Les procédés mnémotechniques sont-ils efficaces
Depuis l’antiquité, des procédés ou trucs ont été découverts, par hasard, puis par tâtonnement, qui permettent d’améliorer la mémoire. On les appelle des procédés ou trucs mnémotechniques. Le plus souvent, ils sont efficaces parce qu’ils jouent le rôle de plan de récupération. Nous avons vu dans des questions précédentes que notre mémoire est une vaste bibliothèque et qu’il faut des indices, bonnes adresses du passé, pour retrouver l’emplacement des souvenirs dans les rayonnages de la mémoire. Or, nous avons aussi une mémoire à court terme qui sert de tableau noir et ce tableau a une surface limitée, où l’on ne peut pas tout inscrire. Un plan de récupération, c’est une organisation d’indices qui permet de « chaîner » entre eux de nombreux indices et ainsi d’économiser notre tableau noir. Par exemple, si j’apprends douze catégories de quatre mots, le nombre de noms de catégorie sera trop grand pour les stocker en mémoire à court terme (limitée à sept). Mais si je repère que je peux classer les noms de catégories en catégories plus élevées, par exemple « fleurs, fruits, arbres » dans la super-catégorie « Plantes » et les catégories « poissons, oiseaux, insectes » dans la super-catégorie « Animaux », etc, je vais ainsi réduire les douze catégories en quatre grandes catégories, par exemple « Animaux, Plantes, Minéraux, Ustensiles ». Une équipe de chercheurs a réalisé une telle expérience avec une liste gigantesque de cent vingts mots, regroupés dans des catégories, qui elles-mêmes étaient regoupées dans des super-catégories. Le rappel était de soixante-dix mots, dès le premier essai, alors que la même liste mélangée dans un groupe contrôle ne permettait qu’un rappel d’une vingtaine de mots. Si l’on se rappelle que la mémoire à court terme, notre tableau noir, est limitée à sept mots, on voit que le plan de récupération permet de rappeler dix fois plus. Le plan est donc une organisation d’indices de récupération. Ici, les indices sont les noms de catégories de base, par exemple, « Fleurs » pour rappeler « tulipe, rose » et les super-catégories sont les organisations plus élevées. Ce plan de récupération hiérarchique est le plus efficace que l’on connaisse car il correspond au classement de la mémoire sémantique, la plus puissante de nos mémoires. C’est pourquoi il est très bon qu’un cours, qu’un manuel scolaire, soit présenté avec des titres et des sous-titres. Cependant, les indices ne servent qu’à récupérer des informations déjà stockées en mémoire ; si ces informations n’existent pas, les indices ne seront pas efficaces. C’est la raison pour laquelle apprendre le plan par cœur ne suffit pas ; il faut apprendre le texte de façon multi-épisodique comme nous l’avons vu dans la question précédente et ensuite apprendre le plan.
Un procédé mnémotechnique bien connu est la « phrase-clé » ; elle consiste à organiser en une petite phrase des parties du mot, parties qui servent alors d’indices de récupération. Par exemple, « me voici tout mouillé, je suis un nageur pressé » permet de se rappeler l’ordre des pla¬nètes de notre système solaire, « me = Mercure, voici = Vénus, tout = Terre, mouillé = Mars, je = Jupiter, suis = Saturne, un = Uranus, nageur = Neptune, pressé = Plu- ton. » Ce procédé est lexical (et non sémantique) puisque les indices de récupération sont les initiales des mots. Il est efficace parce que les noms des planètes sont déjà connus et que les initiales peuvent récupérer ces mots déjà enregis¬trés. En revanche, certaines phrases-clés ne vont pas être efficaces pour les élèves qui n’ont pas déjà en mémoire les notions à récupérer. Ainsi, la phrase clé « Napoléon mangea allègrement six poissons sans claquer d’argent » ne sera d’aucune aide pour les élèves qui n’ont pas en mémoire les symboles des atomes en chimie, Na signifiant le sodium, Mg (de mangea) signifiant le magnésium, etc. Les procédés mnémotechniques sont donc des aides, des petits trucs aidant la mémoire, mais qui ne remplacent pas les appren¬tissages. Certains charlatans ou commerciaux se sont discrédités en accordant ainsi trop de valeur à ces procédés.