La santé au bout des doigts : l’ostéopathie cranio-sacrale
« Je n’ai fait qu’entrouvrir le rideau pour une autre vision. » Ainsi s’exprimait modestement W.G. Sutherland, celui qui a consacré sa vie entière au concept qui porte son nom. Tout est parti d’une simple observation effectuée en 1899. Comme il scrutait un crâne « éclaté », son attention fut attirée par certains os qui le constituaient, dont l’os temporal.
Il eut la vision des ouïes de poisson dont on sait qu’elles servent à la respiration… Pourquoi une fonction aussi élaborée chez l’animal serait-elle absente chez l’homme ? Venu des océans à travers les chemins chaotiques de l’évolution, l’homme possède toujours les vestiges de ses différents cerveaux.
Existe-t-il un lien entre cet os temporal et un mécanisme respiratoire oublié, enfoui ?
Malgré le sérieux de ses études et la publication de ses travaux, les détracteurs de Sutherland furent nombreux, toutes communautés médicales confondues. Les ostéopathes ne furent pas les moins virulents. Certains considéraient que c’était le « rêve d’un hérétique » et soulevaient le danger de laisser se propager une telle sottise. Aujourd’hui encore de belles résistances animent le courant des ostéopathes, des controverses scientifiques jettent le trouble sur le concept lui-même. Nous y reviendrons.
Les cinq points clés de l’unité anatomo-fonctionnelle entre le crâne et le sacrum sont comme une courroie de transmission qui solidarise deux éléments d’un moteur :
- les os et les articulations qui les unissent (os du crâne et de la face, du bassin, du rachis) ;
- le développement et la morphologie du système nerveux central ;
- la structure des méninges, enveloppes qui protègent le cer-veau, la moelle épinière et une partie des nerfs rachidiens qui en émergent
- la physiologie du liquide céphalo-rachidien
- la structure et la fonction des sinus veineux (collecteur du sang veineux dans le crâne).
Les os du crâne bougent. Cette affirmation a longtemps fait bondir certains scientifiques. D’autres, notamment des histolo- gistes, démontraient dans leurs travaux que les sutures entre les os du crâne présentent un caractère de mobilité qui perdure tard dans la vie. En effet, cette notion découle de la physiologie du tissu osseux, puisque son renouvellement est constant.
Chaque os de la boîte crânienne et du massif facial fait l’objet d’une description anatomique détaillée ainsi que les membranes de cloisonnement qui séparent verticalement et horizontalement l’encéphale. La dure-mère, enveloppe résistante, est le « mât fibreux » qui relie les enveloppes de séparation du cerveau, la boîte crânienne, la tête, le cou, le sacrum. Les grands collecteurs veineux sont aussi individualisés et leurs connexions avec la dure- mère établies.
Le liquide céphalo-rachidien transmet la vie par ses propriétés biologiques et physiques et la composition de ces éléments figurés (cellules, protéines, etc.) est stable. Sa filtration-réabsorption assure son renouvellement constant. Le prélèvement et l’analyse de ses constituants sont des indicateurs souvent utilisés en méde¬cine (ponction lombaire).
Les sinus veineux, au nombre de seize, évacuent 96 % du sang veineux du cerveau vers les deux veines jugulaires. Chaque sinus (ou paire de sinus) joue le rôle d’un draineur attaché à une région précise du cerveau. Goulots, étranglements sont autant d’obstacles anatomiques naturels à l’écoulement veineux.
Ces structures possèdent une capacité d’élasticité, donc d’adap-tation, remarquable. Le concept s’appuie sur les interactions micro-anatomiques et macro-anatomiques entre les veines, les sinus veineux, la dure-mère, les membranes de séparation verticales et horizontales. Des carrefours naturels qui contiennent veines, artères, nerfs crâniens et des enchevêtrements de membranes et de fibres musculaires peuvent voir leur fonction perturbée par de mauvais rapports anatomiques. Perturbations de l’hé- modynamique artérielle et veineuse, conflit avec l’émergence de certains nerfs crâniens peuvent perturber temporairement ou durablement les fonctions régulatrices et organisatrices du système nerveux central.
