Le légétime préscription
La décision de prescrire un placebo pur ou impur nécessite toujours au préalable un examen psychologique approfondi et de solides connaissances médicales. Si, en clinique quotidienne, elle ne peut toujours se justifier, existe-t-il des situations où l’utilisation de substances inactives est souhaitable, voire recomman- dable ? La réponse est oui, assurément.
D’égales performances mais à moindre risque
La maladie, quelle que soit sa gravité, n’a rigoureusement aucun traitement connu. Plutôt que de prescrire des vitamines, des antifatigue, des produits pour la circulation qui, sans être plus efficaces que le placebo, représentent forcément un certain niveau de toxicité, ne serait-il pas plus correct de disposer de placebos vrais ? Mais comment leur garder un certain anonymat? Cette question est pour le moment sans réponse.La maladie est bénigne, répond au placebo aussi bien qu’à un traitement classique qui est forcément plus dangereux. Est-il éthique de ne pas prescrire un placebo ? La question peut apparaître saugrenue, voire assez provocatrice. Habituellement, elle est posée dans l’autre sens : est-il éthique de prescrire un placebo? Pourtant, dans certaines circonstances, le médecin devrait sérieusement s’interroger sur ses choix thérapeutiques. Prenons l’exemple de la verrue. Il s’agit d’une affection bénigne, en principe virale, caractérisée par une évolution capricieuse, l’objet du délit apparaissant, se multipliant ou disparaissant apparemment au gré du hasard, des événements ou éventuellement – bien qu’à notre connaissance, aucune étude ne l’ait prouvé – des suggestions. Un patron de dermatologie avait donc pris pour habitude de mettre en scène une placebothérapie peu banale : la RAF (Radiothérapie anticancéreuse factice). Après avoir multiplié les mises en garde et les recommandations, il installait précautionneusement la zone à traiter sous la redoutable et inquiétante machine radioactive.
Il déployait un grand apparatus de plaques de protection plombée sur tout le reste du corps. Enfin, il mettait en route un ventilateur qui produisait un ronronnement supposé être celui de la machine. Selon Choffat qui rapporte l’anecdote, une forte proportion de verrues disparaissait dans les semaines qui suivaient. Dans ces conditions, est-il correct de proposer d’emblée, comme c’est parfois le cas, un traitement relativement invasif (chirurgie, cryothérapie), avec exérèse de la verrue, procédure qui, en général, laisse une cicatrice et ne met nullement à l’abri d’une récidive ? Ne serait-il pas plus logique de s’assurer d’abord que le patient a épuisé toutes les ressources de la suggestion et, si tel n’est pas le cas, d’envoyer sans complexes le « verruqueux » chez un guérisseur ?
Une jeune femme, médecin d’origine ardéchoise et porteuse de verrues disgracieuses sur les mains, avait été adressée à un sorcier savoyard qui conjurait par téléphone. Le procédé avait pour avantage d’éviter un long déplacement et la honte, pour une femme de science, de consulter un magicien. Était-ce pur chauvinisme ou incrédulité devant une conjuration hertzienne, toujours est-il que le procédé l’avait laissée sceptique et que les verrues n’avaient pas bougé d’un pouce. Quelques semaines plus tard, décision est prise de se rendre en personne chez une sorcière, ardéchoise cette fois-ci. L’humble chaumière est sise près des ruines d’un sombre château médiéval, dans la pure tradition romantique du xitf siècle. Ne manquent que la pleine lune, la tempête et les éclairs ! Le protocole est respecté à la lettre. Sans un mot, la vieille femme se contente de jeter un regard « pénétrant » à la « mère des verrues ». Aucun merci n’est prononcé, aucun argent offert. Un modeste présent, une paire de bas, est simplement déposé sur une pierre proche de la maison. Dans les jours qui suivirent cette mystérieuse consultation, les verrues disparurent toutes.
Cette observation n’a bien entendu rien de scientifique et n’est évidemment pas généralisable. Elle n’en existe pas moins. Certes, la verrue, à la longue, peut parfois dégénérer et il n’est pas bon de la laisser persister indéfiniment, mais l’urgence n’existe pas dans ce domaine. Bien que la Faculté n’enseigne pas ce type de technique et ne prône pas la collaboration avec les « confrères » traditionnels, il est clair qu’en cas de maladies bénignes, à évolution capricieuse et soumises à la suggestion, le recours au placebo est plus éthique que l’instauration immédiate de traitements éventuellement invasifs.
Vidéo : Le légétime préscription
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