Composer avec les émotions négatives: Le pensée positive et le travail mental
Par un travail mental, on peut réellement changer l’état physiologique interne et provoquer l’apparition d’une nouvelle émotion susceptible de prendre la place de la première. Le travail mental peut emprunter diverses formes.
La réflexion
La réflexion consiste à prendre du recul par rapport à l’émotion et à lenter d’analyser plus objectivement la situation en considérant tous les éléments qui la composent. Prenons l’exemple d’un individu qui, devant une tâche qu’on lui a confiée, éprouve de la colère I uirce qu’il se sent incapable de répondre à la demande. Il peut tenter de voir ce qui, dans son environnement de travail, contribue à susciter sa colère et son impuissance. Cette analyse de la situation l’aide à mieux cerner les causes de sa difficulté et à trouver des laçons de remédier à ce problème, par exemple en modifiant ses conditions de travail ou en cherchant dans son milieu les ressources susceptibles de l’aider à le surmonter. Ici, les sentiments viennent éclairer la raison pour analyser une situation problématique et y apporter des éléments de solution. Dans la réflexion, l’attitude rationnelle prédomine et la volonté de guider les pensées vers la résolution du problème est à son maximum. Cependant, pour avoir un effet sur le sentiment, la réflexion doit laisser celui-ci imprégner la pensée. À cette seule condition, l’émotion fera surgir des images mentales qui vont guider la démarche réflexive. Une pensée purement rationnelle déconnectée de ses racines corporelles ne peut pas contribuer à canaliser les tensions émotionnelles. Dans l’attitude réflexive, le cerveau gauche dirige les opérations tout en prenant en compte les informations en provenance du cerveau droit.
L’introspection
Il arrive que ce travail d’analyse plus objective ne suffise pas à ramener un état de bien-être. Dans notre exemple, si l’individu est conscient d’éprouver une agressivité trop intense par rapport à la situation qui le blesse, il doit pousser plus loin son travail mental en ayant recours à l’introspection. En adoptant une attitude d’observateur de ses propres pensées par rapport à ses sentiments, il pourrait, par exemple, s’apercevoir que sa colère apparaît lorsqu’il se sent incapable de tout contrôler. En s’interrogeant sur les raisons d’un tel besoin de contrôle, il prend conscience qu’il tente de prouver sa supériorité aux autres pour compenser un sentiment d’infériorité. Sa colère servait à le protéger contre la déception de ne pas être le surhomme qu’il imaginait. L’acceptation de cette réalité l’aide à avoir des ambitions plus réalistes et à se pardonner de ne pas être parfait. Parce qu’il devient plus indulgent envers lui-même, sa colère n’a plus lieu d’être aussi intense. Le travail d’introspection aurait aussi pu le conduire dans une autre direction. Il aurait pu se rendre compte que c’est l’impuissance qui le rend inconfortable et que sa colère n’est là que pour l’empêcher de la ressentir. Pourquoi ce sentiment lui est-il aussi pénible ? Peut-être qu’enfant il s’esl senti impuissant à soulager ses parents malheureux et en a éprouvi1de la honte. La démarche d’introspection permet de comprendre le caractère inapproprié de l’émotion actuelle puisqu’elle permet de trouver les ressemblances entre la situation présente et des Evénements du passé. Les liens établis permettent de voir la situation avec plus d’objectivité, ce qui atténue la réaction excessive et favorise l’apparition de meilleurs sentiments.
L’introspection peut s’aider de techniques d’imagerie mentale. Toujours à partir du même exemple, l’individu en colère se demande d’abord pourquoi son émotion le submerge ainsi, puis, sans chercher volontairement la réponse, il laisse venir les images. Une première se dessine : par exemple, il se voit les deux mains liées, prisonnier dans un espace où on l’a abandonné seul, sans secours. Cette image l’aide à prendre une position de témoin face à son émotion au lieu de la laisser l’envahir. De cette position plus confortable, il peut l’observer en détail et apercevoir soudain la présence d’un objet contondant à proximité de lui. Il se voit en train de s’en emparer et de couper ses liens. Cette seconde image, surgie tout aussi spontanément que la première, lui permet de comprendre qu’il a peut-être plus de ressources qu’il ne le croit. L’espoir diminue l’anxiété et il se découvre effectivement des forces qu’il ignorait.
L’introspection a pour but l’approfondissement de la connaissance de soi. Contrairement à la réflexion, où la pensée, tout en tenant compte du sentiment, analyse les données extérieures d’un problème, l’attention de la conscience se porte ici sur les processus internes qui contribuent à nos actions ou réactions : nous nous regardons agir, nous observons notre manière de penser et de ressentir, et nous tâchons de lier ces deux aspects afin de mieux identifier les motivations qui nous animent. La volonté de guider les pensées est moins présente que dans la réflexion, bien qu’encore active. Le cerveau gauche demeure aux commandes, mais une place plus importante est faite aux informations en provenance du cerveau droit.
