L'hypercatif
Steeve est maintenant âgé de quatorze ans. C’est la sixième fois qu’il est hospitalisé pour traumatisme crânien; une fois, ça a failli lui coûter la vie à cause d’une hémorragie intracrânienne. S’il est si souvent à l’hôpital, c’est qu’il est hyperactif, me racontent ses parents; il bouge tout le temps et contrôle mal son degré d’activité. Ses accidents semblent dus au fait qu’en plus d’être hyperactif, il prend des risques exagérés; pourtant il n’est pas dépressif et n’a pas d’idées suicidaires. À l’école, malgré de gros problèmes de comportement, il a quand même réussi les cinq premières années de son primaire. Il faut dire qu’il fréquente une petite école et que ses enseignants n’avaient pas envie de le revoir l’année suivante. Par contre, en sixième année, on n’a pas eu le choix de le faire redoubler. Il a quand même réussi à entrer au secondaire régulier, sa première année se soldant toutefois par un échec.
Patrick est un adolescent de treize ans qui me consulte pour un examen de routine. Son comportement dans le bureau est normal et il me paraît très intelligent. C’est pourquoi je suis surpris d’apprendre qu’il sera classé en cheminement particulier continu au secondaire, ce classement indiquant un retard de plus de deux ans dans sa scolarité. En posant des questions, je constate qu’il a toujours présenté des symptômes d’hyperactivité à la maison et à l’école, même si aujourd’hui, au bureau, ce n’est pas évident. Il a des difficultés scolaires depuis la première année, qu’il a d’ailleurs redoublée. Ses problèmes sont dus à un manque d’attention auxquels s’ajoutent de l’agitation et de l’impulsivité. Ses enseignants le décrivent aussi comme paresseux (il pourrait faire plus, il est capable). Des tests ont démontré voilà quelques années qu’il avait une intelligence normale. Il a déjà pris pendant quelques mois du Ritalin, ce qui a entraîné une réelle amélioration de son rendement scolaire. Il a cependant cessé d’en prendre en raison de la publicité négative faite autour de ce médicament dans les médias.
Les deux garçons qu’on vient de décrire ont un point com¬mun: ils sont victimes de «troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité», ou plus simplement, d’hyperactivité.L’hyperactivité se manifeste par un ensemble de symptômes qui handicapent la victime pour plusieurs années, pour toute la vie dans de nombreux cas.«Dans les chapitres suivants, nous verrons en profondeur l’ensemble de ces symptômes. En fait, l’hyperactivité revêt autant de visages qu’il y a d’enfants qui en sont victimes et demeure encore mal connue dans notre société.
L’hyperactivité n’est pas rare. Selon les spécialistes, de 3 à 10 % des enfants d’âge scolaire répondent aux critères de dia¬gnostic que j’énumérerai plus loin. Ces chiffres signifient que dans chaque classe de première année de plus de vingt élèves, on compte en moyenne de un à deux enfants victimes de cette déficience.
Pour une raison qu’on ignore, l’hyperactivité touche au moins trois fois plus les garçons que les filles. Fait à noter, cette proportion augmente à six garçons pour une fille (et certains disent même douze pour une) si on prend en considération les enfants qui consultent un médecin pour ce problème, ce qui donne à penser que l’hyperactivité est en général plus sérieuse chez les garçons.
L’hyperactivité se rencontre partout dans le monde et, même si elle est diagnostiquée plus souvent aux États-Unis, où de nombreuses recherches ont été menées sur le sujet, elle est aussi courante dans les autres pays du monde si l’on se base sur la présence des symptômes.
Certains chercheurs croient que l’hyperactivité est plus fréquente chez les enfants issus de milieux défavorisés. Cette différence, si elle existe, n’est certainement pas très marquée, et l’on retrouve un très grand nombre d’hyperactifs dans toutes les classes de la société.