Les processus naturels de guérison
La santé n’est pas un phénomène statique, elle résulte plutôt d’un équilibre entre deux forces opposées. Quotidiennement, nous sommes confrontés à des événements qui nous affectent. Parfois ils nous déstabilisent et induisent en nous un état de stress. Les processus naturels de guérison sont chargés de corriger et de reparer les effets négatifs de ces événements au jour le jour. Quand la maladie survient, c’est signe que ces derniers ont été débordés. La medecme peut alors aider l’organisme en le soutenant par un traitement pharmacologique approprié, mais le médicament seul n’a pas tout pouvoir. Les processus de guérison qui mettent à contribution les ressources de l’organisme maximisent l’effet thérapeutique de la substance chimique. Sans eux, le remède peut être inefficace et parfois même avoir un effet contraire à ce qu’on en espérait.
Les processus de guérison, à la fois physiologiques et psychologiques, agissent globalement, c’est-à-dire qu’ils mettent enjeu simultanément le système nerveux central, le système endocrinien, le système immunitaire et le psychisme. Ils sont spécifiques, au sens où ils ciblent un trouble particulier corporel ou psychique, et ils exercent de manière dynamique et inconsciente. Bien que leur pouvoir soit considérable, ils sont toutefois limités, car jamais ils ne pourront contrer les effets du vieillissement ni empêcher la mort.
Les principales composantes des processus de guérison
Les mécanismes physiologiques
Plusieurs systèmes sont mis à contribution dans les processus de guérison. Le système immunitaire est chargé de lutter contre les agents pathologiques qui agressent le corps. Il a pour caractéristique de pouvoir mémoriser la forme d’un ennemi qu’il a déjà combattu, ce qui augmente sa vitesse de réaction lors d’une attaque ultérieure. On sait par ailleurs que son efficacité est affectée par l’état mental de la personne : un individu déprimé lutte moins bien contre les microbes et les bactéries, et le désespoir peut dégrader considérablement 1 efficacité de l’immunité. Les processus de guérison mobilisent aussi certaines réactions physiologiques destinées à limiter les dégâts causés par un agent agresseur et à réparer les tissus endommagés. Ces phénomènes bien connus sont l’inflammation et la cicatrisation. L’évanouissement qui survient à la suite d un traumatisme est un autre phénomène biologique faisant partie de l’arsenal des processus de guérison: il réduit le flot sanguin, évitant ainsi une hémorragie qui pourrait être mortelle. Le corps est aussi doté d’analgésiques naturels, les endorphines. La production de ces substances antidouleur tient compte du contexte lorsqu’il en va de la survie; par exemple, les blessés de guerre ne ressentent pas la douleur de leurs blessures tant qu’ils n’ont pas réussi à se mettre à 1 abri, ce qui leur permet de fuir même en étant grièvement affectés. La fièvre est un autre outil à la disposition des processus de guérison. En provoquant une perte d’appétit, elle permet la mobilisation de toute l’énergie disponible dans la lutte contre 1 infection, alors que l’ingestion d’aliments entraînerait 1 activation du métabolisme, grand consommateur d’énergie.
La part du psychisme
En décrivant l’effet placebo, on a vu que certaines attitudes – les croyances, la confiance et l’espoir en particulier – contribuent au bon fonctionnement des processus de guérison. À l’inverse, la souffrance, qu’elle soit psychique ou corporelle, entraîne leur ralentissement, ce qui a pour effet d’augmenter la vulnérabilité a la maladie. Elle peut aussi entraver l’effet d’un traitement pharma- cologique. L’angoisse, pour sa part, détruit les processus de guérison. On conçoit alors pourquoi le choc produit par 1 annonce d un diagnostic de maladie grave risque de précipiter l’individu dans un cercle vicieux : au moment où il a besoin de mobiliser ses forces psychiques pour maximiser ses chances de guérir, celles-ci se trouvent neutralisées par l’angoisse.
Pour Rossi (2002), l’absence de panique, la maîtrise de soi devant la maladie, la fluidité des images intérieures et la créativité sont les conditions essentielles au bon fonctionnement des processus de guérison. Dans le même esprit, Crombez (2003) insiste sur l’importance d’avoir accès à un espace intérieur propice au travail psychique. Comme il se plaît à le dire, le sujet doit être au centre de son monde et regarder sa maladie comme un objet parmi d’autres, et non pas être le satellite d’une maladie qui occuperait la place centrale et l’empêcherait de penser. Les observations cliniques révèlent que, quand cet espace psychique n’est pas là, l’efficacité du système immunitaire chute et entrave le bon fonctionnement des processus de guérison.
