L’association entre plaisir et déplaisir
L’association entre plaisir et déplaisir
L’association entre plaisir et déplaisir, dans leur versant de jouissance, est donc déjà réalisée au niveau de la trace. Cette association se reporte ensuite dans les associations de traces, d’une façon inaccessible à la conscience.
L’association de traces et l’articulation signifiante aussi bien portent potentiellement en elles-mêmes la possibilité d’activer un état somatique précédemment lié à une trace ou à une autre. L’exemple classique est celui de la madeleine de Proust.
À partir d’une odeur, d’un goût, s’active un état somatique associé à une chaîne associative de réminiscences précises de l’enfance, qui déclenche une sensation de bien-être. C’est ainsi que l’on peut assister à l’activation d’un état somatique inattendu lors de réactivations de traces, à travers la voie du destin de l’état somatique dans ces réassociations.
Ces éléments – traces et états somatiques – peuvent se croiser. Et c’est ainsi qu’il arrive qu’un état de malaise se retrouve associé à une expérience de plaisir, ou l’inverse. Et c’est ainsi que la trace et sa fonction de trai- lement de l’excitation selon le principe de plaisir peuvent devenir le vecteur d’un au-delà du principe de plaisir.
Imaginons une représentation d’une expérience satisfaisante associée à un état somatique de plaisir et une autre associée à une expérience pénible et un état somatique de déplaisir. Par les mécanismes de la plasticité et de la réassociation de traces, R et S vont pouvoir se croiser il conduire à la représentation d’une expérience satisfaisante associée à un état somatique de déplaisir et à la représentation d’une expérience pénible associée à un état somatique de bien-être.
Ces carrefours entre représentations et états somati- i ics sont réalisés par le dispositif psychique du fantasme. un peut même considérer le fantasme comme un ensem- le de traces articulées entre elles et associées à un état du
corps. En tout cas, le fantasme est une construction inconsciente où s’associent le sujet et le vivant. Il noue le langage et le traitement de l’excès du vivant ; il est un mode de traitement de l’excès du vivant et un noyau de jouissance toujours prêt à se réveiller.
Osons nous répéter : le fantasme est à la fois une solution et un problème ; il organise la vie du sujet, sous- tend son désir : le sujet voit le monde à travers la fenêtre de son fantasme. Comme on l’a déjà dit, pour Lacan, le fantasme est un scénario qui donne à la réalité son cadre11. Ce qui n’est pas sans créer malaise et peut mener au-delà du principe de plaisir. L’au-delà du principe de plaisir, c’est être ivre de son fantasme, l’utiliser comme une addiction. En tout cas le fantasme maintient un lien à une jouissance qui se trouve sans arrêt réactivée à travers lui.
On peut d’ailleurs se demander ce qu’il advient des sujets qui ne peuvent pas constituer de fantasme. Il arrive, en effet, que certaines problématiques psychotiques de l’enfance aillent de pair avec une incapacité à produire un scénario qui traite les excès du vivant. Faute de pouvoir s’arrimer à l’autre, de pouvoir recevoir l’incidence de l’autre et de pouvoir créer des représentations, l’enfant psychotique est emporté, désorganisé, morcelé, par les excès d’une jouissance capricieuse.
Dans les phénomènes psychotiques les plus extrêmes, il n’y a pas constitution d’un fantasme et réalisation de son opération psychique, ce qui produit un débordement permanent par le vivant en l’absence d’organisation d’une vie psychique.
Le rôle du scénario fantasmatique est de traiter l’excès du vivant. Parfois ce traitement se fait de façon univoque, répétitive et rigide, au point de conduire à une sorte d’addiction, le fantasme faisant office de solution pour tout et induisant des actions contraignantes, prises dans une compulsion de répétition.
La compulsion de répétition passe par la mise en jeu permanente, répétitive d’un même scénario, qui emporte au-delà du principe de plaisir, c’est-à-dire à l’échec du principe de plaisir.