La santé au bout des doigts : l’homme total
La mémoire pathologique:
Nous savons, pour l’avoir lu et entendu partout, que nous nais-sons tous égaux. Mais comment faut-il comprendre cet aphorisme ? On ne peut lui nier une petite part de vérité, pour un bref instant de vie, le temps de naître, de nouer les premiers liens affectifs avec le monde extérieur, incarné par les parents. Puis le destin va peser sur notre berceau. Et très vite, très tôt, les routes vont diverger. Les hommes, quand ils le peuvent, donnent à leur existence le sens de leur choix ; mais sont-ils capables de préserver leur bien le plus précieux, la santé ?
Pourquoi parler ici d’« homme total » ? Parce que de nombreux médecins, thérapeutes, sociologues, psychologues, philosophes, adhèrent de plus en plus au courant de pensée dit holistique : celui de l’homme en entier, de l’homme comme un tout. Chaque état de santé, chaque maladie, chaque syndrome clinique est appréhendé en fonction de tous les facteurs qui le composent. Comprendre l’autre, c’est l’écouter, c’est dégager les facteurs psychologiques, sociaux, écologiques, spirituels de sa maladie. Personne ne conteste qu’il faille découper l’être humain en tranches de plus en plus fines pour les besoins de la science, et ainsi mieux comprendre, mieux maîtriser la maladie. Les progrès scientifiques sont à la mesure des besoins ; les moyens seront toujours insuffisants.
Mais seule compte la finalité des efforts consentis : soulager, éradiquer, éduquer, donc prévenir, pour augmenter l’espérance de vie et la qualité de vie. Mais à quel prix pour les sociétés modernes développées ? L’approche holistique offre une des réponses possibles à ce problème.
Les hommes sont à la fois semblables et différents.
Il suffit d’un coup d’œil pour que les disparités morphologiques, physiques, comportementales sautent aux yeux. Plus troublant : certains sont plus souvent que d’autres atteints par les maladies infectieuses, alors que chacun sait que le système de défense immunitaire est le même pour tous. De même, chaque épidémie a son îlot de résistance.
Les fonctions de la vie sont divisées en fonctions de nutrition et fonctions de la vie de relation ou fonctions animales. Leur rôle est de permettre à l’individu de s’adapter à son environnement (éco-système) quel qu’il soit, aux variations de ce milieu extérieur, avec un objectif simple : la conservation de son intégrité, donc de celle de l’espèce. Cela passe par la sélection, le traitement puis la mémorisation de l’information.
La réponse n’est appropriée que si deux systèmes de régulation, le système nerveux central et le sys-tème hormonal, fonctionnent normalement. Existerait-il une différence d’organisation de cette régulation, d’utilisation de ces fonc-tions chez chaque être humain ? La réponse semble être négative, et, pourtant, l’observation sur le terrain autorise des hypothèses. Et puis il y a l’appareil locomoteur.
À la disparité morphostatique (forme du crâne, du visage, longueur des pieds, des membres, courbes rachidiennes) s’associe une disparité morphodynamique (balancement des bras, allongement des pas, rotation des ceintures), donc une usure des articulations, une fatigue des tendons, plus précoces ou plus tardives. Telle est l’évidence qui frappe le clinicien.
En ce sens on peut affirmer que chaque homme est unique, même si la duplication génétique assure la pérennité de l’espèce selon un code invariable. Certes, les ratés existent et les maladies génétiques occupent une grande place en médecine. Nos différences, affichées dans notre personnalité, dans une société où le marketing astucieux conduit l’homme vers des modèles sociaux et économiques uniformes, sont difficiles à préserver.
Cela ne doit pas signifier pour autant la glorification du chacun pour soi au nom de la singularité. Il est établi que des facteurs environnementaux, nutritionnels, culturels peuvent influer sur le programme génétique de l’homme unique. Pas un jour ne passe sans que l’actualité éclaire les effets pervers des mutations génétiques, mais les espoirs légitimes de progrès thérapeutique sont associés au développement du génie génétique.
