Le sentiment de connaître
Parfois l’oubli est partiel, on ne se rappelle pas du nom d’un journaliste, ou d’un acteur, l’écolier ne se souvient pas du nom d’un personnage historique, mais on se souvient de choses fragmentaires, qu’il s’agit d’un journaliste, qu’il travaille à la télévision, que ce n’est pas un journaliste de presse, qu’il est sympathique, etc. Ce phénomène de rappel d’informations partielles, appelé « sentiment de connaître » est dû à la nature composite de la mémoire. Comme nous l’avons vu à travers plusieurs questions, la mémoire repose sur de nombreux modules spécialisés, mémoire des mots, du sens, des images, des visages, et certaines informations peuvent être disponibles dans certaines bibliothèques et pas dans une autre, à un moment donné. C’est d’ailleurs souvent le nom qui manque (mémoire lexicale) et c’est alors le cas particulier du « mot sur le bout de langue ». L’explication principale est liée au manque d’apprentissage de ce mot. Ce journaliste, nous le voyons souvent, son visage va être enregistré très souvent en mémoire et sera donc très disponible, sa fonction de journaliste est également très souvent enregistrée dans la mémoire sémantique, puisque c’est l’objet même de son apparition. Mais le nom n’est pas systématiquement rappelé à chaque émission et il est donc moins disponible.
Pour l’élève, il arrive la même chose dans la lecture des manuels. Par exemple, dans un manuel d’histoire, le mot « pharaon » est cité explicitement huit fois mais il est implicitement cité vingt fois ; soit sous forme de pronom, « il », par exemple ; soit le mot est sous-entendu par des mots de liaison comme « et ». Au total, le sens du mot aura été enregistré vingt fois après une lecture de la leçon tandis que l’unité lexicale, le mot, n’aura été enregistré que huit fois. Ce n’est pas si mal, car d’autres noms comme Ramsès, Chéops, Thoutmosis n’auront été présentés qu’une ou deux fois, ce qui est insuffisant pour la mémoire. Voilà un exemple d’apprentissage qui produira un sentiment de connaissance, par exemple, c’est le pharaon (Chéops) qui a construit la plus grande pyramide, mais sans pouvoir donner le nom précis.