Une relation pour se soigner
La méditation et la méthode en ECHO sont des outils qui, après une période d’entraînement, peuvent être utilisés de manière autonome. Ils aident à maîtriser l’angoisse au quotidien et à redonner de la souplesse et de la fluidité au processus de pensée. Bien qu’ils aient parfois des effets thérapeutiques, là n’est pas leur but. Pour parvenir à intégrer une expérience affective difficile ou une souffrance qui perdure depuis longtemps, ces moyens individuels peuvent ne pas suffire. Parce que le problème a pris naissance dans une relation, c’est dans une relation qu’il a le plus de chance de se dénouer. Une psychothérapie offre un accompagnement à qui ressent le besoin d’accorder du sens à ce qui semble ne pas en avoir.
Qui peut bénéficier d’une psychothérapie ?
Vous venez d’être victime d’un traumatisme, vous souffrez d’insomnie sévère et continue, la dépression ou la fatigue vous écrase au point où vous n’êtes plus en mesure de travailler? Si tel est votre cas, une aide psychothérapique s’impose rapidement. Sans être paralysé par l’angoisse, vous vivez dans un état de malaise depuis longtemps, vous ne vous sentez jamais heureux, vous traînez de jour en jour une impression tenace de la futilité de la vie? Ces états d’âme sont des indices que quelque chose ne va pas et leur persistance laisse croire que le temps n’arrangera pas les choses sans qu’on lui donne un coup de pouce. Vous constatez chez vous une tendance à répéter des situations qui génèrent de l’anxiété et des sentiments négatifs ? Une faible estime de vous-même vous paralyse et vous empêche d’entreprendre ce que vous souhaiteriez faire ? La dépendance affective complique vos relations interpersonnelles? Vous souffrez de fatigue chronique ou de douleur rebelle, ou encore vous êtes souvent atteint de maladies physiques et vous pressentez que des facteurs émotionnels et psychiques sont en jeu dans votre état? Si vous vous reconnaissez dans l’un ou l’autre de ces cas de figure, il se peut qu’à votre insu vous luttiez contre certaines émotions ou certains souvenirs douloureux qui s’acharnent malgré vous à vouloir se faire entendre. Une psychothérapie à long terme peut vous aider à sortir de ce cercle vicieux, à retrouver une nouvelle énergie et à relancer un travail de pensée entravé dans son fonctionnement général.
Quelle psychothérapie choisir?
Depuis quelques années, les approches nouvelles en psychothérapie se multiplient. La mode s’empare tantôt de l’une, tantôt de l’autre, pour les présenter tour à tour comme la meilleure solution à tous les problèmes. Par ailleurs, les critiques foisonnent et parfois se contredisent. Pour qui souhaite consulter, il est difficile de s’y retrouver. Devant une publicité qui présente telle ou telle technique comme révolutionnaire et qui, statistiques à l’appui, promet une guérison rapide et assurée, on peut être tenté de surévaluer l’approche ainsi vantée et de croire qu’on peut l’appliquer avec la même efficacité dans toutes les situations et à toutes les personnes sans distinction. Ces publicités soulèvent beaucoup d’espoirs et d’attentes. Aborder une thérapie avec espoir n’est pas une mauvaise chose en soi quand on sait à quel point ce sentiment, dans la mesure où il est réaliste, contribue au succès du traitement entrepris. Mais des attentes trop élevées constituent aussi un piège. Il faut comprendre que la réalité clinique est souvent bien différente de ce que ces publicités et livres à succès laissent entendre. Le quotidien du thérapeute est plutôt tout en nuances, fait parfois de succès éclatants, quelques fois d’échecs lamentables. La plupart du temps, les résultats sont jugés satisfaisants par les deux partenaires.
Parfois, malgré une amélioration notoire aux yeux du thérapeute, le consultant reste à demi satisfait. Lorsque quelqu’un aborde le traitement avec de trop grandes attentes et que les résultats de la thérapie ne sont pas à la hauteur de celles-ci, le désenchantement peut être très douloureux. La tentation est alors de verser dans des critiques virulentes de l’approche ou du thérapeute, critiques qui sont à la mesure des promesses que l’on avait fait miroiter.
