Le monde fascinant des émotions:L'amour et l'attachement
L’amour est sans doute le sentiment positif par excellence, celui qui, lorsqu’il est éprouvé, confère un sentiment de bien-être et de sécurité, soutient la joie et l’espoir. Il s’agit d’une émotion sociale dont la source est programmée génétiquement, mais qui doit respecter certaines conditions pour grandir et atteindre son expression mature. Au début, le nourrisson éprouve un attrait inné pour l’expression du visage humain qu’il recherche avidement. Une relation d’attachement s’installe et va poser les bases de la capacité il’.limer. Lorsque les échanges entre la mère et le nourrisson sonl dominés par les expériences positives, le bébé intériorise une mere .limante, acquiert une représentation de lui-même comme étant un être digne d’amour et une image de ce qui caractérise un lien d’al leetion réciproque. Ces représentations mentales lui confèrent peu a peu une autonomie affective qui transforme l’émotion d’attrait, besoin égocentrique, en un sentiment d’amour où prédomine la réoccupation pour autrui. C’est ainsi que ces expériences périostites façonnent de manière permanente les capacités de l’enfant à établir par la suite d’autres relations interpersonnelles basées sur I amour altruiste.
Quand la relation d’attachement s’établit avec peine, il peut en résulter une difficulté à créer des liens matures. L’adulte qui n’a pas pu intérioriser une figure aimante stable n’acquiert pas d’autonomie affective. Il demeure dépendant de l’autre pour i éguler sa tension interne, ce qui le pousse à rechercher auprès il’un partenaire amoureux la réassurance, le contrôle et le récon- lort qu’il ne parvient pas à se donner lui-même. Les troubles de l’attachement nuisent à l’atteinte de la capacité d’aimer de manière altruiste, car l’émotion d’attrait reste dominée par le besoin de l’autre. L’amour vécu dans la dépendance affective est souvent source de douleur morale, car le moindre signe de désaccord entre ses propres besoins et la réponse de l’autre fait craindre de perdre l’affection indispensable. La possessivité, la jalousie maladive, I insécurité qui rend la solitude intolérable sont des souffrances induites par un sentiment d’amour qui n’a pas pu atteindre sa pleine maturité.
La joie et la tristesse
La joie et la tristesse font aussi partie des émotions présentes dès le début de la vie. La joie reflète un état du corps en équilibre de môme qu’un niveau élevé d’activité. Les traits du visage sont détendus ou souriants, les gestes sont amples et aisés. Aux tests de résonance magnétique, on peut observer que cette émotion active les cortex préfrontaux, ce qui se manifeste chez le sujet par un mode de pensée vif et créateur, une grande quantité d’images mentales qui bougent constamment, mais auxquelles le sujet ne s’arrête pas longtemps. Cette mouvance des représentations est nécessaire au travail de la pensée soignante, comme nous le verrons ultérieurement. La tristesse, pour sa part, se remarque par une désactivation des mêmes zones corticales. La pensée connaît un ralentissement du rythme et produit peu d’images mentales auxquelles la personne prête cependant une grande attention: la pensée de l’imaginaire se fige. Les principales modifications soma- tiques qui l’accompagnent sont les serrements ressentis au niveau du larynx et du pharynx, les larmes, un affaissement du tonus et une baisse notoire de l’activité générale. La joie confère un sentiment de bien-être tandis que la tristesse se double d’une sensation de douleur morale et parfois même de douleur physique.
