Pour une crénothérapie des addictions
Si la crénothérapie se doit de prouver son efficacité, notamment dans le aine des affections chroniques, qui reste son champ de prédilection, elle s’ouvrir à d’autres perspectives en fonction des possibilités thérapeutique s’ajoutent à l’hydrothérapie pure et à ses modes d’application.
À ce titre, elle se doit aussi d’innover et d’explorer des voies thérapeutiques même elles à la mesure des conceptions modernes de certaines affections. A cet égard, nombre d’entre nous se penchent avec beaucoup d’intérêt et l’espoir sur les possibilités offertes par la dimension « phénomènes de civilisation» reconnue actuellement à nombre d’états pathologiques. A ce sujet, certaines addictions1 pourraient à l’avenir relever d’un thermalisme à la fois ? médical et social, ce qui est déjà entrepris concernant le tabagisme.
Parlant de la drogue, C. Olievenstein [3] souligne que l’évolution vers la dépendance est une «équation à trois paramètres : la rencontre d’un réduit, d’une personnalité et d’un moment socioculturel». La prise en charge de la dépendance est donc un phénomène complexe, multifactoriel, nécessitant un abord global de ces trois paramètres [4].
Le séjour thermal est bien un moment privilégié (on parle de «moment «mal»), où la personne bénéficie d’un contexte de détente, qui laisse F esprit libre et ouvert à des messages de santé comme à la prise de conscience des problèmes posés par son ou ses comportement(s) de dépendance. Li durée du contact avec l’équipe soignante devrait permettre à celle-ci de rensmettre un certain nombre de messages de prévention et de réaliser un ?travail utile pour changer les motivations inductrices des comportements à risques.
Ce temps privilégié peut être intéressant pour le sevrage, premier temps de b prise en charge de la dépendance à une substance psychoactive, grâce à Tide d’équipes spécialisées formées à la prise en charge des addictions et offrant des programmes thérapeutiques adaptés.
Le syndrome de sevrage est toujours marqué, quelle qu’en soit l’origine, par Avers symptômes physiques et psychiques, par un état de mal-être. L’état de détente physique et psychologique procuré par la cure ne peut être qu’un élément positif. L’action sédative des bains, douches, massages, associée à l’éloignement du stress de la vie quotidienne, l’encouragement réciproque’ procuré par les curistes entre eux seraient autant de facteurs favorables à la prévention et à l’atténuation des symptômes du sevrage. La stimulation cutanée-sensorielle étendue procurée par l’hydrothérapie externe peul également être un élément intéressant. De plus, les conseils d’hygiène alimentaire pourront dans le cas des sevrages tabagique et alcoolique éviter des prises de poids redoutées et des compensations alimentaires excessives.
Ce temps de prise en charge globale permet de renouer un dialogue avec l’équipe médicale, mais aussi avec d’autres curistes (reconstitution de groupes d’individus, souvent en mal de reconnaissance). Il peut jouer le rôle d’une psychothérapie de groupe, permettant à chacun d’exprimer ses difficultés avec des personnes ayant des problématiques voisines. Il peut même favoriser un début de réintégration sociale pour des personnes dés-insérées.
Conçu comme un ensemble associant prise en compte des aspects comportementaux, hydrothérapie externe, réadaptation à l’effort physique, conseils diététiques, ce thermalisme nouveau serait susceptible d’apporter un service médical spécifique dans la prise en charge de certaines addictions.
Ainsi, si l’on prend l’exemple du tabac, nous venons d’achever un travail
[1] dans lequel nous avons étudié les résultats d’un «plan de cinq jours» en mesurant l’abstinence des «curistes» par le test du CO, étude réalisée sur une population identifiée par son test de Fagerstrôm1. En l’absence de groupe témoin, nous avons comparé nos résultats avec ceux obtenus par placebo dans les autres études [2]. Cette méthode faisant appel à des bonnes volontés multidisciplinaires avec un taux de réussite à un an de 21 % est significativement efficace si on le compare aux 9% de réussite habituellement retrouvés sous placebo. À bien des égards, ces curistes du «plan de cinq jours» pourraient ressembler à la « crénothérapie des addictions» que nous appelons de nos vœux. Ce travail montre également l’importance du suivi, les rechutes survenant avec le temps au prorata de l’isolement que retrouve le patient. Ce temps de sevrage en cure ne peul donc se concevoir comme un temps isolé, mais au contraire comme un temps intégré dans un projet thérapeutique coordonné, intégrant le suivi au long cours, seul garant de résultats durables.
En somme, la problématique des addictions est devenue l’une des questions de santé publique les plus préoccupantes. Mais il ne faut plus se contenter de les classer par toxiques (et leurs substituts), ni de suivre durement la circulaire du 14 mars 1972 «imposant la prise en charge des alcooliques et des toxicomanes par l’hôpital psychiatrique de leur secteur géographique ». On doit admettre que la dépendance fait partie de façon pour une crénothérapie des addictions 205 beaucoup plus fondamentale de l’existence et du comportement humain [5], et organiser de manière globale et permanente la prévention et le traitement de la pathologie des addictions au cours de la prochaine décennie. La place du thermalisme dans cette nouvelle stratégie thérapeutique nous semble fondamentale et évidente.