Les hommes vivent eux aussi une crise identitaire à l'heure de devenir pères
La parentalité réactive
L’accès à la parentalité réactive des craintes chez l’homme tout comme chez la femme; elle provoque une crise d’identité pro- 6 ride. Le processus est moins bien connu que chez les mères, mais certains symptômes et manifestations sont exemplaires tels que les couvades, les fréquentes décompensations pathologiques liant ou après la naissance de l’enfant, l’augmentation très sentie des ruptures conjugales.
L’impossibilité de vivre cette expérience à travers son corps soumet l’homme à plus de doutes dont le principal concerne la réalité de sa paternité biologique. L’homme n’est reconnu comme père que parce qu’il est désigné par la mère qui, elle seule, peut réclamer: «Tu es le père de cet enfant!» L’homme doit avancer avec cette incertitude et effectuer un travail «d’adoption» de « enfant qu’il n’a pas porté en lui. Ce processus peut être entravé lorsque, pour différentes raisons, le père ne parvient pas à imaginer son bébé, à le penser, durant la grossesse déjà. Certaines manifestations de « couvade » peuvent, au contraire, aider l’homme à symboliser son accès à la paternité. À l’origine, la couvade est un rituel rencontré dans de nombreux mythes et dans certaines cultures où . père prend le rôle de la mère en mimant certains aspects de la grossesse ou des soins au bébé. Des expressions de couvade peuvent également être repérées dans la clinique quotidienne à travers les symptômes souvent bénins : tel père prend plusieurs kilos en identification à sa femme enceinte, tel autre a des douleurs diverses mimant celles d’une femme enceinte, un autre encore s’éloigne de femme pour «donner naissance», de son côté, à une entreprise qu’il pourra contribuer à «faire grandir». Ces manifestations révèlent une difficulté à tolérer la passivité et l’impuissance qu’il ressent face à sa compagne, seule à assurer le bien-être du bébé durant la grossesse. Il arrive aussi que la mère, une fois l’enfant né, tarde à faire une place au père dans la relation avec l’enfant. La couvade permet alors au père, à travers un rite, un comportement ou un symptôme, de vivre, lui aussi, le processus d’accès à la parentalité.
Voir sa femme se transformer physiquement, l’imaginer «habitée» par un petit être invisible, sont des circonstances extrêmement troublantes pour le futur père. Cet événement peut éveiller de nombreux fantasmes archaïques : désir de prendre la place du bébé dans le ventre maternel, curiosité face au contenu du ventre, envie, fantasme d une femme-mère rendue toute-puissante par le fait qu elle peut donner la vie. Accéder à la paternité peut aussi réactiver des fantasmes liés à la rivalité avec son propre père. Alors que, petit garçon, il rêvait de devenir comme papa, de prendre sa place aux côtés de maman, l’homme est aujourd’hui sur le point de réaliser son fantasme, ou presque. La naissance de son propre enfant met au grand jour le fait qu’il est non seulement devenu un homme, mais un homme puissant, capable de féconder une femme. Cette réalité réactive d’anciennes angoisses œdipiennes qui seront d’autant plus fortes si le bébé est lui-même un garçon. Face à son enfant, le jeune père revisite les relations précoces qu’il a eues avec ses propres parents. Tout comme la femme, son identité de parent est colorée par la qualité de ses liens précoces et des représentations qu’il en a gardées. L’accès au statut de père réactive des conflits internes qui peuvent contribuer, chez lui aussi, à favoriser l’émergence d’une dépression.
Une difficulté supplémentaire attend les hommes qui ont fondé l’équilibre de leur couple sur le fait d’avoir trouvé une image maternelle en leur compagne. Ils se sentent protégés par leur femme dont ils valorisent les qualités maternelles. Cet équilibre bascule après l’arrivée de l’enfant qu’ils peuvent percevoir comme un intrus, usurpant leur place. Pour dépasser la perte narcissique provoquée par l’arrivée de l’enfant, l’homme doit pouvoir «transférer une partie du narcissisme attaché à sa personne propre sur l’enfantcet enfant est une partie de moi, l’amour et l’attention qu’il reçoit me comblent comme si je les recevais moi-même ! Il doit aussi progressivement quitter la place de l’enfant qui reçoit pour trouver les avantages et les joies procurés par la position du parent qui donne.
Les difficultés psychologiques du post-partum paternel ne peuvent donc être comprises qu’ en resituant l’événement de la paternité dans le contexte plus global de l’histoire et de la personnalité du père. Les remaniements psychiques inhérents à cette période entrent en résonance avec de multiples éléments émotionnels refoulés et inconscients, provoquant chez lui une fragilité et une vulnérabilité auxquelles il n’est pas habitué et qui peuvent l’angoisser. Dans tous les cas, une paternité, qu elle soit première ou multiple, exige une capacité d’adaptation importante.
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