Comme pour la peur et l’agressivité, l’expérience module et raffine les manifestations de la joie et de la tristesse. La liesse est une joie ressentie en groupe par un phénomène de contagion, l’extase une sorte de joie admirative, l’euphorie déborde d’enthousiasme. La tristesse peut se présenter sous forme de nostalgie liée au sentiment d’être éloigné de l’objet aimé, se muer en mélancolie associée à l’impression d’une perte définitive. Dans les pires cas, elle entraîne un détachement qui signe un désintérêt du monde et de ses plaisirs : c’est la dépression. Une dépression poussée à l’extrême donnera une psychose mélancolique. La joie excessive peut conduire à une attitude pathologique, la manie. La personne débordante d’énergie risque alors de mettre sa santé et sa vie en péril. Elle peut par exemple se lancer dans des dépenses irraisonnées, contracter des dettes énormes, ne pas dormir pendant plusieurs jours d’affilée, se livrer à des activités dangereuses. Dans ces cas extrêmes, joie ou tristesse ne sont souvent pas les seules émotions en cause : l’agressivité et la culpabilité sont aussi présentes et contribuent à la complexité du tableau clinique. Tandis que la joie témoigne de l’équilibre de l’organisme, la tristesse intense et permanente affecte l’efficacité du système immunitaire. L’individu devient alors plus sujet à attraper microbes et bactéries. Lorsqu’elle atteint l’intensité du désespoir, la personne se sent dans une Impasse et peut entrevoir la mort comme la seule issue possible. I ,c risque est alors grand de voir s’installer une maladie physique a potentiel létal.
l’espoir et le désespoir
L’espoir et son contraire, le désespoir, sont des émotions complexes qui peuvent avoir un impact considérable sur l’équilibre phonématique du corps. L’espoir induit un état de bien-être favorable à la «anlé, tandis que le désespoir entraîne une baisse des défenses immunitaires de l’organisme. En général, le désespoir s’installe dans le vide laissé quand l’espoir s’évanouit. Pour bien comprendre en quoi consiste l’espoir, il faut d’abord distinguer entre une attitude optimiste et un espoir véritable. La première repose sur une Illusion qui consiste à croire inconditionnellement que tout va bien et que tout continuera de bien aller, en faisant fi de la réalité et en Ignorant la gravité de la situation à laquelle on est confronté. l’espoir, le vrai, est ce sentiment éprouvé lorsque, malgré la difficulté vécue et la souffrance qui en découle, on croit en la possibilité avenir meilleur. Ici, l’individu ne s’illusionne pas ; au contraire,
il envisage la situation avec réalisme, tient compte des embûches, les risques réels et des obstacles à traverser, mais conserve malgré tout une attitude optimiste.
L’espoir est une émotion apprise, influencée par des aspects rognitifs et affectifs. Notre passé influence notre plus ou moins grande facilité à ressentir cette émotion. Quelqu’un qui a connu Mirtout des mauvaises expériences dans sa vie a de la difficulté à t mire en un avenir meilleur, alors que celui dont les périodes plus éprouvantes se sont soldées de façon positive espère plus lai ilement retrouver des jours plus fastes. Un individu n’ayant j’amais affronté de grandes épreuves peut aussi avoir de la difficulté à faire confiance en l’avenir par manque d’expérience.
Devant une épreuve, pour soutenir son espoir, il devra se référer davantage à une réflexion basée sur des connaissances intellei tuelles acquises, ce qui peut s’avérer plus difficile. Des facteurs inconscients peuvent aussi empêcher l’espoir de se déployer. Par exemple, quelqu’un peut nourrir inconsciemment un sentiment de culpabilité par rapport à une histoire passée et s’interdire d’espérer une vie plus agréable.
