La cause : les facteurs sociaux et familiaux
Longtemps, on a cru que l’entourage des enfants hyperactifs, et en particulier leurs parents, était responsable en tout ou en partie de leur hyperactivité. On a étudié de plus près leur comportement pour constater que la plupart des parents d’enfants hyperactifs avaient une façon très différente d’éduquer leurs enfants. On a en effet remarqué que ces parents criaient plus que les autres, punissaient plus souvent et plus sévèrement, récompensaient moins et passaient moins de temps à jouer avec leurs enfants. On croyait qu’une telle attitude avait un rôle à jouer dans la genèse de l’hyperactivité.
Deux études ont démontré que cette attitude parentale était beaucoup plus une conséquence de l’hyperactivité que sa cause. On a d’abord observé l’attitude des parents quand l’enfant pre¬nait un médicament qui avait pour effet de diminuer sensiblement ses symptômes. Très rapidement, leur attitude se modifiait. Ils criaient moins, récompensaient plus, punissaient moins et passaient plus de temps avec leur enfant. Dans l’autre étude, des enfants hyperactifs ont été confiés à des parents dont l’attitude avec leurs enfants était considérée comme tout à fait normale. Rapidement, ces parents «normaux» ont montré des signes d’impatience et ont adopté un comportement semblable à celui que l’on retrouve généralement chez les parents des hyperactifs.
Il apparaît donc clairement que l’attitude des parents n’a rien à voir dans la genèse de l’hyperactivité. Par contre, il semble de plus en plus évident que les problèmes familiaux (mésententes, séparations, violence, etc.) et économiques (pauvreté, chômage, etc.) augmentent le risque que des problèmes comportementaux (agressivité) et émotionnels s’ajoutent à l’hyperactivité. D’un autre côté, il est clair qu’un milieu familial affectueux et tolérant dans lequel les parents s’intéressent de près à l’enfant diminuera la probabilité que ces complications surviennent.
Dans un ouvrage publié en 1989 , le Dr Jacques Thiffault, psychologue québécois, affirme qu’il y a deux types d’hyperacti-vité: l’une constitutionnelle (correspondant à ce que je décris dans ce livre) et l’autre qu’il nomme socio-affective. Dans son portrait de l’hyperactivité socio-affective, on retrouve des symptômes qui diffèrent largement de ceux que je décris. Le Dr Thif faut n’est d’ailleurs pas le premier à étudier des enfants présentant des problèmes psychologiques qui se manifestent par de l’agitation. Dans la plupart des cas cependant, la distinction avec les hyperactifs dont je parle ici est très facile à faire.
Néanmoins quelque chose m’agace dans son propos. En fait, le Dr Thiffaut semble penser que dès que l’enfant ne présente pas de déficit moteur ni de signes neurologiques (soft signs), il s’agit d’un cas d’hyperactivité socio-affective. Or si on acceptait ce jugement, la majorité des hyperactifs seraient des hyperactifs socio-affectifs, ce qui est faux. Très souvent, même si l’hyperactivité entraîne des problèmes émotifs, la cause reste organique. Il a d’ailleurs été clairement démontré au cours des dix dernières années que les signes neurologiques (soft signs) n’avaient aucune importance dans le diagnostic; ils sont fréquemment présents, mais leur absence n’est pas significative; elle ne révèle surtout pas une cause d’ordre psychologique.
Je suis convaincu que si l’évaluation de l’enfant est bien faite, le risque de diagnostiquer l’hyperactivité par erreur chez un enfant présentant des problèmes affectifs est mince. Et dans les très rares cas où une telle erreur serait commise, elle sera rapidement décelée parce que la médication n’apportera aucun changement; le retard thérapeutique que cette éventuelle erreur de diagnostic entraînerait ne serait donc que minime. Par contre, priver les enfants d’un traitement qui peut les aider énormément serait beaucoup plus néfaste. Je suis certain que le Dr Thiffault serait d’accord avec moi sur ce point.