Si l’introspection peut aider une personne à donner un sens à certaines de ses réactions apparemment inexplicables, elle n’entraîne pas nécessairement un changement en profondeur de ses réactions émotionnelles spontanées. Les mécanismes qui sous-tendent l’émotion sont profondément enracinés dans le corps et la traduction qu’en fait le psychisme par l’intermédiaire des images mentales et des pensées ne peut qu’être partielle. Par conséquent, le champ d’action de la vie émotionnelle est beaucoup plus large que ce que la pensée introspective peut en saisir. Quand il s’agit d’induire des transformations en profondeur, ou quand la souffrance se manifeste par des symptômes physiques en lieu et place du sentiment, l’introspection connaît des limites. Il est possible de recourir à d’autres méthodes aptes à faire travailler autrement le pouvoir organisateur de l’imaginaire, mais on sort ici du champ d’action de ce que j’ai appelé «pensée qui soigne». Cette question sera reprise au chapitre consacré aux processus naturels de guérison de l’organisme.
Le travail du deuil, un processus mental de longue haleine Au cours de notre vie, il arrive que nous soyons confrontés à des épreuves qui éveillent en nous des émotions pénibles dont la présence se prolonge sur de longues périodes. Je pense par exemple à la perte d’un être cher, aux difficultés émotionnelles engendrées par le vieillissement ou l’apparition d’une maladie physique, et à toutes les situations qui nous placent devant l’obligation de renoncer à quelque chose qui nous tenait à cœur. Ces épreuves posent des défis à la pensée qui doit participer à leur résolution. En raison des sentiments pénibles qu’elles soulèvent et qui peuvent s’avérer difficiles à tolérer pour certains, elles représentent souvent des écueils pour l’élaboration mentale. Parce que le psychisme doit composer avec plusieurs émotions pénibles, et souvent contradictoires, le travail du deuil exige du temps avant qu’une transformation intérieure se fasse sentir. Le défi est de mettre en veilleuse la volonté de guider les pensées et de laisser la conscience errer à sa guise et à son rythme parmi les émotions, les images, les souvenirs qui se présentent à l’esprit. Le temps fait son œuvre, petit à petit, le renoncement se fait sans qu’on en ait vraiment conscience. On se réveille un matin imbu de sentiments tout autres que ceux qui nous rendaient malheureux quelque temps auparavant. Un travail de deuil bien accompli débouche sur un changement en profondeur : nous ne sommes plus l’être que nous étions avant la perte, soit parce que nous avons intériorisé des aspects de la personne perdue, soit parce que nous avons su créer quelque chose à partir du vide laissé par l’absent.
L’imagination créatrice
Contrairement à la réflexion et à l’introspection, la création telle qu’elle est mise à profit dans les différentes formes d’expression artistique nécessite une prédominance de l’activité du cerveau droit et une mise en veilleuse de la pensée rationnelle et surtout de la volonté de guider les pensées. Ici, la conscience s’attarde davantage aux impressions, aux émotions et aux images mentales spontanées qu’aux pensées logiques. Elle se laisse guider par ce qui émerge spontanément même si, à première vue, cela peut sembler insensé : le geste qui veut se faire, la respiration qui impose son rythme, les mots qui s’écrivent. Le matériel qui surgit a pour caractéristique de surprendre l’artiste lui-même qui, bien qu’il le pressente comme provenant du plus profond de lui-même, a parfois du mal à s’y reconnaître. C’est qu’ici les images mentales inconscientes et les sensations corporelles occupent une place beaucoup plus importante dans le processus d’élaboration mentale que les pensées conscientes. Alors que dans l’attitude réflexive les associations logiques alternent avec les liens analogiques, ici, l’analogie et le symbolisme dominent l’activité de liaison des images mentales qui se fait à l’insu du créateur.
Cette modalité de pensée caractérise l’enfant d’âge préscolaire : celui-ci invente, joue avec les images, crée, se meut avec aisance dans un univers fantaisiste où la logique a peu de prise. Se livrer à la création à l’âge adulte exige souvent un entraînement particulier parce que le recours à la raison prend facilement le dessus sur l’activité fantasmatique lorsque la conscience est en éveil. Certaines personnes naturellement créatrices ont cependant conservé cette prédominance de l’activité du cerveau émotionnel et parviennent à se mettre plus facilement en mode créateur.