Jerome Groopman, oncologue, a maintes fois constaté à quel point l’espoir est essentiel au processus de guérison dans les cas de maladies graves. Dans son livre intitulé La force de l’espoir. Son rôle dans la guérison, il tente d’expliquer comment agit cette émotion. Il montre que, lorsqu’une personne est atteinte d’une maladie grave, des facteurs corporels peuvent s’ajouter aux facteurs cogni- tifs et affectifs pour infléchir les fluctuations de l’espoir. Les neurosciences révèlent en effet que les messages en provenance du corps adressés au cerveau modèlent le sentiment. Ainsi, les influx nerveux émanant des organes malades induisent le désespoir, tandis qu’un message venant de ces mêmes organes, mais véhiculant les indices d’une guérison en cours, contribue à ramener l’espoir. D’autre part, la connaissance des conséquences positives d’un traitement proposé aide à augmenter l’espoir, tempère la peur et donne du courage pour supporter les souffrances actuelles et les traitements parfois difficiles. Plusieurs recherches ont révélé que l’espoir libère des endorphines qui diminuent la sensation de douleur, ce qui influe sur l’humeur du patient, qui devient moins dépressif. Le système immunitaire s’en trouve stimulé, favorisant ainsi les processus de guérison. À l’inverse, le désespoir entraîne la dépression, qui augmente la perception de la douleur et nuit au bon fonctionnement du système immunitaire, donc, par conséquent, entraîne une résistance à l’effet des traitements.
La honte
Avez-vous déjà eu l’impression vive de vouloir disparaître sous terre, ou envie de détourner le regard avec le sentiment que vos moindres défauts physiques étaient apparents et objets de risée ? La honte est un sentiment pénible à supporter que l’on confond souvent avec la culpabilité, qui s’en distingue pourtant clairement. Alors que cette dernière témoigne de conflits d’ordre moral, la
Les émotions au cœur de la santé honte est associée à des conflits concernant l’estime de soi et la confiance en soi. Elle est ressentie comme un embarras, une impression vive et gênante d’être observé et évalué par autrui. Sa principale manifestation physiologique est le rougissement de la peau.
La honte est une émotion intimement liée à la réaction physiologique du stress. Elle nous renseigne sur l’effet perturbant qu’a une rencontre sociale sur notre organisme. Il s’agit d’un état d’hyperactivité physiologique caractérisée par une hypersudation, uni’ conscience aiguë du corps, une intensification de la perception, une mauvaise coordination motrice, une moindre efficacité des fonctions cognitives qui entraîne une interprétation souvent erronée des sentiments et réactions de l’autre, un évitement du regard d’autrui. Elle reflète un déséquilibre homéostatique.
Cette émotion douloureuse est programmée génétiquement, niais ne se manifeste que vers l’âge de 12 à 18 mois, au moment où l’enfant fait ses premiers pas. À cet âge, il prend conscience de ses nouvelles capacités motrices ; celles-ci lui font miroiter une autonomie qu’il n’est pas encore en mesure d’assumer complètement. Il en éprouve de l’exaltation et nourrit des idées de grandeur. La honte a pour fonction de temporiser ses fantasmes de toute- puissance en l’aidant à prendre conscience de ses limites et à ajuster son comportement au contexte social. Elle est ressentie comme un choc, une blessure à l’estime de soi douloureuse et l’enfant s’en iléfend souvent par des crises de colère intenses. A petites doses, file est cependant nécessaire à l’acquisition d’une saine estime de soi basée sur l’évaluation réaliste de ses forces et faiblesses.
Chez l’adulte, la honte joue de manière subtile dans à peu près lotîtes les interactions humaines. Elle est déclenchée quand il y a un écart important entre l’idéal de ce que l’on voudrait être et la perception que l’on a de soi. Elle comporte toujours le sentiment pénible de son incompétence ou de son impuissance. Lorsqu’elle apparaît dans une situation qui la justifie, elle instruit la personne sur la nature exagérée de ses ambitions et l’aide à réajuster ses .illentes. Le défaut de régulation de la honte entraîne des troubles ilu narcissisme qui se caractérisent principalement par une faible estime de soi, l’impression d’être nul et indigne d’amour. Cette honte généralisée est non appropriée à la réalité parce qu’elle est souvent disproportionnée en regard des véritables talents de l’individu. La honte, surtout lorsqu’elle atteint une telle intensité, est une émotion très difficile à supporter. Pour cette raison, elle est souvent la cible de mécanismes de défense qui en empêchent la prise de conscience, ce qui peut nuire à l’élaboration mentale qui pourrait aider à la dissiper. L’une de ces défenses consiste à se créer une représentation grandiose de soi basée sur un sentiment irréaliste de toute-puissance.
