La santé au bout des doigts:Typologie et constitution
Une typologie « de synthèse » très prisée par de nombreux ostéopathes a été proposée par le regretté Thomas Dumner. Totalement « ostéopathique », elle est le fruit des années d’expérience d’un homme qui se plaçait, par sa philosophie et son art de vivre, au carrefour culturel de l’Orient et de l’Occident. Elle a l’avantage d’être simple.
Elle permet d’orienter les choix des techniques manipulatives du praticien selon la typologie la plus proche du cas clinique examiné. Ces tableaux d’« homme en souffrance », certes schématiques, n’en constituent pas moins un rappel de la doctrine holistique de la maladie. On peut brosser le portrait de deux types de patients que traitent principalement les ostéopathes. Ces portraits conjuguent des observations qui portent sur la morphologie, la prédominance typologique et embryologique ainsi que le tonus des éléments qui composent le système nerveux végétatif sympathique et parasympathique.
- Le type structurel, appelé aussi mésomorphe, est un hypertonique car son tonus sympathique est élevé. Il est entre le bréviligne et le longiligne. Son traitement s’applique de préférence aux zones qui reflètent sa sympathicotonie (zone dorsale supérieure par exemple). Il faut lui éviter les manipulations au rachis cervical supérieur. Cliniquement, la fréquence cardiaque et la dilatation des pupilles sont des bons indicateurs de son tonus. C’est un homme d’affaires ou un sportif qui a tendance à la fibrose du tissu conjonctif, donc à la raideur articulaire. C’est un arthrosique précoce dont les articulations sont « infiltrées, congestives », mais peu douloureuses, et où s’accumulent des produits de déchets du métabolisme. L’« encrassement » de la machine est très fréquent. Artériosclérose, fibrome, calculs, hypercholestérolémie, athérome et cardiopathies ischémiques sont de sérieuses menaces qui pèsent sur sa tête.
- Le type fonctionnel, appelé aussi ectomorphe ; il est longi-ligne, à prédominance vagotonique (tonus du parasympathique dominant). Son rachis présente des troubles statiques tels que le dos rond ou le dos plat. Ses lignes de force qui équilibrent sa ligne de gravité, sont désynchronisées. Il n’est pas un adepte de l’activité physique, même s’il pratique pour sacrifier au rite social du sport. Il se fatigue rapidement. Il est doté d’une grande souplesse musculaire et ligamentaire. Par contre, des spasmes totalement imprévisibles des petits muscles rachidiens ou des grands muscles de la stabilisation lombo-pelvi-fémorale sont au chapitre de ses soucis locomoteurs. Tendinites, capsulites, synovites réactionnelles sont associées ou non à la pathologie rachidienne. Son tempérament est aussi synonyme de spasmes des voies biliaires, d’asthme ou d’autres manifestations allergiques, de migraine… et parfois une hypertension systolique vient couronner le tout.
Ces deux patients au tempérament facilement identifiable demandent chacun une conduite thérapeutique adaptée et une prise en charge personnalisée qui tiendra compte de l’environnement. Il suffit de les interroger et de les examiner ! Avec le fonctionnel, les risques d’aggravation sont sérieux en cas d’erreur dans le choix de la technique et de sa zone d’activité. Dans tous les cas, la correction des « dysfonctions », du mode de vie et de l’habitus nutritionnel accompagne le traitement ostéopathique.
L’intérêt majeur de cette approche de la maladie, qui prend comme base le tonus du système nerveux végétatif, est d’offrir l’une des visions possibles de synthèse théorique et pratique du couple structure-fonction que les ostéopathes manient dans leur raisonnement. Avec une application technique immédiate.
La notion de « balance », d’équilibre entre le parasympathique qui est un système d’intendance, et le sympathique qui est un sys-tème d’alerte, de secours et de régulation vasculaire, est reconnue comme un facteur essentiel au maintien de la bonne santé. Les ostéopathes ne sont pas les seuls à se servir de ce concept.
Les praticiens des autres médecines alternatives, homéopathie, médecine chinoise, ainsi que les psychosomaticiens appliquent à leurs traitements la notion de « balance ».
