Comment le sens du temps vient à l'enfant
Ses horloges internes jouent-elles un rôle pour donner aux hommes le sens du temps ? Il est difficile de répondre à cette question, car on ne s’accorde guère sur ce qu’est ce « sens » du temps, qui ne correspond à aucun organe précis et qui varie suivant les individus et les circonstances. Le temps est le sens de la vie, dit Paul Claudel, comme on dit le sens d’un cours d’eau, d’une phrase, d’une étoffe, de l’odorat. Nous constatons cependant tous les jours que nous avons conscience du déroulement du temps, que nous ressentons la différence entre le passé, le présent et le futur. Cette conscience du temps qui passe est-elle inscrite dans notre hérédité ? C’est probable, et les observations des psychologues montrent que l’enfant, dès son plus jeune âge, paraît être sensible au déroulement du temps, ce qui ne signifie pas qu’il en possède une notion claire, et encore moins théorique. Mais il ne peut y avoir conscience sans conscience du temps.
Des observations passionnantes faites sur ce qu’on appelle, avec juste raison, la « compétence » du nouveau-né, c’est-à- dire ses possibilités psychiques – dont on a découvert, récemment, qu’elles sont bien plus importantes qu’on ne le pensait – montrent qu’il est très vite sensible à ce qui est du passé, qu’il a donc une forme de mémoire, et qu’il sait d’une certaine façon anticiper l’avenir proche. Le nouveau-né se souviendra, par exemple, des sons qu’il aura entendus dans le ventre de sa mère, à partir du cinquième mois de la grossesse. De nombreuses observations montrent que, contrairement à ce qu’on avait longtemps cru, le fœtus est sensible à ce qui se passe autour de lui et qu’il est très tôt actif. Son système auditif, de l’oreille au cerveau, est fonctionnel à partir de trois à quatre mois. Son cœur bat entre la septième et la neuvième semaine. Il fait des mouvements de ses membres entre la neuvième et la trinôme semaine. On observe des mouvements rythmiques et rapides de ses yeux, et une activité, également rythmée, des battements de son cœur, caractéristiques de la phase « paradoxale » du sommeil, celle des rêves, à partir de la dix-neuvième semaine. Nous avons vu, à propos du sommeil, que ces rêves du fœtus le préparent peut-être à mieux réagir au choc de sa naissance.