Souffrance et traumatisme
Il arrive que la vie nous confronte à des événements violents qui nous déstabilisent d’un seul coup et qui n’ont à première vue aucun sens. Des parents mettent au monde un enfant atteint d’une maladie évolutive qui limite son espérance de vie à quelques années à peine quelqu’un survit à un accident où il perd tous les membres de famille, une catastrophe naturelle tue plusieurs de nos proches et engloutit notre maison. Tous ces événements ont quelque chose d absurde et, par leur violence, ils génèrent une grande souffrance. Devant eux, soit on s’écrase, soit l’angoisse nous submerge, soit on devient insensible. D’une manière ou d’une autre, la vie psychique s éteint. Certains se révoltent, refusent la réalité et se lancent dans un combat à finir contre le médecin, le système de santé, le chauffard qui a provoqué l’accident, le gouvernement qui ne dédommage pas suffisamment les victimes, et ainsi de suite. Parce que cette lutte leur donne le sentiment de conserver un certain pouvoir, elle leur permet de survivre. Si la bataille les absorbe entièrement, elle peut se révéler un piège qui les empêche de ressentir la perte et les émotions qui en découlent, en particulier la tristesse ou le désespoir. Pour éviter d’être engloutis par la douleur, ils s’amputent d’une partie d eux-mêmes et se laissent dévorer par un combat extérieur.
Devant 1 absurdité de ces situations, on pourrait croire qu’aucun travail psychique ne peut faire émerger un sens. Les traumatismes présentent un rapport au sens différent des autres situations souffrantes. L’émotion est ici trop intense et submerge les capacités de 1 individu à la contenir et à la métaboliser par la pensée. Pourtant, la mise en sens est la seule manière de dénouer l’impasse. Alors, comment accorder du sens à l’absurde ? On comprend bien ici qu il ne s agit pas d en venir à une compréhension logique et rationnelle puisque, face à de tels événements, il n’y a rien à comprendre. Néanmoins, la souffrance qu’ils génèrent doit trouver une façon de s intégrer à l’histoire de la personne, à son identité. Celle-ci doit digérer les émotions intenses qui la submergent et retrouver sa place de sujet, la seule qui peut ramener un état de bien-être. Si on n’a pas de pouvoir sur la réalité extérieure du traumatisme, on en a un sur ce qu’il provoque en nous. Réussir à méta- boliser les émotions qu’il déclenche fera toute la différence entre rester prisonnier de 1 événément ou en faire une occasion de croissance. Ici, il s’agit de construire un sens à partir d’une situation chaotique. Le livre de Robert Jasmin, Le temps d’Alexandre, offre un bel exemple d’un travail de mise en sens d’un événement qui n’en
a pas. Il relate le témoignage touchant d’un père confronté à Y surdité de la maladie incurable de son fils. L’auteur nous a: avec lui dans les hauts et les bas de son expérience pénible, n suivons l’évolution de ses sentiments, les questionnements surgissent, les sens qui émergent et soulagent. L’élaboration taie de ce vécu difficile le conduit à la nécessité interne d’écrire livre qui lui offre l’occasion de cerner au plus près son ressenti, l’exprimer et de le partager. L’écriture transforme la souffrance une œuvre qui touche, qui fait du bien à toute personne qui la Voilà une façon d’accorder du sens à ce qui est absurde.