Des cellules messagères
Rossi tente une explication psychophysiologique du pouvoir de l’esprit sur le corps. L’être humain fonctionne comme un tout. Les différents systèmes qui le composent – nerveux, génétique, immu- nologique, hormonal, psychique, et ainsi de suite – participent à ce fonctionnement psychosomatique. Pour orchestrer leur action, ils doivent échanger de l’information. Chacun d’eux possède son propre « langage » pour transmettre l’information : l’influx nerveux pour le système nerveux, les hormones pour le système hormonal, l’ADN pour le système génétique, les images et le langage pour ïe psychisme. L’échange d’information entre deux systèmes, par exemple du code génétique au système immunitaire ou du psychisme aux gènes, nécessite l’intervention d’une sorte de décodeur qu’on appelle transducteur. La transduction est la conversion de l’information d’une forme à une autre. Rossi utilise l’analogie du moulin à vent pour illustrer ce phénomène : en transformant l’énergie du vent en énergie mécanique ou électrique, le moulin agit comme un transducteur d’information. Pour expliquer la communication entre l’esprit et le corps, il faut comprendre comment se fait la transduction de l’information en provenance du psychisme, qui utilise images et mots, en information pouvant être reçue et traitée au niveau somatique.
Les messages entre l’esprit et le corps transitent principalement par l’intermédiaire du système nerveux. Ce dernier travaille en association étroite avec le système hormonal et le système immunitaire. Les chercheurs croient que l’échange d’information entre ces systèmes se fait grâce à l’intervention de cellules messagères. Chaque système possède ses propres cellules messagères : les neurotransmetteurs pour le système nerveux, les hormones pour le système hormonal et des cellules appelées « cytokines » pour le système immunitaire. Ces trois types de cellules travaillent ensemble pour régler l’activité du système nerveux. On croit qu’elles ont la capacité d’encoder nos émotions et nos comportements associés à une situation donnée. Par la suite, elles transportent cette information en provenance du cortex et liée à la mémoire d’état en empruntant la voie hypothalamo-limbique du cerveau droit pour se rendre aux cellules du corps. Ces cellules messagères seraient donc à la base de la communication entre le corps et l’esprit; c’est par leur intermédiaire que nos expériences personnelles exerceraient leur influence sur la physiologie.
Par l’intermédiaire des cellules messagères, l’esprit aurait le pouvoir d’empêcher ou au contraire de stimuler l’apparition d’une maladie héréditaire. Pour mieux comprendre cette influence, il est nécessaire de s’arrêter un moment sur le fonctionnement des gènes. Les gènes sont présents dans toutes nos cellules. Ils renferment l’information héréditaire encodée dans les chaînes d’ADN. Celle-ci détermine en grande partie ce qui nous caractérise : la couleur de nos yeux et de nos cheveux, les traits du visage, la force ou faiblesse de tel ou tel organe, et ainsi de suite. Les recherches récentes en génétique révèlent que, particulièrement en ce qui a trait aux manifestations d’états émotionnels et à la plupart des maladies physiques et mentales, l’information encodée génétiquement ne s’actualise pas de façon automatique. Elle est là, présente à l’état potentiel, mais elle doit être réveillée par un agent quelconque pour se manifester. Ce sont les cellules messagères qui jouent ce rôle. En pénétrant dans les cellules du corps, elles agissent sur l’expression des programmes génétiques soit en les activant, soit en les freinant. Le bagage génétique ne porte donc pas un destin inéluctable: une grande partie de l’expression de nos gènes est régulée par les messages en provenance de l’esprit par ces cellules, et ce, à chaque instant de notre vie. Ainsi, même si la science a pu isoler un gène responsable de la dépression, de l’alcoolisme, de l’homosexualité, du cancer du sein ou du côlon, la présence de ce gène en soi n’induit pas automatiquement l’apparition de ces affections physiques ni de ces manifestations psychiques, comportementales ou identitaires. L’environnement, l’apprentissage, le vécu relationnel et émotionnel jouent un rôle déterminant dans l’expression de ces encodages génétiques. De la même façon, une bonne partie de notre bagage héréditaire peut être influencée par des méthodes d’intervention psychologiques et psychothérapeutiques.
J’insiste sur le fait que, dans l’influence de l’esprit sur le corps, le cerveau droit joue un rôle déterminant. Les chercheurs ont observé que les personnes capables d’inhiber la pensée critique et volontaire de l’hémisphère gauche et de laisser libre cours à leur imaginaire, sans chercher à diriger les pensées, sont plus aptes à sentir les liens entre des événements qui, pour des individus plus rationnels, ne tiennent que du hasard. Par conséquent, elles ont plus facilement l’intuition des effets possibles de leurs émotions ou pensées sur leur fonctionnement corporel, et les aspects psychiques de leurs processus de guérison naturels sont plus actifs.