Le sommeil,le reve et les émotions:Le sommeil et la santé
Le sommeil et la santé
Le sommeil est un phénomène étrange et pour le moins paradoxal. D’une part, il nous permet d’oublier temporairement les tracas quotidiens, de nous soustraire pour quelques heures à nos obligations et responsabilités – certains y voient même une possibilité de fuite et ont tendance à s’y réfugier sitôt qu’ils se sentent débordés par des émotions pénibles ou confrontés à des conflits qu’ils ne savent comment résoudre. Pour eux, le sommeil est un lieu qui leur permet d’échapper aux dangers de la vie consciente. D’autre part, le sommeil peut nous rendre vulnérable puisque, quand nous dormons, notre vigilance est moindre et, pour cette raison, nous sommes moins aptes à réagir aux situations dangereuses. C’est pourquoi les personnes anxieuses ont parfois du mal à s’y abandonner, comme si, pour elles, le sommeil était un lieu dangereux. Elles doivent donc rester aux aguets pour ne pas risquer à tout moment de se faire surprendre.
Deux phases bien caractéristiques
Depuis plusieurs années, le sommeil fait l’objet d’études neurologiques. Michel Jouvet, un chercheur français, a résumé les conclusions de celles-ci dans quelques ouvrages populaires13. Il explique que les principaux centres responsables des mécanismes du sommeil et de l’alternance des états de veille et de sommeil, que l’on désigne par le terme de rythme circadien, sont logés dans le tronc cérébral . Le sommeil se caractérise par l’alternance de deux phases repérables aux changements dans l’activité cérébrale. Au moment de l’endormissement, il débute par une phase dite de sommeil lent (SL). On y observe les modifications corporelles suivantes : les rythmes cardiaque et respiratoire ralentissent, la température s’abaisse, l’activité métabolique faiblit, les ondes cérébrales s’allongent. C’est cette dernière caractéristique qui vaut à cette phase son appellation. Le SL dure environ une soixantaine de minutes et est suivi par la phase de sommeil paradoxal (SP). Le visage et les doigts commencent à se contracter, la respiration devient irrégulière, la température du corps augmente, les yeux se mettent à bouger rapidement. Tandis que les grands muscles restent immobiles, on note un afflux de sang au cerveau et une activité cérébrale similaire à celle qui caractérise l’état d’éveil. C’est à cause de celle-ci qu’on a qualifié ce sommeil de paradoxal. Cette phase dure de 20 à 30 minutes, après quoi une nouvelle phase de SL s’installe, et ainsi de suite tout au long de la nuit. Habituellement, durant les premières heures, le SL prédomine. Plus la nuit avance, plus les phases de SP se prolongent, pouvant parfois durer jusqu’à 60 minutes. Cette alternance a intrigué les chercheurs qui ont voulu comprendre l’utilité des deux phases. Le SP surtout a suscité un questionnement : pourquoi, alors qu’on avait toujours pensé le sommeil comme le moment où tout le corps était au repos, le cerveau présente-t-il une activité aussi intense, comparable à celle qu’on connaît durant l’éveil ? De nombreuses recherches ont été consacrées à tenter d’élucider ce mystère.
Les fonctions du sommeil paradoxal
Selon Jouvet, le SP remplit plusieurs fonctions essentielles à la santé et au développement du système nerveux. L’une d’elles serait d’achever la maturation du système nerveux. L’observation du sommeil des nouveau-nés a montré que, chez ces derniers, le SP peut occuper de 50 à 60 % du temps d’endormissement. Or, il est admis qu’à la naissance le nourrisson possède tout l’appareillage nerveux nécessaire, mais que les apprentissages sont indispensables à son développement. Comme les premiers mois sont riches en expériences nouvelles et que celles-ci modèlent le cerveau de manière personnelle, les chercheurs ont pensé que le SP jouerait un rôle dans la stabilisation des apprentissages, et ce, non seulement chez le nourrisson, mais tout au long de la vie. Les recherches ont en effet révélé que la mémorisation à long terme se fait durant le SP. Une autre fonction du SP serait de réactiver les comportements réflexes programmés génétiquement, comme les comportements de fuite et d’attaque en situation de danger, pour éviter que ceux-ci ne s’éteignent. L’éducation cherche effectivement à refréner ces réactions et à leur imposer des modalités d’expression socialement acceptables. Parce qu’elles sont nécessaires à la survie, le SP s’emploierait à les réactiver chaque nuit pour éviter qu’elles ne disparaissent. Une autre fonction du SP, concomitante aux deux précédentes, serait de coordonner et de relier les nouveaux acquis aux programmes comportementaux héréditaires. Autrement dit, durant le SP, le cerveau apprendrait à concilier les règles sociales apprises durant le jour avec les exigences biologiques des mécanismes de survie.