Si autant d’écoles différentes ont foisonné durant ces dernières décennies, c’est parce que le fonctionnement de l’être humain est très complexe. Même si notre compréhension se raffine, si les outils dont nous disposons se perfectionnent et si les méthodes d’intervention connaissent des succès qu’on n’aurait pas soupçonnés auparavant, il est encore impossible d’appréhender cette complexité jusque dans ses couches les plus secrètes et encore moins d’intervenir sur elle avec une garantie de succès à tout coup. Bien que nous disposions de recherches sérieuses qui nous permettent de mieux cerner les conditions nécessaires pour que la psychothérapie apporte l’amélioration attendue, elle n’est pas une science exacte et ne le sera probablement jamais. Il ne faut pas non plus perdre de vue que, même en continuant de progresser, la science et la clinique ne pourront jamais empêcher la souffrance, la maladie, le vieillissement et la mort. Pourquoi les résultats d’une psychothérapie sont-ils aussi peu prévisibles? C’est que l’approche, bien qu’importante, est loin d’être le seul facteur en cause dans le succès d’une telle démarche. Alors sur quels critères doit-on se fier pour choisir un thérapeute ? Une meilleure compréhension de ce qu’est une psychothérapie basée sur les conclusions des recherches les plus récentes portant sur l’efficacité de celle-ci vous aidera à répondre à cette question délicate.
Ou’est-ce que la psychothérapie ?
Disons-le d’emblée : il n’y a pas de psychothérapie miraculeuse. Une même approche ne peut convenir à tous les individus et à toutes les souffrances imaginables. Toutes les approches connaissent des issues heureuses et se butent à des écueils, parfois même à des
échecs. Cela est particulièrement vrai lorsque la souffrance est complexe et diffuse, qu’elle affecte l’individu depuis sa plus tendre enfance et touche toutes les dimensions de son être. En psychothérapie, l’approche est conçue comme un outil pour le thérapeute. Elle est habituellement bien documentée, appuyée sur des connaissances théoriques et pratiques acquises de longue date. Bien qu’elle soit indispensable, elle ne constitue pas l’essentiel du processus thérapeutique, pas plus que le marteau fait le bon menuisier. Si certaines techniques peuvent s’avérer plus appropriées que d’autres dans le traitement de tel ou tel type de trouble, leur succès n’est pas assuré pour autant, car bien d’autres facteurs plus importants que l’approche sont impliqués.
Une rencontre humaine
Une psychothérapie est avant tout une rencontre humaine. Son efficacité requiert la convergence de plusieurs ingrédients, certains étant imputables au patient, d’autres à l’intervenant. Du côté du client, la souffrance et le désir de trouver un apaisement sont les moteurs indispensables au succès de l’entreprise. Cela peut sembler aller de soi, mais ces conditions ne sont pas toujours remplies. Il arrive que certaines personnes souhaitent entreprendre une psychothérapie sur la base d’une conception intellectuelle : elles ont lu ou entendu dire que cela fait du bien, elles souhaitent utiliser ce moyen pour s’améliorer. Il peut s’agir d’une motivation noble, mais, sans le ressenti d’un certain malaise, il est peu probable que la démarche soit d’une quelconque utilité. La souffrance est le premier moteur d’une thérapie. Elle doit être plus grande que celle que le travail d’introspection ne saura manquer de soulever, car c’est la volonté de l’apaiser qui aidera le consultant à supporter les difficultés inhérentes au traitement, comme celle de devoir se confronter à des aspects de soi dont il est peu fier et qu’il s’efforce de se cacher à lui-même.
La motivation s’avère une autre condition du succès d’une thérapie. Quand un individu consulte à cause des pressions de son conjoint ou de sa conjointe, ou pour répondre à une ordonnance du tribunal, ou encore pour se conformer à une prescription médicale à laquelle il ne croit guère, la motivation réelle, personnelle, fait défaut. Des motivations inconscientes peuvent aussi agir à l’encontre du désir conscient d’être aidé. Changer demande de laisser tomber un mode de fonctionnement qui, bien qu’il fasse souffrir, demeure quelque chose de connu, donc de rassurant. Parfois, il apporte des avantages auxquels la personne n’est pas prête à renoncer. La culpabilité inconsciente et la blessure narcissique infligée par le fait de devoir reconnaître des faiblesses ou des limites jugées inacceptables sont d’autres obstacles inconscients pouvant se mettre en travers du chemin de la guérison.