En effet, le mouvement du balancier peut et doit osciller de l’un vers l’autre selon les rythmes de la vie, des besoins physiologiques adaptatifs, mais il doit toujours se recaler au point d’équilibre. Lorsque le tonus est trop important pendant trop longtemps, des circuits pathologiques s’organisent, d’abord à bas bruit, puis avec des symptômes témoins qu’il faudra rechercher précieusement lors de la consultation.
Les sujets qui sont vagotoniques ou sympathicotoniques ne peuvent prendre le risque de voir leur « tonus de base » s’exacerber sous peine de voir leur état de santé se dégrader. L’un des principaux responsables de ce phénomène est le stress, grand pourvoyeur de maladies modernes, des plus bénignes aux plus graves. Il cale le balancier du mauvais côté, celui de la morbidité, de la mort.
En ce qui concerne le traitement ostéopathique, le vagoto- nique, qui a de l’embonpoint, le teint pâle, une allure calme est capable d’une très bonne relaxation neuromusculaire, ce qui facilite l’utilisation de certaines techniques. Un défaut dans la cuirasse : une poussée congestive locale douloureuse après la manipulation ostéo-articulaire. Il doit être informé de cet effet secondaire.
Quant au sympathicotonique, maigre, le teint coloré, la peau sèche et chaude, il ne tient pas en place et tremble facilement : certains disent que c’est un « thyroïdien en excès ». Les manipulations peuvent déclencher une horripilation (poils qui se dressent) avec des frissons. Chez lui c’est un phénomène normal, mais qui l’étonne toujours.
Le système nerveux végétatif continue de passionner les spécialistes des sciences humaines, les médecins, les thérapeutes. Les publications sur le sujet sont innombrables. Il est à la fois le témoin de l’unité et de la différence des hommes.
Nous avons survolé quelques-uns de ses aspects anatomiques et biologiques. Voici un tableau utile au clinicien… et aux patients, pour mieux comprendre 1’« homme total ». Le thérapeute y trouve des repères pour le suivi de son traitement.
ASPECT PHYSIOLOGIQUE DE LA VAGOTONIE
- Pouls lent, hypotension (souvent la minima).
Rappel : normal 60 à 72 pour homme, 80 pour femme.
- Œil : myosis et hyperhémie conjonctive. Spasme d’accom-modation.
- Urine : nuageuse, haute en couleur, riche en acide oxalique, phosphates et carbonates (dépose).
- Salivation abondante, déglutition fréquente pouvant gêner l’élocution. Salive fluide de mastication.
- Respiration : elle est profonde et lente, souvent entrecoupée de soupirs, irrégulière (suivie de pauses). Augmentation de sécrétions buco-naso-pharyngées. Respire volontiers par la bouche. Diminution du réflexe pharyngé.
- Système digestif : Bonne digestion mais fait facilement des dyspepsies hypertoniques. Un excès d’ions négatifs engendre une vagotonie. Alcalosé (PH > 7,4) : éviter les régimes végétariens. Ne pas dormir plus de 8 heures (sommeil récupérateur).
Attention : sucre et dérivés, lait, fruits (citron, pomme), légumes (tomates, salade, carottes, pommes de terre, haricots verts, épinards).
- Système génital :
- Hyperactivité.
- Le para est vaso-congestif.
- Homme : érection brusque, fréquente mais courte.
- Femme : lubrification vive. Pas d’innervation para du muscle utérin.
État affectif :
- Les plaisirs de la vue, du goût et de l’odeur sous la coupe du para cranio-facial.
- état affectif particulier lié aux pensées libidineuses (états nauséeux).
- para pelvien participe à l’accomplissement d’actes qui conduisent à un état de plus grand confort.
ASPECT PHYSIOLOGIQUE DE LA SYMPATHICOTONIE
- Pouls rapide, instable, palpitations.
- Sécheresse oculaire.
Mydriase (si unilatéral parfois le seul signe d’une irritation sympathique).
- Urine claire et abondante. Miction fréquente, polyurie secondaire à l’élévation de tension.
Remarque : le rein est sous la dominante des réflexes vaso- moteurs, il participe de façon durable à l’équilibre acido- basique.
- Sécheresse de la bouche : salive visqueuse de gustation et de déglutition.
- Respiration rapide avec tendance à l’angoisse, augmentation de la sensibilité des muqueuses.
