L'ostéoporose : Les traitements préventifs
Les traitements préventifs consistent à prévenir la première fracture, par une action de limitation de la perte osseuse liée à la ménopause et à l’âge.
La prévention de la première fracture peut être envisagée soit par le traitement du plus grand nombre de femmes (prévention de masse), soit en réservant le traitement aux femmes à risque (prévention ciblée). La prévention de masse repose sur une politique de santé globale permettant à terme de réduire les fractures et les coûts inhérents à l’ostéoporose.
Le traitement hormonal substitutif
Le déficit œstrogénique est un facteur de risque majeur d’ostéoporose, et pendant des décennies le traitement hormonal substitutif (THS) a été la thérapeutique de base recommandée pour prévenir la perte osseuse chez les femmes ménopausées, plusieurs essais thérapeutiques ayant démontré ses effets bénéfiques. Des études observationnelles avaient suggéré qu’une réduction du risque de maladie coronarienne accompagnait la réduction du risque
fracturaire. En réalité, de récentes publications ont remis en cause cet effet cardiovasculaire favorable et, de plus, ont mis en évidence un risque accru de survenue du cancer du sein, de manifestation thromboemboliques et d’accidents cardiovasculaires (3,4), modifiant notablement les recommandations des instances scientifiques ou des autorités de santé quant à l’usage du THS (5).
Concernant les effets osseux du THS, les résultats de plusieurs études cas-contrôle ou de cohortes ont montré qu’il réduit le risque de fracture de la hanche d’environ 30 % et les résultats de deux études contrôlées par placebo indiquent une réduction du risque de fracture vertébrale de 50 % (2). L’efficacité antiostéoporotique du THS a été confirmée par l’étude WHI ( Women’s Health Initiative), réalisée sur une cohorte de plus de 150 000 femmes nord- américaines ménopausées ayant reçu chaque jour 0,625 nig d’œstrogènes conjugués et 2,5 mg de medroxyprogestérone, avec une réduction significative du risque de fracture de la hanche de 33 % et une réduction du risque de fracture vertébrale de 34 %. (3). L’étude a été interrompue après 5,2 années de traitement alors qu’elle était planifiée pour huit ans car le nombre de cancers du sein observé dans le groupe traité était supérieur à celui observé dans le groupe placebo (risque relatif 1,24). Un sur-risque d’ampleur similaire a été rapporté lors de la publication du la Million Women Study (6), étude d’observation anglaise dont l’objectif était d’évaluer les effets spécifiques des différents types de THS sur l’incidence et la mortalité du cancer du sein. (RR : 1,30 pour les œstrogènes administrés seuls ; RR : 2,0 pour les associations œstrogestatives). La voie d’administration des œstrogènes (orale ou dermique ou par implants) ne semble pas modifier le risque.
Une étude française portant sur 55 000 femmes affiliées à la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale et publiée en novembre 2004 sur le site de Y International Journal of Cancer (7) a confirmé un risque accru de cancer du sein chez les utilisatrices du THS administré sous forme d’œstrogène associé à un progestif de synthèse (RR : 1,4), cela même pour des traitements de courte durée (2 ans). Lorsque le traitement progestatif a utilisé de la progestérone micronisée le risque n’était pas augmenté (RR : 0,4), tout comme chez les femmes recevant uniquement des œstrogènes (RR : 1,1).
Concernant les risques vasculaires, l’étude HERS réalisée chez 2 763 femmes présentant une pathologie coronarienne documentée et randomisées pour recevoir un placebo, soit 0,625 mg/jour d’œstrogènes conjugués, a montré une augmentation des accidents coronariens dans la première année du THS (RR : 1,52) (4). Dans l’étude WHI les accidents vasculaires cérébraux de type isché- mique ont été plus nombreux dans la cohorte recevant le THS que dans le groupe placebo (RR : 1,41).
En conclusion, le bénéfice osseux du THS doit être mis en balance avec l’accroissement des risques de cancer du sein, d’accidents vasculaires cardiaques ou cérébraux, ajoutés an risque déjà connu d’événements thromboemboliques. Il reste indiqué en présence d’importantes manifestations cliniques post-ménopausiques ( bouffées de chaleur, état cutanéo-muqueux, troubles sexologi- i |ues…), en limitant la durée du traitement au minimum nécessaire, en utilisant de faibles doses d’œstrogènes et en utilisant comme progestif une progestérone micronisées (ex. : Utrogestan, Proges- togel, Estima Gé, Evapause Gé), capable d’assurer une protection contre le cancer de l’endomètre sans accroître le risque de cancer du sein.
L’œstrogénothérapie substitutive est actuellement en France l’unique mesure thérapeutique ayant une AMM dans le traitement préventif de l’ostéoporose.
En cas de contre-indication aux œstrogènes ou de refus du traitement substitutif, des alternatives peuvent être envisagées. Ces alternatives regroupent d’une part les inhibiteurs de la résorption les plus validés (voir tableau infra), et d’autre part, éventuellement, des molécules stimulant la formation osseuse ou ayant un effet anabolique osseux en découplant le remodelage
Aucune indication officielle de l’usage de ces produits en préventif n’est encore actuellement admise en France :
- les bisphosphonates disponibles, alendronate et risédronate, ont montré leur efficacité sur la prévention de la perte osseuse post-ménopausique précoce, mais il n’existe aucune donnée sur leur efficacité anti-fracturaire à très long terme ;
- les SERM ou modulateurs sélectifs des récepteurs œstrogéni- ques, d’activité agoniste ou antagoniste selon le tissu cible, ont montré dans une étude récente évaluant le raloxifene (60 mg/jour) leur intérêt en prévention de l’ostéoporose (8). Le raloxifène qui représente une bonne alternative au THS n’a pour l’instant qu’un remboursement en traitement curatif, après une première fracture ;
- l’intérêt pour optimiser la densité minérale osseuse d’un traitement par le calcium et la vitamine D, en post-ménopause immédiate, reste controversé sauf chez les femmes très carencées, alors qu’il est clairement démontré par de nombreuses études dans la prévention de la fracture du col du fémur (9). En effet, au-delà de 75 ans, une supplémentation systématique est souhaitable associant 500, 1 000 ou 1 200 mg de calcium et 800 U de vitamine D3 par jour : l’efficacité de cette prévention est établie et se fait à un faible coût.
- Une activité physique régulière, ajustée aux performances individuelles, est recommandée avec réalisation d’exercices ciblés : activités en charge, de type marche rapide ou course, exercices dynamiques de faible amplitude et contre résistance (exemples : flexion des cuisses en position assise avec poids à la cheville (psoas), extension lombaire en procubitus (muscles spinaux), prosupination contre résistance, abduction d’une cuisse en décubitus latéral (moyen fessier)…).
- Le contrôle des facteurs toxiques surajoutés (alcool et tabac) est indispensable.