à lui qu’elle mira directement à faire. Sujet et fonctionnement sont dans cette hypothèse i onl’rontés à une perversion de la fonction par le symbolique. Ils peuvent y faire activement objection, ou passivement s’y abandonner : dans un cas comme dans l’autre cependant, ils sont en conflit avec le symbolique.
Repères cliniques
Qui ne retrouve en écho de ces différents rapports du symbolique avec la fonction ou avec le fonctionnement par le moyen d’objets pathogènes, les démêlés des mères avec leurs nourrissons, avec leurs enfants, quand ils ont par exemple des troubles internes de la nutrition, de la digestion, de la croissance, quand ils présentent des troubles somatiques divers, ou des maladies infantiles plus ou moins graves («il s’est fait une otite…, ma fille se plaint de son estomac»); ou encore, lorsque leur rapporl avec la langue commune ou avec les autres sont problématiques, quand ils refusent la scolarisation, ou bien s’obstinent à ne pas travailler correctement à l’école? C’est très souvent et principalement d’une corruption perverse du fonctionnement par ces objets qui s’y fixent, et donc indirectement d’une perversion de la fonction par le symbolique, qu’il s’agit.
Quel que soit le brio théorique qu’on en produise, comment élaborer quelque chose de consistant de la toxicomanie, sans faire référence à ce réel clinique incontournable de la fixation d’un objet pathogène dans le fonctionnement? Le fonctionnement avec son point objectai de fixation, en pervertit alors parfois jusqu’à son abolition la fonction correspondante, et avec elle de proche en proche, d’autres fonctions qui lui sont associées. Qu’on se reporte maintenant, pour le lire à la lumière du rapport entre symbolique, fonctionnement et fonction, à l’article inaugural de Freud «Sur la Coca», et l’on verra tout le profit qu’en l’actualisant ainsi, on peul encore en tirer : la drogue est un objet fixé dans le fonctionnement pour le pervertir, et le conduire à en dévoyer sa fonction.
Discursivité de la fixation de l’objet
Quand nous soutenons que la perversion ne concerne jamais la fonction en tant que telle, qu’elle ne la concerne que par le truchement du fonctionnement, ce que nous voulons dire ainsi, c’est qu’il affecte la fonction d’un objet dont le symbolique le pervertit, en toute méconnaissance du sens que cet objet recèle. La drogue est un tel objet que le symbolique fixe dans le fonctionnement pour le pervertir : le drogué en méconnaît toujours le sens réel ; jamais par exemple il ne se soucie de savoir ce que le verbe «se shooter» signifie réellement et il l’emploie sans cesse en méconnaissant ce qu’il signifie à proprement parler : tirer un coup, se trouer, se flinguer; bref, se donner la mort, se droguer à mort. Le drogué se choisit donc avec sa drogue un « drogman » peu ordinaire, puisqu’il méconnaît le risque qu’il court par son truchement. C’est sur ce mot de la méconnaissance que la drogue peut être un objet fixé dans le fonctionnemenl par le symbolique pour le pervertir. Et c’est sur ce même mode que tout objet est fixe par le symbolique dans le fonctionnement, pour le pervertir et en dévoyer la fonction.
Cette fixation ne peut donc procéder que du seul symbolique. Du réel proprement dil en effet, il ne peut être en toute logique attendu rien d’autre que l’immutabilité : revenant toujours à sa même place, comme par leur alternance la nuit et le jour, ce n’est que d’être creusé d’un désir de savoir consistant, que le réel peut rendre intelligible quelque chose de son mouvement… ne varietur. De l’imaginaire au contraire, rien de constant ne peut être a priori supposé, sinon que tout ce qui en relève y trouvant de multiples équivalents substitutifs, avec ce registre, c’est sans cesse tout un. Le symbolique lui, procède du savoir inconscient, et possède surtout la propriété spécifique de la mutabi lité; à ce titre il est moteur, mobilisateur, peut modifier les rapports et les signifiance» entre les éléments d’une structure. Lui seul peut subvenir, tout autant que pervertir.
Fonction, fonctionnement, pulsion de mort
Au-delà des rapports du symbolique et du fonctionnement, en termes freudiens c’est du côté de la pulsion de mort que se situe ce dernier, tandis que le symbolique se situe du côté de la pulsion de vie, du côté des détours d’Eros. Ce n’est pas simplifier les choses que de les présenter de cette façon, et c’est les complexifier encore que de les élaborer en termes lacaniens. Mais enfin, l’être humain est complexe : et il n’est pas toujours bon, même sous couvert de logique, de vouloir le simplifier ou le vulga- nser, pour donner l’illusion toujours trompeuse qu’il est beaucoup plus simple qu’il ne paraît; sa complexité, mieux vaut avoir le courage et le respect de l’aborder telle i|u’elle se présente, plutôt que de vouloir la «pédagogiser» à l’excès pour croire ainsi pouvoir la comprendre.