- Digestion lente : appétit excessif. Mauvaise assimilation par vasoconstriction. Météorisme par hypotonie gastro-intesti- nale. Acidose (PH < 7) : attention : œufs, riz, pain blanc, trop de viande, haricots et fromage.
- Système génital : il est orgasmique. C’est l’acmé de l’excitation. Le blocage du diaphragme (02 se prend comme le plaisir).
Fonction de luxe : relation avec la physiologie générale :
- insuffisance rénale
- hypertension
- surcharge graisseuse
- artériosclérose
- cancer
Il faut savoir appliquer cette méthode fondée sur la variation des tonus avec beaucoup de discernement, qui, elle, doit être constamment cadrée dans la « pathologie générale ». Ainsi, elle enrichit la réflexion du clinicien ostéopathe dans l’intérêt de son patient. L’expérience prouve que l’action sur le rétablissement des balances est possible par les techniques ostéopathiques qui s’appuient sur ce raisonnement.
Dans les pays industrialisés, les maladies ou troubles fonctionnels sont monnaie courante. Elles dominent largement les maladies organiques et infectieuses. Schématiquement, les pathologies fonctionnelles se caractérisent par des états qui sont toujours réversibles physiologiquement, alors que l’état de maladie organique implique une atteinte de la structure anatomique, microsco¬pique ou macroscopique, non spontanément réversible.
Ces notions ne peuvent être confondues avec les portraits de nos deux typologies, structurelle et fonctionnelle, bien commodes au demeurant. L’asthme peut être un trouble fonctionnel ou une maladie organique grave. Dans un cas l’ostéopathie est une indica-tion possible, dans l’autre non. On multipliera les exemples sans peine. Chaque trouble fonctionnel devra apporter la preuve qu’il n’est que « fonctionnel ».
Les ostéopathes proposent aussi de classer leurs techniques selon qu’elles sont structurelles et fonctionnelles, en se référant à des bases anatomiques ou physiologiques séparées. Ce jargon qui leur est propre peut prêter à confusion. Nous y reviendrons au chapitre suivant.
L’être humain, sa maladie, que l’on a appris à mieux comprendre, la responsabilité de son environnement, ne sont plus un mystère. Si les grandes maladies dévastatrices des temps anciens ont disparu, de nouveaux fléaux modernes émergent, comme le stress. Sa particularité en tant que facteur « carrefour » de nombreuses maladies, des plus bénignes aux plus graves, pose le problème des mesures préventives et des stratégies thérapeutiques.
Si la préservation ou le rétablissement de la santé reste toujours la préoccupation des médecins, c’est grâce surtout aux conseils de prévention et aux règles qui peuvent organiser la vie quotidienne de leurs concitoyens qu’ils sont appréciés.
C’est pourquoi chaque patient doit être compris dans sa globalité psychologique, comportementale, morphologique, ainsi que dans son environnement social, écologique, culturel, pour lui permettre de bénéficier du meilleur traitement possible. Cette approche holistique de la maladie doit s’accompagner nécessairement du savoir maîtrisé et actualisé qui contribue à une connaissance approfondie de « l’homme total ».
L’évolution de la demande de soins sera appréciée médicalement, et l’origine des troubles sera débusquée. Ainsi, une action thérapeutique ostéopa- thique adaptée à la personnalité du patient sera mise en œuvre avec de meilleures possibilités de succès, une plus grande efficacité, le plus souvent avec la participation d’autres thérapeutiques.
La conduite holistique de la maladie, c’est aussi l’éducation, des habitudes de vie, des rythmes, l’exercice physique, la nutrition, tout comme le choix de la meilleure technique, du bon calendrier des consultations et des entretiens. « L’homme total » moderne des pays industrialisés reste très vulnérable et fragile. La guérison est aléatoire car la ligne de démarcation entre l’équilibre et le déséquilibre est imprécise.
Tout dépend de la force de l’instinct de vie, des capacités d’adaptation. Aujourd’hui plus qu’avant, la médecine prédictive est capable, grâce aux travaux des épidémiologistes, d’alerter les populations sur les conséquences des désordres qui bouleversent nos grands équilibres physiologiques. La philosophie et les principes, les techniques de la médecine ostéopathique, cent ans après l’édification de sa doctrine, sont d’actualité.
Vidéo : La santé au bout des doigts:Typologie et constitution
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