La personnalité du consultant est un autre facteur qui va jouer dans l’établissement du lien thérapeutique. Certaines personnes connaissent des difficultés importantes par rapport à leur capacité à entrer en relation avec autrui. Celles-ci ne sauront manquer de se manifester en thérapie également, pouvant aller jusqu’à compromettre le succès de l’entreprise. La plupart des approches en psychothérapie font appel aux capacités de penser de l’individu. Lorsque celles-ci sont très déficientes, le défi est de taille pour l’établissement de l’alliance de travail. Dans ces deux cas, si la motivation est présente, la démarche pourra s’avérer quand même fructueuse malgré les obstacles importants que le couple thérapeutique aura à franchir. La façon dont thérapeute et patient parviendront à s’arrimer décidera de l’issue heureuse ou malheureuse de la rencontre.
De son côté, le thérapeute doit, bien sûr, avoir acquis les compétences nécessaires à l’exercice de l’approche qu’il privilégie. Autrement dit, il doit bien connaître son outil, autant dans ses forces que dans ses faiblesses. L’acquisition du savoir (la théorie qui sous- tend l’approche) et du savoir-faire (la technique) exige une solide formation qui s’échelonne souvent sur plusieurs années. L’expérience acquise auprès des clientèles variées, dans des contextes différents, contribue par la suite à raffiner cette connaissance théorique et technique. Mais bien plus que le savoir et le savoir-faire, c’est le savoir-être qui s’avère primordial chez l’intervenant. C’est même l’aspect le plus déterminant du succès de l’entreprise. Selon la majorité des recherches, l’efficacité des psychothérapies repose sur la personnalité et le savoir-être du thérapeute bien plus que sur l’approche qu’il utilise. Je le répète : une psychothérapie est avant tout une relation humaine qui s’enclenche et évolue dans un échange, une communication émotionnelle. Dans cette rencontre, celui qui consulte est blessé, fragile. Sa souffrance a souvent pour origine une difficulté à composer avec ses émotions, ce qui le rend malhabile en relation, parfois même très déficient. Le succès de cette nouvelle rencontre repose donc en grande partie sur les aptitudes relationnelles du thérapeute. Savoir comment utiliser ses outils techniques, à quel moment intervenir, décider de parler ou de se taire, choisir le moment propice pour livrer à son patient ce qu’il a compris, tout cela tient de l’art et dépasse largement les questions techniques. Ce doigté ne s’apprend pas dans les livres. Il relève de l’intelligence émotionnelle, intuitive, c’est-à-dire des propres capacités de penser du thérapeute et de son aisance à contenir ses émotions. Comme il est lui aussi un être humain avec ses forces et ses faiblesses, ses périodes d’équilibre et ses moments de déséquilibre, la pratique de la psychothérapie exige souvent qu’il ait fait un travail semblable sur lui-même. Des études statistiques récentes révèlent d’ailleurs que les psychothérapeutes constituent une part importante des personnes qui consultent, ce qui parle en faveur d’un professionnalisme, car on ne peut bien guider autrui que si l’on est soi-même passé par les mêmes chemins.
Être un bon thérapeute est donc en premier lieu une question de personnalité et de travail sur soi ; les connaissances théoriques et surtout l’expérience viendront par la suite raffiner son talent. Avec le temps, le savoir-être en vient même à surpasser le savoir et le savoir-faire. Il n’est pas rare qu’un thérapeute chevronné crée son propre style, sa propre façon de travailler, et qu’il adapte son approche à sa personnalité, qu’il intègre à son schème de référence des aspects techniques provenant d’autres approches. Au bout du compte, c’est sa manière d’être qui fait avancer le client. Cette intégration des connaissances et de l’expérience se fait petit à petit, souvent sans que le thérapeute lui-même en soit conscient, au point où certains en viennent parfois à minimiser l’importance de leur savoir-être dans leurs succès et à attribuer plus de crédit à l’outil qu’ils préconisent qu’à eux-mêmes. Pourtant, le même outil, placé dans des mains moins expérimentées, pourrait ne pas donner les mêmes résultats et parfois nuire au lieu d’aider.
