Le vieillissement de la personnalité : l'approche psychométrique
L’approche psychométrique, dont les pères fondateurs sont Cattell (1947), fondateur aussi de la théorie de l’intelligence fluide et cristallisée, et Eysenck (1967), a pour but de déterminer les facteurs, constitués chacun d’un ensemble de traits fondamentaux de la personnalité. On peut dire que les traits sont à la personnalité ce que les Primary mental abilities sont à l’intelligence. Un type de personnalité est une combinaison particulière de ces facteurs et donc de ces traits. Afin de déterminer le «type» d’un individu, on le soumet à un auto-questionnaire ou bien l’on fait passer un questionnaire à son entourage, dont les plus célèbres sont le 16 PF issu des travaux de Cattell, le Eysenck Personality Inventory (EPI) issu des travaux d’Eysenck, ou encore le Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI). Ces différents tests ont une version en langue française. Ils se présentent sous forme d’une série de questions à travers lesquelles le sujet doit évaluer sa façon d’être au quotidien.
La question du nombre de facteurs et de leur définition a fait l’objet de beaucoup de débats. A l’heure actuelle, il semble se dégager un consensus autour d’un modèle à cinq facteurs qualifié de Big Five dont la liste est la suivante : stabilité émotionnelle (ou névrosisme), extraversión, ouverture d’esprit (ou à l’expérience), amabilité (ou aménité), conscience ou caractère consciencieux. Selon les questionnaires utilisés, le nombre et le contenu des facteurs peut varier malgré tout. La définition par traits de ces cinq facteurs. Chaque facteur se définit comme un continuum dont les traits constituent les bornes. Notre personnalité se caractérise par une présence plus ou moins forte de chacun d’entre eux.
Stabilité émotionnelle ou névrosisme:
- Traits correspondants: Calme vs anxieux. Tranquille vs inquiet. Autosatisfait vs apitoyé sur son sort.
Extraversión:
- Traits correspondants: Sociable vs replié. Fêtard vs sérieux. Chaleureux vs réservé.
Ouverture d’esprit:
- Traits correspondants:
Imaginatif vs pratique.
Goût pour la variété vs goût pour la routine.
Indépendant vs conformiste.
Amabilité ou aménité:
- Traits correspondants: Tendre vs rude. Confiant vs suspicieux. Serviable vs non coopératif.
Conscience ou caractère consciencieux:
- Traits correspondants: Organisé vs désorganisé. Soigneux vs négligent. Discipliné vs impulsif.
Parmi les recherches consacrées au vieillissement les plus représentatives nous présenterons celles de Costa et McCrae (Costa et McCrae, 1988 ; McCrae et Costa, 1984, 1987 ; McCrae et Costa, 1986). Ils ont utilisé des protocoles transversaux, longitudinaux et séquentiels afin d’étudier la stabilité et les changements dans les structures de personnalité de personnes à des âges différents. Cette variété d’approche méthodologique donne une indéniable force à leurs conclusions. Plusieurs questionnaires ont été utilisés pour leurs recherches dont le Neo-personality Inventory (NEO-PI) et le Guilford- Zimmerman Temperament Survey (GZTS). L’ensemble de leurs résultats les amène à conclure que les cinq facteurs du modèle Big Five sont retrouvés chez les sujets quel que soit leur âge. Ils demeurent stables au fil de la vie. Les auteurs concluent que la vieillesse n’a pas d’effet sur la personnalité. Ces résultats sont confirmés par d’autres recherches (Finn, 1986).
La personnalité apparaît donc comme une structure homogène dont les aspects stables prédominent sur les aspects changeants au cours de la vie. Selon Hétu (1988), la personnalité construite par l’individu au cours de son enfance et de sa jeunesse est le meilleur prédicateur de l’adaptation à la vieillesse. Elle représente le moi, le soi ou l’ego du sujet qui demeurera tout au cours de sa vie l’intégrateur de ses conduites.
Il convient de souligner que certaines recherches nuancent cette conclusion, en particulier les travaux de Neugarten (1964) qui témoignent d’une forte stabilité mais avec des changements qui ne sont pas négligeables. On peut évoquer chez l’homme un sentiment de perte de contrôle, ce qui se traduit par un passage, en particulier après 60 ans, d’une attitude active à une attitude passive vis-à-vis des événements.
En conclusion, une proportion importante des études psychométriques définit l’évolution de la personnalité au cours de la vie selon deux caractéristiques : continuité et stabilité. On peut évoquer, pour renforcer ce modèle, des recherches tendant à prouver un fort déterminisme héréditaire dans la personnalité (Eysenck, 1967). L’influence de l’environnement serait moins importante que celle des gènes, comme semblent en témoigner des recherches menées sur des populations de jumeaux (Plomin et al., 1988).