L'ostéoporose : La corticothérapie par voie générale
Le mécanisme d’action
Le mécanisme d’action des glucorticoïdes administrés par voie générale sur l’os consiste en une négativation de la balance caldque : ils réduisent la formation osseuse en diminuant le nombre et l’activité des ostéoblastes. Par ailleurs, ils diminuent l’absorption intestinale du calcium par un mécanisme partiellement indépendant de la vitamine D, et qui peut entraîner une hyperparathyroïdie secondaire. Ils augmentent l’excrétion urinaire de calcium par une action directe sur la réabsorption tubulaire. Enfin, ils diminuent la sécrétion de LH, donc des hormones sexuelles (diminution de 50 % de la testostérone libre chez l’homme, oligoménorrhée chez la femme).
La perte osseuse, qui affecte en premier lieu l’os trabéculaire, évolue en deux phases :
- une phase rapide, précoce, mesurable dès les premières semaines de corticothérapie, qui peut atteindre 5 à 15 % pendant la première année ;
- une phase plus lente correspondant souvent à la réduction habituelle de la corticothérapie.
Le diagnostic
Signes cliniques
Le tassement vertébral est la manifestation la plus fréquente : un tiers des patients après cinq à dix ans de traitement ont un tassement vertébral, qui peut survenir rapidement après le début de la corticothérapie, et reste rarement isolé : de multiples tassements peuvent survenir dans un délai très bref. Ils sont parfois très douloureux, du fait de la rapidité de constitution obligeant à l’alitement, mais sont souvent relativement indolents. Certains tassements peuvent n’être découverts que devant une cyphose, une perte de taille ou une radio demandée pour un tassement de topographie différente.
Les autres fractures caractéristiques de l’ostéoporose cortisoni- que sont :
- les fractures de côtes multiples ;
- les fractures du bassin : branches ilio- et ischio-pubiennes, plus rarement du sacrum :
- les fissures de fatigue au niveau des os porteurs : col fémoral, condyle fémoral, plateau tibial, extrémité inférieure du tibia, péroné, calcanéum, métatarses. On se méfiera en particulier de douleurs brutales des plis inguinaux qui peuvent évoquer une ostéonécrose ou des fissures prédisposant à la fracture du col. Le risque de fracture du col fémoral est multiplié par 2,7.
Au total, 50 % des patients traités au long cours souffrent d’une ostéoporose fracturaire.
Aspects biologiques
Le retentissement biologique des corticoïdes sur l’os est très précoce et l’on peut noter une diminution de l’ostéocalcine dès la 24e heure. En pratique, le profil biologique de l’ostéoporose corti- sonique reflète d’une part la diminution de la formation osseuse (avec la diminution de l’ostéocalcine), d’autre part l’hyperparathyroïdie secondaire et la diminution de la réabsorption tubulaire du calcium (avec l’hypercalciurie et l’augmentation modérée de la parathormone).
Aspects radiologiques
Classiquement, on constate au niveau de la vertèbre tassée el des autres vertèbres, un aspect clair diffus dû à la disparition de la trame horizontale mais également verticale. Les cals fracturaires peuvent être exubérants, parfois d’aspect pseudo-tumoral au niveau des branches ilio- et ischio-pubiennes. Les fissures appa raissent avec un retard de 15 jours sur l’événement clinique, sous
forrne d’un halo dense ou d’un trait flou. De ce fait, en cas de suspicion de fissure, en particulier au niveau de la hanche, on utilisera des moyens d’investigation plus sensibles, selon les possibilités :
IKM, scanner, scintigraphie osseuse…
La place de l’ostéodensitométrie
Une fois les manifestations cliniques patentes, elle est inutile au diagnostic, mais permet de quantifier la perte osseuse prédominante au niveau du rachis et sert de référence pour le suivi thérapeutique.
Peut-on prévenir la fracture ?