Une expérience émotionnelle pour favoriser une quête de sens
Lorsqu’une personne souffrante consulte, c’est parce qu’elle n’est pas parvenue par ses propres moyens à penser une expérience émotionnelle qui la fait souffrir. La difficulté à réguler convenablement les émotions est souvent à l’origine de cet échec : soit elles sont trop intenses, donc impossibles à contenir, soit elles sont trop peu présentes, et alors aucune image mentale ne peut surgir, ou elles font l’objet de mécanismes de défense qui paralysent l’individu. Une psychothérapie est une quête de sens. Pour aider son patient à faire un travail d’élaboration mentale, le thérapeute met sa propre capacité de penser à son service. Sa première tâche sera de l’aider à réguler ses émotions pour relancer le travail psychique. Comme la mère apprend à son enfant à tolérer ses affects en dosant les stimulations et les moments de calme, le thérapeute doit réguler les émotions de son client en dosant les interventions calmantes et stimulantes. Devant un client trop peu émotif, il doit l’aider à reprendre contact avec son corps et ses émotions. À l’inverse, il importe qu’il sache contenir l’angoisse du patient trop anxieux ou envahi par une émotion trop intense, comme la rage, le désespoir, la honte, l’exubérance. Contenir l’angoisse du patient signifie que, par son attitude d’accueil et son calme intérieur, avec ou sans l’aide des mots, le thérapeute le rassure, comme la mère sait apaiser l’enfant en détresse simplement par son calme, le ton de sa voix, son attitude d’écoute et d’amour. Avant d’être un lieu où l’on prend conscience de la manière dont sa façon de vivre et de penser contribue à son malaise, une psychothérapie est d’abord une expérience émotionnelle correctrice, une relation humaine au sein de laquelle le patient apprend à supporter ses émotions, quelles qu’elles soient. Aucun travail psychique, aucune mise en sens ne peut se faire sans cet apprentissage préalable.
Arrimer l’approche aux besoins du client
Pour que la rencontre entre le client et le thérapeute soit un succès, l’approche doit tenir compte des besoins spécifiques de la personne qui demande de l’aide, c’est-à-dire de la nature de sa souffrance, de sa personnalité et des caractéristiques de son fonctionnement psychique et psychosomatique. L’urgence d’intervenir, comme lorsque quelqu’un est victime d’un traumatisme, suggère le recours à une approche qui cible rapidement le problème et intervient un peu à la manière d’un bistouri. Certaines approches, comme la thérapie EMDR38, l’hypnose et la thérapie cognitivo-comportementale sont réputées pour leur efficacité à traiter ces situations urgentes. Toutefois, un thérapeute chevronné, quelle que soit son approche, peut, en principe, répondre à ce besoin.
Quand la difficulté est récente et bien circonscrite dans une sphère de la vie, une approche à court terme peut être envisagée. Mais si le problème perdure depuis longtemps, ou encore si le malaise est diffus et généralisé, on peut soupçonner une difficulté à réguler les émotions de manière générale. On doit alors envisager une expérience relationnelle correctrice qui ne peut se produire que dans le cadre d’une psychothérapie de longue haleine. La plupart des approches à long terme utilisent les pouvoirs de la pensée associative pour faire avancer la cure. Toutes cherchent à faire des liens, à amener la personne à prendre conscience de ce qui pose problème dans son attitude, son comportement ou sa façon de penser et à y apporter des modifications. Elles diffèrent par le matériel ciblé par le travail de pensée et la manière dont il est traité. Quand la souffrance du patient s’exprime davantage par la voie psychique, toutes sont en mesure de lui venir en aide. Il s’agira alors pour lui de choisir son thérapeute en fonction de sa compétence et d’opter pour une approche qui convient à sa personnalité, à ses attentes et à ses croyances.
Parce que le travail de la pensée passe par une mise en mots de la souffrance, la majorité des approches thérapeutiques utilisent les représentations mentales et le langage comme outils thérapeutiques. Quand la souffrance s’exprime par des problèmes de santé physique, il y a lieu de soupçonner la présence d’un blocage de l’imaginaire. Si le patient n’a pas accès aux mots pour exprimer sa souffrance morale, l’imaginaire est en panne généralisée ; en conséquence, il aura de la difficulté à fonctionner dans une approche qui le sollicite à cet égard. Le blocage peut aussi n’être circonscrit qu’à une sphère de sa vie émotionnelle, auquel cas la souffrance non représentée qui s’y loge utilise le corps pour s’extérioriser. Ce patient peut conserver un bon rapport à son imaginaire, mais les nœuds souffrants sont tout de même difficilement accessibles à un travail mental, faute de représentations. Dans ces deux cas, on ne peut pas compter sur les seules verbalisations du patient pour faire avancer la cure et dénouer l’impasse. Une approche psychosomatique qui prend appui sur le corps pour susciter l’apparition d’images est davantage indiquée ici.