Les traditions européennes
Lointaines apparaissent aujourd’hui les médecines magiques des temps primitifs. Elles ont pourtant dominé des millénaires de préhistoire médicale occidentale, avant d’être progressivement remplacées par des médecines donnant la suprématie au monde «naturel» et non plus monde «surnaturel».
Entre science et magie
Tantôt la pensée magique s’incarne dans des pratiques souterraines, entretenues par des jeteurs de sorts, sorciers et guérisseurs qui ont subsisté jusqu’à ce jour dans certaines régions provinciales. Tantôt elle prend corps dans des «médecines sacrées», qui font une large place au symbolisme, mode de pensée rejeté par la médecine scientifique, et forment un courant discret, mais quasi ininterrompu.
Ce courant a porté jusqu’à notre époque des idées qui imprègnent peu ou prou nombre de méthodes de diagnostic et de traitement : hypnose, radiesthésie, méthodes diététiques, astrologie médicale, iridologie, chromatothérapie, oligothérapie, magnétisme…
Le cas de l’homéopathie est particulièrement démonstratif de cette lutte permanente que livre la médecine institutionnelle. Celle-ci s’insurge contre ce qu’elle considère comme des forces irrationnelles, capables de rejeter l’Occident dans un obscurantisme dévastateur.
Cette lutte permanente met également aux prises nombre de médecines différentes pour trouver une justification scientifique et une reconnaissance sociale.
Le courant religieux
Pour certains, magie et religion relèvent du même irrationnel ; pour d’autres au contraire, ces deux modes de pensée doivent être soigneusement distingués. De fait, notre Occident n’a donné que peu de place à la pensée magique, sans cesse combattue par la religion d’un côté, par la science de l’autre. En revanche, le christianisme a tenu en Occident une place socialement dominante pendant de longs siècles, incorporant d’ailleurs ici ou là les héritages d’autres religions Ses représentants ne pouvaient manquer d’affirmer son rôle dans le domaine de la maladie et de la guérison et ont di reste gardé un quasi-monopole de la médecine au Moyen Age en détenant le savoir médical, la formation de médecins, les lieux de soins. En dépit de son effacement progressif, il n’ pas complètement disparu du champ de la maladie : ses saints guérisseurs garder aujourd’hui la confiance d bien des croyants et certains de ses pèlerinages connaissent un afflux renouvelé d malades espérant une guérison.
Les voies du savoir-faire
Les voies de l’empirisme sont elles aussi très fréquentées aujourd’hui comme hier. Ce sont celles d’un savoir faire qui ne recherche pas dans un système théorique, qu’il soit magique, religieux ou philosophique, la clef de la maladie et de la guérison, mais se contente d’utiliser «ce qui marche», voire ce qui a l’air de marcher. La médecine savante de tous temps, y compris du nôtre, a largement emprunté à ce type de pensée. La médecine populaire, qui transmet ses recettes de génération en génération, procède en grande partie d’un tel empirisme.
L’homme global
Si la médecine occidentale reconnaît Hippocrate comme son père, c’est d’abord et avant tout pour avoir engagé son art dans la voie scientifique. Mais l’œuvre d’Hippocrate est immense et diverse, et la médecine officielle, mettant l’accent sur l’analyse objective de l’organisme humain et É de ses fonctionnements, en a laissé de côté bien des aspects dont certains ont été perpétués ou repris par d’autres courants médicaux.
Ainsi, bien des médecines se disent «holistiques», signifiant par là qu’elles veulent prendre compte l’homme global c’est-à-dire d’abord soma et psyché, corps et esprit. Elles considèrent que la médecine officielle fait souvent bon marché du second, lorsque ne trouvant pas de cause organique mesurable par ses moyens scientifiques , elle renvoie la personne souffrante avec des phrases un peu condescendantes du type: «c’est dans la tête» ou «c’est les nerfs». À moins qu’elle ne reconnaisse franchement que seul l’organique pur est de son ressort, et adresse alors les «fonctionnels», les «psychosomatiques», à des «psy».
L’homme global, c’est aussi un homme inscrit dans le temps, qui a une histoire, faite de rencontres entre une hérédité et un environnement. C’est la notion de terrain qu’expriment chacune à leur manière les médecines d’inspiration hippocratique distinguant des tempéraments. Paracelse, médecin de la Renaissance, classait les humains en fonction des trois principes du sel, du soufre et du mercure ; l’homéopathie gardant quelque souvenir de cette œuvre dans la définition de ses diathèses et ajoutant des constitutions ; l’oligothérapie appelant diathèses les grands modes de réaction sur lesquels elle appuie ses prescriptions. Il est d’ailleurs intéressant que les découvertes des dernières décennies concernant l’immunologie aient débouché sur une notion voisine, celle de prédisposition.
L’homme inscrit dans l’espace et dans le temps
L’homme, pour être tout à fait entier, doit être resitué dans son environnement, comme partie intégrante du monde qu’il habite. C’est dire qu’il ne peut être considéré indépendamment de son environnement terrestre et pour certains, cosmique.
L’homme est aussi inscrit dans le temps, un temps rythmé par l’alternance des saisons, celle du jour et de la nuit. La notion de rythmes, longtemps négligée par la médecine scientifique, d’abord axée sur ce qu’elle pouvait observer de plus constant chez l’homme, a elle aussi traversé les siècles. Très chère à la médecine hippocratique, décrivant par le menu l’évolution des fièvres ou la périodicité de certains symptômes, elle a été notamment reprise par l’homéopathie, l’oligothérapie ou la naturopathie.
Préserver la santé d’abord
Gardant de la médecine hippocratique l’idée de guérir la maladie en lui opposant son contraire, l’homéopathie a résolument opté pour le second volet des propositions thérapeutiques d’Hippocrate, à savoir le traitement par le semblable. Sans doute peut- on rapprocher cette prise de parti de deux préoccupations privilégiées de la plupart des médecins différents : volonté de «douceur» à opposer à l’agressivité des thérapeutiques classiques dirigée contre la maladie, l’ennemi à abattre, au prix d’effets secondaires parfois importants ; volonté d’agir, non tant dans le but de détruire la maladie, que de rééquilibrer l’organisme du patient, en faisant confiance à ses capacités propres de sauvegarde et de défense. De telles préoccupations se rejoignent selon des modalités propres à chaque discipline, ostéopathie, phytothérapie, homéopathie, oligothérapie .De ces conceptions découle une vision de la médecine dont le centre n’est plus la maladie, mais la santé. Bien des consommateurs habituels de médecines douces en témoignent autant par leur choix du mode de vie que par leur façon de recourir à leurs thérapeutes. Plus que d’autres peut-être, ils suivent des préceptes d’hygiène de vie dont Hippocrate a sans doute été un précurseur en Occident. Nombre d’entre eux consultent à titre préventif, qui son ostéopathe pour le nouveau-né en vue d’une séance d’ostéopathie crânienne, qui son homéopathe à l’approche du printemps redouté, qui son naturopathe pour un conseil lors d’un changement de vie…