Suspecter l’ostéoporose avant la fracture
une telle suspicion passe par la mesure de la densité minérale osseuse par densitométrie qui, seule, permet de quantifier la perte ‘ osseuse :
soit par rapport à la population de référence si elle est réalisée en cours de traitement ;
soit en étant son propre témoin si l’on dispose d’une mesure avant le traitement. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que la susceptibilité individuelle à la corticothérapie est variable.
on recherchera des facteurs aggravants préexistants à la mise i n route de la corticothérapie :
capital génétique osseux, antécédents de fracture ; maladie chronique sous-jacente (rhumatisme inflammatoire, maladie digestive inflammatoire…) ;
- co-facteurs (hypogonadisme, carence en vitamine D, immobilisation, alcool, tabac) ;
population à risque (enfants, femmes ménopausées, sujets âgés).
L’interrogatoire portera également sur le profil pomologique de la corticothérapie : dose quotidienne moyenne, durée du traitement .La perte osseuse est en effet proportionnelle à la dose reçue et à la durée. Le risque est considéré comme moindre en dessous de 7,5 mg/jour, et élevé au-dessus de 15 mg/jour d’équivalent perdnisone, compte non tenu des autres facteurs de risque.
Pourquoi prévenir ?
II faut savoir qu’une certaine réversibilité existe à l’arrêt du traitement, au stade précoce : en effet le mécanisme initial de la perte osseuse est une diminution de la formation osseuse avec, à l’échelon histologique, un amincissement des travées (plus qu’une perforation des travées) et un respect relatif de l’architecture.
Le retentissement fonctionnel d’une ou de plusieurs fractures peut altérer gravement la qualité de vie, et masquer les effets positifs du traitement sur la maladie sous-jacente, créant ainsi un véritable cercle vicieux entre l’ostéoporose et ses conséquences. Ainsi, à titre d’exemple :
- l’insuffisance respiratoire cortico-dépendante peut induire une ostéoporose avec tassements vertébraux, responsable d’une cyphose retentissant elle-même sur la capacité respiratoire ;
- les déformations rachidiennes dues à des tassements multiples, peuvent avoir un retentissement fonctionnel digestif : la cyphose aggravera un éventuel reflux gastro-œsophagien, le syndrome ilio-costal aggravera une constipation par hypotonie musculaire abdominale ;
- les conséquences peuvent aussi être physiques : la diminution de la mobilité liée aux rachialgies, et l’impotence en résultant aggraveront l’ostéoporose.
Comment prévenir la fracture ?
La nécessité de prévenir la fracture repose sur la fréquence, la précocité et la gravité des accidents cliniques. En considérant les différents paramètres qui peuvent intervenir dans la survenue et l’importance de l’ostéoporose, mais surtout la difficulté à prendre en compte les différences de sensibilité individuelle au traitement, il peut être recommandé de pratiquer une mesure densitométrique en début de corticothérapie. Elle sera ensuite renouvelée à 6 et 12 mois, la perte maximum survenant dans les premiers mois de traitement.
La prévention de l’ostéoporose passe d’abord par le respect des principes généraux de la prise en charge du malade : dose minimale efficace (pas d’intérêt des doses alternées), traitement par voie locale autant que possible, action sur les facteurs de risque (correction de la carence en vitamine D, ration calcique suffisante, traitement substitutif de la ménopause…).
Des études récentes ont par ailleurs démontré l’utilité du traitement préventif et curatif par les bispbosphonates. L’étidronate a reçu l’AMM en septembre 98 pour la prévention de la perte osseuse chez des patients nécessitant une corticothérapie par voie générale, prolongée (supérieure à trois mois) et à dose supérieure à 7,5 mg/jour d’équivalent prednisone.
Les résultats récents de deux larges essais contrôlés ont montré que deux années de traitement par l’alendronate (10 mg/jour) accroissaient la densité minérale osseuse chez des patients des deux sexes recevant une corticothérapie générale et réduisaient significativement l’incidence des fractures vertébrales. De la même façon, deux essais récents chez des sujets cortisonés ont montré un effet préventif de 2,5 et/ou 5 mg/jourde risedronate sur la perte i le la densité minérale osseuse lombaire et fémorale, et une réduc- iidii significative de l’incidence des fractures vertébrales par rap- I h ut au groupe placebo.