Des troubles endocrino-hormonaux et métaboliques, des troubles sensoriels, des troubles de l’équilibre peuvent être attribués à ces conflits.
L’autre pilier du concept, 1’« impulsion rythmique du cerveau », se caractérise par un mouvement lent, rythmé, d’une certaine amplitude. Le praticien expérimenté à la sensibilité proprioceptive pourra le percevoir sur la boîte crânienne et dans tout le corps. Sutherland l’a baptisé « mouvement respiratoire primaire » (MRP). Il est perceptible partout, sur chaque muscle et chaque viscère. Cela s’appelle 1’« écoute tissulaire ». Il anime toutes les structures anatomiques qui possèdent un lien direct ou indirect avec lui. Depuis les membranes qui séparent horizontalement et verticalement le cerveau, celles qui unissent la région occipito- cervicale supérieure et le sacrum, jusqu’à la sensation d’une « pul- satilité ».
Il est différent des autres rythmes connus tels que les rythmes cardiaque ou respiratoire ; sa fréquence normale est de six à dix pulsations par minute. D’innombrables études existent sur le sujet. Le débat est toujours ouvert, et la polémique toujours d’actualité. Chercheurs de tous bords et de toutes chapelles, de tous pays, continuent de crier « au fou » ou « au génie ».
D’où provient ce mouvement ? Parmi les nombreuses hypothèses avancées par les scientifiques, fondamentalistes ou cliniciens qui se sont intéressés au sujet, John Upledger, dont les tra¬vaux sont suivis de près par la communauté des ostéopathes
américains et européens depuis plus de vingt ans, propose la thèse suivante : le mouvement serait dû à des variations de pression entre le sang artériel, le liquide céphalo-rachidien et le sang vei¬neux. Un mécanisme de contrôle réflexe par des terminaisons ner¬veuses placées entre les sutures des os du crâne serait sensible aux distensions des os du crâne par la diffusion du liquide céphalo- rachidien. Ainsi, la diffusion du liquide céphalo-rachidien serait sous le contrôle d’un mécanisme de rétro-action comme il en existe partout en physiologie humaine.
Les recherches des histochimistes, des biochimistes, des biophy-siciens permettront vraisemblablement d’éclaircir ce sujet. Des anatomistes du vivant qui utilisent les technologies d’imagerie moderne espèrent réaliser le montage visuel du système et de son fonctionnement.
La communauté scientifique est perplexe, souvent hostile. On peut parier que le sujet alimentera pendant longtemps une féroce diatribe anti-ostéopathe. Les ostéopathes sont eux-mêmes parta¬gés en deux clans dont on voit mal dans l’avenir comment les réconcilier.
Pour le clinicien, le MRP doit délivrer son « message clinique ». Il doit interpréter les troubles du rythme de base et les orientations du mouvement perçu, bref, « justifier les sensations » par une conceptualisation anatomique et physiologique. C’est l’instant de tous les dangers, où tout repose sur la personnalité de celui qui reçoit. Détecter les dysfonctions des mouvements de base, les classer selon la nomenclature attachée au concept et en faire la correction.
L’évaluation attentive d’un trouble du rythme du MRP perçu dans le corps par « écoute tissulaire » ou sur la boîte crâ-nienne conduit à une normalisation par un passage obligatoire au « point de tranquillité ». Ces procédures sont simples, les techniques aussi, mais il faut des années pour les maîtriser. Il faut simplement imaginer l’extrême complexité d’un concept qui intègre dans son diagnostic toute la pathologie humaine connue, fonctionnelle et organique et, dans ses tableaux étiologiques, tous les incidents ou tous les accidents de notre vie depuis la phase intra- utérine en passant par la naissance, la période postnatale et la petite enfance…
Pour les Drs W. G. Sutherland, Rollin Becker, Harold Ives Magoun, George Northup, V. Fryman et toute la Cranial Academy américaine, la subtilité et la grandeur du concept n’ont de justifi-cation que si les doigts qui palpent cherchent à « sentir, penser, voir et savoir »… Le champ d’application du concept est vaste. Nous décrirons les techniques et leurs indications les plus reconnues.
Vidéo : La santé au bout des doigts : l’ostéopathie cranio-sacrale
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