Neurophysiologie et anatomie appliquées à l’ostéopathie
Dans la théorie de Littlejohn, chaque cellule de chaque tissu de chaque organe est le lieu où convergent le principe de vitalité et le système nerveux central, aux propriétés organisatrices et régulatrices. Le raisonnement emprunte les chemins de l’embryologie, de la neurophysiologie, de la neuroanatomie clinique.
En effet, c’est en étudiant les propriétés du système nerveux végétatif, les voies nerveuses médullaires et les propriétés des nerfs rachidiens que Littlejohn a structuré sa théorie. Chaque pathologie, identifiée par les symptômes subjectifs et objectifs, peut être reliée à une dysfonction d’un ou plusieurs systèmes de régulation.
Un lien existe entre ladite pathologie et l’un des trois segments rachidiens : tête et charnière, cou et thorax, région abdomino-pelvienne. À chaque segment est attribuée une action dominante. Par exemple, en cas de troubles endocriniens, c’est le segment tête et charnière qui peut avoir une action régulatrice de la fonction. Le rachis dorsal et les côtes commandent le tonus sympathique, et la distribution cardio-vasculaire, respiratoire, digestive, etc. constitue sa dominante.
La normalisation, au sens ostéopathique, des segments rachidiens, le bon équilibre nutritionnel, l’intégrité du système nerveux central, l’équilibre des échanges, sont les conditions à réunir pour le maintien d’une bonne santé vitale.
À l’intérieur de chaque segment, chaque vertèbre ou groupe de vertèbres a un rôle précis et provoque des réactions physiologiques précises lorsqu’on les manipule. Ces actions-réactions s’organisent selon des modalités à propos de chaque organe-cible. Par exemple, des brûlures d’estomac, dont une des nombreuses causes peut être une hypersécrétion de sucs gastriques, peuvent être abordées par le segment dorsal ou par le segment tête et charnière.
Cette démarche, qui part de la pathologie et de l’organe vers les segments rachidiens, permet des orientations vers des territoires rachidiens plus spécifiques que d’autres.
Elle oriente le clinicien. Par contre, l’intention n’est pas l’action : des résultats thérapeutiques ne récompensent pas toujours l’intervention. Cela ne fait que confirmer le fait que la médecine n’est pas une science exacte, surtout dans le traitement des troubles fonctionnels.
Une approche diagnostique et thérapeutique des atteintes fonc-tionnelles de certains organes a été proposée par les Drs Chapman et Owen. Leur méthode repose sur l’existence de réflexes patholo-giques impliquant les vaisseaux lymphatiques qui drainent les organes. Ces réflexes profonds provoquent des changements pal-pables à la surface du corps sur des territoires bien précis, ils sont reconnaissables comme de petits ganglions localisés dans les espaces intercostaux, près du sternum. De la taille d’un petit plomb de chevrotine, ou d’un haricot, ils peuvent parfois prendre l’aspect et la consistance de véritables plaques d’infiltrat, plus délicates à palper.
Par exemple, le réflexe lié au blocage lymphatique des capsules surrénales est situé dans l’épaisseur des muscles grands droits de l’abdomen et ressemble plus à une contracture qu’à un plomb de chevrotine. Il faut une longue habitude pour mettre le doigt dessus.
Les réflexes postérieurs qui sont situés le long de la colonne vertébrale à mi-chemin entre les apophyses épineuses et les apo-physes transverses ne ressemblent pas du tout à des ganglions. C’est plus la sensation que procure un œdème restreint ou l’élasticité d’un tissu fibreux. Chapman et Owen ont dressé une cartographie de leurs réflexes et des procédures diagnostiques et thérapeutiques concernant des tableaux pathologiques tels que certains états infectieux ou des troubles fonctionnels touchant l’appareil urogénital. La manœuvre correctrice est simple : maintenir un contact doux et ferme sur le « petit plomb », puis effectuer des rotations qui vont évacuer le liquide lymphatique contenu dans le ganglion.
Le syndrome « cellulo-périosto-myalgique vertébral segmen- taire » du Dr R. Maigne regroupe dans sa définition même les modifications palpables de la texture, de la sensibilité des tissus cutanés, des troubles qui affectent les muscles, les tendons et leurs jonctions avec l’os. Ces manifestations siègent dans un territoire en relation avec un segment de moelle épinière que l’on appelle un métamère. Elles peuvent être douloureuses ou non, disparaître ou réapparaître, s’organiser avec le temps, bref, tromper le clinicien sur leur cause.
La cellulalgie, elle, est palpable. Cette douleur cutanée correspond à un épaississement que l’on peut mettre en évidence par une technique simple : le pincé-roulé. Il est pratiqué d’une façon symétrique bilatérale, bien dosé, étalonné par rapport à sa force de pression. Plusieurs hypothèses qui tentent de proposer des réponses sur le pourquoi et le comment sont aujourd’hui acceptées par les médecins. Pour le clinicien, c’est un outil qui permet de relier un point à un autre, une douleur cutanée et une vertèbre.
