Le fatigué et les médecins
Le corps médical porte-t-il plus d’attention à la fatigue ?
Indéniablement, les médecins prêtent, à l’heure actuelle, plus d’attention à la fatigue, et surtout une attention différente : c’est la fin des réticences.
Auparavant, la fatigue était considérée uniquement comme devant être le symptôme d’une maladie. Les différents examens cliniques ou de laboratoires devaient aller dans ce sens. S’ils revenaient négatifs, la fatigue était alors niée, négligée ou mise sur le compte d’une cause purement imaginative. Le raisonnement était un peu identique à celui employé pour les enfants : « tu n’as pas de fièvre : tu peux aller à l’école ».
A l’heure actuelle, la fatigue est reconnue comme un trouble ou une plainte en soi justifiés par des causes multiples. Les médecins tiennent compte de J l’environnement professionnel ou familial, du profil psychologique, des habitudes de l’individu ; tout ceci pour arriver à un diagnostic de cause le plus précis possible, le tout devant aboutir à une prise en charge spécifique.
Y a-t-il des médecins spécialisés dans la fatigue ?
Tous les médecins peuvent prendre en charge cette pathologie. Mais certains voient plus de fatigués que d’autres.
Le médecin du travail peut être à même de traiter une fatigue « professionnelle » : lutte contre le bruit, adaptation des postes de travail…
Le généraliste est apte à soigner le fatigué pour peu tout de même qu’il le connaisse, car la fatigue s’inscrit dans un contexte général.
Enfin, parce que traiter la fatigue c’est s’attaquer au terrain, certains médecins sont particulièrement concernés : homéopathes, acupuncteurs, mésothérapeutes…
Y a-t-il beaucoup de fatigués dans la salle d’attente d’un cabinet médical ?
Le chiffre est impressionnant : 500 000 consultations par jour, dont 59 % de femmes.
Délai moyen de consultation : six semaines après le début des troubles. Ce délai étant suffisant pour déterminer une fatigue ayant résisté au repos, donc une asthénie.
Les examens complémentaires destinés à éliminer une cause sous-jacente ne sont demandés qu’après deux ou trois consultations, dans un souci légitime de gestion financière plus que de logique médicale.
Autre paradoxe économique : les médicaments anti-asthéniques ne sont maintenant plus remboursés ; d’autres médicaments remboursés sont dérivés de leur usage primitif et utilisés à ces fins : sel de magnésium, antianémiques, anxiolytiques ou psychotropes, en fonction du contexte de la fatigue.
Un fatigué doit-il souvent arrêter ses activités professionnelles ?
Les arrêts de travail pour plainte de fatigue directe ou masquée sous une autre pathologie sont assez fréquents.
L’arrêt de travail doit servir à la récupération et non être pris comme alibi à l’éloignement du monde actif. Nous verrons d’ailleurs que, dans certains cas de fatigue, l’arrêt total des activités n’est peut-être pas la solution la meilleure et que le maintien d’une certaine activité est préférable.
L’hospitalisation est beaucoup moins fréquente et ne se justifie qu’en cas de fatigue importante, prolongée et dont l’explication n’a pu être retrouvée au cabinet, imposant alors un bilan complet.
Dans quel service se fait-elle alors ? Il faut retenir que la fatigue traverse les clivages de la médecine classique et fait appel à l’étude de la globalité de l’individu et donc à de multiples disciplines médicales. L’hospitalisation est donc souvent pratiquée dans un service de médecine interne qui, outre son rôle propre, servira de coordinateur entre les différents intervenants. Le séjour est de plus accompagné d’une prise en charge reposante, le fatigué étant alors mis à l’écart de l’environnement familial ou professionnel et des soucis de la vie courante.
Quel dialogue ou contact médical pour la fatigue ?
Le contact direct et l’examen clinique passent avant les examens de laboratoire. L’examen clinique commence toujours par l’interrogatoire. L’interrogatoire du fatigué est une véritable enquête policière, menée sur le ton de la conversation à bâtons rompus.
Il va s’enquérir :
- des modalités de la fatigue : date de début, type de la fatigue, importance, retentissement sur la vie de tous les jours ;
- des signes d’accompagnement de cette fatigue, considérés comme plus ou moins inquiétants suivant les cas ;
- de l’existence de prise de certains médicaments réputés pour fatiguer ;
- de la consommation de « toxiques » à tous niveaux.
L’examen clinique, avec les yeux, les doigts, les oreilles, lui fait suite. Ce sera un examen extrêmement complet, qui n’exclura aucun secteur de l’organisme, tout particulièrement centré sur un examen neurologique complet, la recherche d’un déficit musculaire, la palpation systématique des artères, mais aussi : examen des aires ganglionnaires, de la thyroïde, toucher pelvien, etc.
Au terme de cet interrogatoire et de cet examen, la cause de la fatigue peut être évidente, trouvée dans l’environnement ou le profil caractériel du sujet, et les mesures de prise en charge peuvent survenir.
Ailleurs, aucune cause évidente n’est trouvée, ou bien on note certains signes pouvant être qualifiés d’alarmants. Un bilan complémentaire de laboratoire et/ou d’imagerie médicale s’impose alors.
Quelles explorations complémentaires pour la fatigue ?
Le bilan de base, compatible avec une consultation en ambulatoire, comprendra :
- une prise de sang avec étude de la numération-formule, vitesse de sédimentation, courbe de la glycémie, ionogramme, etc.
- un examen des urines à la recherche de sucre, d’albumine, de sang, etc.
- une imagerie médicale simple : radio du thorax, échographie thyroïdienne, etc.
Dans certains cas, ce bilan sera suffisant pour expliquer la fatigue ; dans les cas contraires, on proposera d’autres explorations, plus complexes et plus sophistiquées : sérologiques, dosages hormonaux ou vitaminiques, examen scintigraphique, etc., qui auront pour but de mettre en évidence les différentes causes médicales de la fatigue que nous avons décrites précédemment. Ces examens seront au mieux envisagés dans le cadre d’une hospitalisation ou dans celui d’un centre anti-fatigue.
Existe-t-il des centres d’étude de la fatigue ?
Un seul centre existe à ce jour en France, à l’hôpital de la Timone à Marseille, dirigé par le professeur San Marco. Il est en relation avec les cabinets des médecins de ville et, dans tous les cas possibles, le fatigué, une fois son problème mis à plat, est redirigé vers ces mêmes médecins de ville ou vers un spécialiste. Ce centre anti-fatigue est conçu comme un centre de détection, d’écoute, ou même un centre de déculpabilisation, tant la fatigue est encore ressentie comme un trouble honteux.
Suivant le même principe que le centre antidouleur, le centre d’étude de la fatigue rassemble en un même lieu tous les moyens en individus et en matériels propres à explorer et à prendre en charge les différents aspects de la fatigue. Ceci dans le cadre d’une consultation externe ou bien d’un hôpital de jour, solution plus souple, moins coûteuse et plus efficace qu’une hospitalisation de plus ou moins longue durée.
On ne peut que souhaiter la multiplication de tels centres en France et en Europe, ce qui conduirait à une plus grande coordination et à moins de dispersion dans l’étude et le traitement de la fatigue. Outre leurs rôles d’exploration et de soins, ces centres pourraient devenir un formidable instrument de prévention de la fatigue, de par les conseils qui y seraient dispensés.