Le paradoxe des antioxydants
Parce que les vitamines C et E ont des atouts considérables, les chercheurs ont essayé d’inonder l’organisme avec des doses vingt à cinquante fois plus élevées que les apports naturels sans résultats physiologiques significatifs. Cela montre à quel point l’organisme possède des systèmes de régulations complexes (et il est sans doute heureux que l’homme ne puisse pas disposer de leviers puissants pour contrôler ses propres processus de vieillissement). Néanmoins, le rôle de la vitamine E est loin d’être négligeable puisqu’elle est indispensable à une bonne fertilité et qu’elle joue un rôle fondamental pour le maintien de l’intégrité des membranes cellulaires. Cette vitamine E est absorbée et transportée avec les lipides et elle protège ainsi les structures riches en lipides de l’organisme et donc le cerveau ou les lipoprotéines circulantes. Cependant, il ne suffit pas d’administrer des doses élevées de vitamine E pour prévenir sûrement les pathologies cardio-vasculaires ou neurodégénératives. C’est bien là le paradoxe des antioxydants qui concerne également les effets de la vitamine C.
L’acide ascorbique est essentiel à la neutralisation des radicaux libres dans les milieux intracellulaires et il aide ainsi à la régénération des antioxydants liposolubles. Lorsque l’on absorbe, à trop forte dose, de la vitamine C en comprimés, l’absorption intestinale est vite saturée, et les reins accélèrent son élimination.
Ayant conservé l’équipement génétique de notre ancien statut de chasseurs-cueilleurs, nous avons un besoin très élevé de vitamine C (de plus de 100 mg par jour), que seule une consommation généreuse de fruits et légumes peut satisfaire. La diversité des effets biologiques de la vitamine C est considérable. Elle participe à la synthèse du collagène et à la production de neurotransmetteurs, elle exerce aussi un rôle favorable sur l’ossification, améliore la digestibilité du fer d’origine végétale, stimule le métabolisme énergétique et facilite l’élimination du cholestérol. Ses divers effets métaboliques, son pouvoir antioxydant lui confèrent une activité protectrice primordiale au niveau cardio-vasculaire. Son effet protecteur vis-à-vis du cancer provient non seulement de son pouvoir antioxydant, mais aussi de sa capacité – qu’elle partage avec les polyphénols de divers fruits et légumes – à inhiber la formation endogène de nitrosamines (à partir des nitrates et des nitrites), l’un des agents cancérigènes les plus puissants de l’estomac.
Bien que la vitamine C naturelle ou de synthèse ait, à dose identique, sensiblement les mêmes biodisponibilités, la vitamine C ajoutée dans certains aliments stérilisés tels que le lait contribue à la formation de produits indésirables par réaction avec divers constituants. Les enfants et les adolescents ont tendance à délaisser les fruits et légumes frais, et la tentation est donc grande de leur proposer des aliments enrichis comme les jus de fruits industriels, les céréales de petit déjeuner ou encore les produits laitiers, ce qui ne leur apportera pas les mêmes bienfaits que la vitamine C naturelle consommée avec les fruits et les légumes frais, et associée à d’autres micronutriments protecteurs.