De nombreuses théories ont pour base la médecine chinoise et ses raisonnements. Des ostéopathes en ont tiré des approches pra¬tiques cliniques. Il existerait un lien entre dysfonction vertébrale et « pulsologie révélatrice ». Cette conception permettrait une véritable représentation énergétique des grandes fonctions, de détecter précocement certains troubles organiques. La manipulation ostéo-articulaire dite « énergétique » entraînerait une action d’équilibre des énergies. Il semblerait que l’efficacité thérapeutique de cette méthode soit réelle, d’ailleurs confirmée par la normalisation des pouls révélateurs et la satisfaction des patients.
Depuis quelques décennies, plusieurs raisonnements établis sim-plement à la lumière de l’expérience intéressent les ostéopathes. Ces tentatives de relier une approche clinique, une réflexion phy- siopathologique et une doctrine sont laborieuses, mais de nombreux praticiens s’y réfèrent en permanence avec un certain succès, semble-t-il. Il n’existe pas aujourd’hui, pour un ostéopathe, de moyen pour contrôler l’efficacité d’un geste technique par rapport à tel autre.
Par exemple, est-il préférable de tenter une manœuvre ostéo-articulaire plutôt qu’une manœuvre viscérale, et peut-on supputer une action thérapeutique plus rapide, plus efficace et plus durable en fonction de ce choix ? La doctrine ostéopa- thique recommande de prendre en charge la dysfonction selon les trois composantes qui la caractérisent : mécanique, neurologique et fluidique. Ces trois liens définissent ce que les ostéopathes nomment la « lésion ostéopathique ».
Le praticien doit entreprendre les corrections qui normalisent la dysfonction dans ses trois liens, en utilisant l’éventail technique à sa disposition. Par exemple, certaines algies pelviennes ou certains troubles digestifs, associés à des douleurs rachidiennes ou pelviennes, peuvent être traités au cours de la même séance, en utilisant des manœuvres viscérales (lien mécanique), ostéo-articulaires (lien neurologique), et respiratoires (lien fluidique).
Une autre approche, dite « des trois diaphragmes », fait plus particulièrement appel aux techniques qui agissent sur la circulation de retour veino-lymphatique, puisque ces perturbations intéressent de nombreuses pathologies. On joue là avec les propriétés physiques (différences de pression entre le compartiment thora- cique et abdominal). Le plancher pelvien, le diaphragme, l’enton¬noir cervico-thoracique, la charnière tête-cou sont les régions anatomiques dont il faudra équilibrer les tensions pour favoriser l’hémodynamique. On y associe des manœuvres spécifiques sur le grand réservoir veineux qu’est le foie.
Une approche originale des dystonies neurovégétatives (diffé-rences de tonus parasympathique ou sympathique) propose un ordre de manœuvre préférentiel des manipulations ostéo-arti- culaires à effet réflexe au rachis dorsal et à la jonction cervico- dorsale. Trois zones réflexes seraient reliées aux trois plexus qui commandent la motricité viscérale.
L’ordre des manipulations aurait une incidence sur le résultat thérapeutique, comme s’il existait trois cerveaux dont les actions associées ou séparées auraient des effets contraires. Il semblerait que certains spasmophiles soient sensibles à cette approche.
On peut se poser la question : certains gestes exécutés au cours d’une même consultation auraient-ils des effets contraires, des effets de synergie potentialisatrice (qui augmentent l’intensité de la réponse, donc les effets secondaires) ou des effets de synergie inhibitrice (qui diminuent l’intensité de la réponse, donc des effets secondaires) ? Certains ostéopathes proposent des procédures techniques et thérapeutiques qui tiennent compte de ces hypothèses et des profils morphopsychologiques des patients. Par exemple, la fréquence des séances peut varier de trois semaines à trois mois, une seule manœuvre ostéo-articulaire vertébrale peut être indiquée dans la séance.
Depuis sa conceptualisation par Still, l’ostéopathie a le souci permanent de bâtir ses assises scientifiques en fouillant tous les domaines de la médecine, puisqu’elle est dans la médecine. Chaque jour voit l’une de ses nombreuses hypothèses avancées trouver une réponse scientifique. La médecine se nourrit de l’empirisme, comme de tous temps. Il est fort peu probable que l’ostéopathie soit reconnue comme une science. Pourquoi le serait-elle, puisque la médecine est un art ? Mais rien n’interdit de penser qu’elle ne puisse se plier aux normes reconnues et acceptées par la communauté médicale, pour accéder à la reconnaissance. En attendant, le praticien doit se débrouiller seul, inventer des réponses : comment classer et ordonner les concepts, vers quelle démarche clinique, pour faire quoi, pour qui, avec quelle efficacité ?
Vidéo : Neurophysiologie et anatomie appliquées à l’ostéopathie
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Neurophysiologie et anatomie appliquées à l’ostéopathie
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