En termes lacaniens donc, le fonctionnement se situe du côté du corps — et c’est incontestable — mais aussi du coup du côté de l’imaginaire, puisque l’imago du corps propre est le seul registre à partir duquel il soit possible d’en savoir quelque chose; or, situé du côté du corps, le fonctionnement participe également de son réel par les organes et non seulement de la fonction qui lui correspond; mais le fonctionnement ne peut déborder ou inhiber que la fonction par le jeu normal ou pathologique îles signifiants et des symptômes; ce dont atteste le symptôme, solution de i ompromis qui en témoigne et qui a pour fonction d’en limiter les excès. Du réel par contre le symbolique peut être corrupteur, et il peut l’être au point de pouvoir pervertir le fonctionnement en le dévoyant de telle sorte qu’il porte la destruction au sein de la fonction.
Jouissances
Le fonctionnement cependant n’est pas toujours perverti, et quel qu’il soit, le sujet un tire jouissance. Freud appelait cela «bénéfice», primaire ou secondaire; mais ce concept est trop dépendant de celui de satisfaction : celui de jouissance est plus pertinent, non seulement parce qu’il traduit mieux la clinique, mais encore parce qu’il y répond davantage. La jouissance du sujet est phallique quand elle procède du rapport du fonctionnement à la fonction, elle est Autre quand elle procède du rapport du Innctionnement à l’imago du corps propre, elle est «j’ouis-sens» comme le dit I aean, quand elle procède du rapport du fonctionnement au symbolique.
L’objet a et sa dysharmonie
Ces trois jouissances tournent toutefois toujours autour d’un objet; cet objet est l’objet a ; deux traits distinctifs le spécifient :
- il n’a pas d’image spéculaire, autrement dit pas d’altérité : il ne fait pas miroir;
- il est partiel, non pas de ne représenter qu’une partie du corps, détachée ou détachable de sa totalité, mais de ne représenter que partiellement la fonction qui le produit.
Il s’en suit deux corollaires :
• la pulsion qui habite la fonction, découpe dans son métabolisme, et cela à partir il une marge ou d’un bord anatomiques (lèvres, enclos des dents, marge de l’anus, nlllon pénien, vagin, fente palpébrale, voire cornet de l’oreille…), une zone érogène irpénible alors comme étant le lieu corporel, où la pulsion colloque l’objet que la !i Miction produit ;
une «image» peut donner un habillement , dont la zone même explique la mesure : mamelon, scybales, flot urinaire, un phonème, voix, regard, rien… sujet même, quand il est sujet de la conscience, pour ! prétendre croire pouvoir accéder à lui-même en ne se désignant que de ses seuls énoncés; comme si l’introspection pouvait dénier l’existence de l’inconscient, ou du sujet de son énonciation.
A cette définition princeps de l’objet a [33]’ tout au long de son enseignement Lacan apporte des précisions. Précisions relatives ci son origine, la perte, et principalement ce qui l’incarne : le placenta perdu; perte qui se démultiplie ensuite dans des métonymies concernant la demande, l’absence, le manque, le désir, la parole, etc,, démultiplication qui trouve finalement son compte avec la mort proprement dite. Précisions relatives à la pulsion, puisque c’est autour de l’objet a que se construit le montage pulsionnel, et que c’est autour de lui que tourne la pulsion. Précisions au lieu : en aucun cas cet objet n’habite dans l’Autre, lieu des seuls signifiants, même si avec lui les rapports ne manquent pas. Précisions relatives à la logique fantasmatique de cet objet, dans son rapport avec le sujet du désir dont il est «la doublure sans en être pour autant l’envers». Précisions relatives à son économie encore, l’objet a représentant ce par quoi se produit l’en-plus-de jouir — et Lacan établit même à cet égard une stricte analogie entre l’en-plus-de jouissance et la plus- I value marxiste — lequel a partie liée avec le désir et l’angoisse. Précisions de structure enfin, quand l’objet a est situé au centre du nouage borroméen du symbolique, I de l’imaginaire et du réel, topologie qui présente les rapports qu’il entretient avec les autres éléments structuraux.