La culpabilité
La culpabilité est une émotion d’une grande complexité qui témoigne d’un conflit interne entre l’amour et l’agressivité. Nous la ressentons quand nous avons l’impression d’avoir dit quelque chose ou posé un geste ayant causé du tort à une personne aimée. Il s’agit d’une émotion évoluée qui n’apparaît dans le développement qu’à partir du moment où l’enfant devient conscient de sa dépendance à l’autre, de son amour pour lui et de son désir de le protéger contre ses pulsions agressives, soit vers l’âge de deux ans, deux ans et demi.
La capacité d’éprouver une culpabilité bien dosée et en conformité avec la situation qui la déclenche est le signe d’une maturité affective et d’une aptitude à établir des relations interpersonnelles saines où prédominent l’amour et le désir de réparation. Lorsque tel est le cas, ce sentiment n’occasionne pas de difficultés majeures et persistantes à l’élaboration mentale ; au contraire, il peut même la faciliter puisqu’il tient compte des nuances inhérentes à la relation. Cependant, il arrive que la culpabilité prenne des proportions exagérées au point d’envahir la personne à propos de tout et de rien alors qu’objectivement elle n’a rien à se reprocher. Elle s’accompagne alors d’anxiété et parfois même d’angoisse qui résultent du refoulement des pulsions agressives fortement condamnées. Un individu peut entretenir un sentiment de culpabilité erroné sans qu’il y ait refoulement de l’agressivité. C’est le cas, par
Les émotions au cœur de la santé »uemple, des victimes de traumatismes qui acquièrent la convieil« les responsables de l’accident ou de l’acte criminel . son livre intitulé EMDR. Une révolution thérapeutique, Jacques explique ce phénomène de la manière suivante: pour ftumuire un problème, notre cerveau a besoin de lui trouver un RtHth afin de l’intégrer à nos expériences mémorisées. Or l’événement Iraumatique n’a en soi aucun sens. Dans son effort pour lui ni trouver un, l’individu s’en attribue la cause, ce qui lui donnent II un espoir de pouvoir maîtriser une situation sur laquelle il H m fii réalité aucun pouvoir. C’est un peu comme s’il raisonnait lie le façon suivante: «Si je suis responsable de ce qui m’arrive, je modifier mon comportement pour changer le cours des i lu »ses. » Une telle façon de penser est évidemment erronée puisque, »l’une part, on ne peut revenir en arrière et que, d’autre part, elle i lit retient une illusion de toute-puissance puisqu’il nie le fait que » évènements peuvent survenir sans qu’on y soit pour quelque ihoso et que la responsabilité peut être imputable à quelqu’un il mètre. Comme une interprétation qui ne tient pas compte de la (milité est impossible à digérer psychiquement par un travail de I » usée, l’individu est condamné à ruminer ces idées fausses sans iwrvenir au soulagement escompté.
Ce premier survol du monde fascinant des émotions nous aura pu mis d’estimer leur utilité au quotidien. Le rôle fondamental elles jouent dans l’homéostasie demande qu’elles soient bien ralliées afin de permettre la création des images mentales nécessites au travail de l’imaginaire en vue d’une saine adaptation. En nous aprrêtant à certaines parmi les plus courantes, on aura pu »’litn voir à quel point, lorsqu’elles deviennent nos ennemies, notre (Milité physique et mentale peut s’en trouver affectée, d’où l’importance; de s’en faire des alliées, d’apprendre à bien composer avec., qu’elles soient positives ou négatives. Plongeons maintenant .m cœur de la physiologie des émotions: ce voyage nous aidera à mieux comprendre de quelle manière elles contribuent à réguler la tension interne.