Le fond, cet objet a est cause de trois choses fondamentales : la jouissance, le S désir, et l’angoisse ; à partir de cette constatation, ne serait-il pas utile et judicieux de relire ce texte essentiel de Freud : «Inhibition (jouissance), symptôme (désir) et angoisse (objet a) », pour en élargir et en approfondir le champ?
Sans que cela ne remette en cause l’objet a tel qu’en substance nous venons d’en rappeler les traits structuraux, nous disons :
- que l’objet a est nécessairement objet de dysharmonie, trait réel constitutif Au petit d’homme, marque qui ne s’efface jamais;
- que cet objet, tant s’en faut, fonde la perte qui lui est constitutive ; perte irrémédiable, à laquelle le désir ne répond jamais autant qu’il n’y faille, pour laquelle l’angoisse ne cesse de rechercher le représentant, de laquelle la jouissance propose cons tamment une réparation, contre laquelle la parole tente en vain d’avoir le dernier mot ; ‘
- que l’objet soit tel dès avant l’origine, rend totalement inutile de savoir s’il pourrait ou non être retrouvé, et s’il aurait quelque jour été perdu; puisque c’est de l’écart en pure perte qu’il se spécifie, c’est encore à cette perte que tout objet retourne’, ce n’est donc jamais lui mais elle qui est retrouvée, quand il est recherché;
- de cet objet a, objet réel puisque de pure perte, les virtualités ne manquent pas : ainsi existe-t-il des objets : du besoin, de la pulsion, de la demande, du désir, île l’amour, de la haine, de l’envie, de la jalousie, du fantasme, de la jouissance… Les leurres ne lui manquent pas non plus, le plus important tenant à la coordination posturo-motrice devant le miroir ;
- l’objet a ainsi défini est à la croisée du rapport entre fonction et fonctionnement, et c’est pour leur permettre de mieux s’articuler que le symbolique confère aux divers objets métonymiques de cet objet a, des identités virtuelles et des leurres ;
- ces objets de virtualité et de leurre présentent la particularité d’être mobiles, mobilisables, ou fixes. Nous nommons fixation, le procès par lequel le symbolique
Fixe un objet dans le fonctionnement, afin que celui-ci en détermine son rapport à la Jonction ; nous nommons mobile, le procès par lequel le symbolique laisse au fonctionnement la régulation de son rapport à la fonction, régulation qu’il réalise à partir îles particularités qu’il investit des objets qu’il se choisit;
- enfin, jamais fonction et fonctionnement n’ont de rapports harmonieux’, jamais Ils ne se joignent pour faire bord à bord : entre eux, le dé-bordement est de règle, et l’objet a que nous proposons en pose la nécessité, tout en en étant déterminé.
Quand un sujet pense se trouver l’objet idéal de complétude ou d’harmonie, il ne i etrouve que le souvenir — d’ailleurs reconstruit à partir des inscriptions signifiantes i|in le prédéterminent — de l’objet qu’il s’était premièrement découvert pour obtenir lu satisfaction correspondante : celle par laquelle fonction et fonctionnement n’auraient d’abord connu, dans leur articulation, aucun dé-bordement. De cet idéal objet, bien sûr préféré à celui de dysharmonie, Saint Augustin nous montre une représentation dans son amaro aspectu [54] : amère représentation pour qui la contemple cl ne peut la convoiter qu’avec envie; convoitise que Lacan nomme d’ailleurs «jnlouissance», dans son séminaire «Encore» [43]; dans ses «Trois essais sur la théorie sexuelle», Freud en présente une «figure» voisine, celle de «l’enfant qui tète li’ sein de sa mère»; et il ajoute qu’ensuite, passée la période auto-érotique de latence, toute découverte de l’objet n’en est à vrai dire qu’une redécouverte [12].
l’our ce qui nous regarde, nous pensons que toute découverte d’un objet est une i (« découverte de la dysharmonie : celle de l’objet et de toute relation entretenue avec lui Cela signifie que ce n’est pas du tout l’objet lui-même, sa perte ou sa redécouverte qui importent, mais bien davantage la dysharmonie même, celle dont tout objet quel qu’il soit est particularisé, marqué, et dont la symbolisation tout comme l’imaginai isation se trouvent affectées. Entre le psychanalyste et son analysant par exemple, li! transfert ne se soutient finalement que de l’objet de dysharmonie. A partir de ces Constatations tout autant cliniques que théoriques, nous pensons également pouvoir préciser, pour le redéfinir, le concept d’auto-érotisme.
Vidéo : Propositions métapsychologiques:Fonction,fonctionnement,autisme et perversion
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Propositions métapsychologiques:Fonction,fonctionnement,autisme et perversion
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