L’obésité familiale, les fac¬teurs de risque familiaux rencontrés dans de nombreux cancers sont actuellement sous le feu de l’actualité. La gravité de ces phé¬nomènes justifie l’intérêt croissant que leur témoigne le corps médical. La prise de conscience de plus en plus affirmée des populations dans les pays modernes industriels, des effets pervers du progrès mal contrôlé sur la santé, est une réalité quotidienne de nos consultations.
Pourtant, les hommes doivent apprendre à reconnaître et à accepter leur différence. Elle est source de richesse. Peut-on tenir ce discours lorsqu’il s’agit de santé ? La science médicale a fait d’énormes progrès dans la prévision de certaines maladies. L’infiniment petit est aussi bien traqué que l’infiniment grand, de l’analyse biologique la plus fouillée à l’imagerie la plus sophistiquée.
Si on sait aujourd’hui suivre le développement d’un petit être vivant in utero, on sait aussi que chaque individu exposé à la pollution, au rayonnement, aux substances chimiques et toxiques (tabagisme), aux agressions sonores, climatiques, réagira selon ses origines ethniques ou sociales.
Mais qu’en est-il de l’organe qui nous gouverne, le cerveau ? Depuis des lustres l’homme tente de comprendre ce qui se passe sous son crâne, et son rôle dans nos maladies. Pour les Égyptiens de l’époque pharaonique, il était 1’« organe de l’âme ». Il faudra attendre Descartes pour qu’apparaisse une séparation entre l’esprit et la matière cérébrale. Il deviendra alors le grand organisateur : l’homme et son cerveau, l’univers et les forces qui l’animent fonctionnent en duo avec des interactions permanentes grâce à la pensée. Puis l’idée d’un lien entre cerveau, corps et environnement s’imposera. Aujourd’hui, nous acceptons comme une évidence que le cerveau est le gardien de la pensée et de l’intelligence, qu’il contient les principaux liens avec l’âme et, pour ceux que la foi habite, que chacun contient une part de divin.
Le savoir neurologique s’est accumulé, l’expérimentation est venue confirmer les hypothèses proposées il y a fort longtemps. Pavlov, Sherrington et d’autres savants ont contribué à l’édification d’une science, la neurologie, dans laquelle la physiologie, l’anatomie, la clinique et la pathologie sont indissociablement liées. Chacun peut lire des publications contradictoires sur le cerveau dominant et ses implications sur le mode d’activité physique, psychique et intellectuel.
Les scientifiques ont établi que la préfé-rence manuelle, gauche ou droite, est indépendante de son contexte culturel : 90 % des individus utilisent la main droite pour écrire ou pour effectuer des tâches manuelles difficiles. On a aussi observé que les mains dessinées sur les parois des grottes préhis¬toriques étaient presque toutes des mains gauches, car l’artiste de l’époque utilisait sa main droite.
Selon certains chercheurs, la préférence manuelle serait commandée par un seul gène qui serait présent sous deux formes, droit (dominant) et gauche (récessif). Selon d’autres, un gène pourrait s’associer à une copie active ou inactive. Une autre obser-vation troublante fait état d’une plus grande fréquence des maladies dites auto-immunes chez les gauchers. Il ne fait de doute pour personne qu’il existe vraiment une spécialisation des hémisphères cérébraux qui est induite par une prédisposition innée mais qui suit tout de même un modèle génétique.
La réponse immunitaire à l’agression d’un corps étranger met en jeu un système complexe d’actions-réactions dans lesquelles sont impliqués des éléments cellulaires et humoraux. Des mécanismes régulateurs présents à plusieurs niveaux reconnaissent, identifient et détruisent le corps étranger responsable. Il s’établit un véritable dialogue entre l’environnement et les variations de la réponse immunitaire par l’intermédiaire du système nerveux central, qui utilise les voies nerveuses et endocriniennes pour transmettre les messages. Or ce système est vulnérable. Des cafouillages illustrés par des réactions imprévisibles (allergies) sont de plus en plus fréquents. Non seulement la réponse immunitaire variera selon la pression de l’environnement, l’équilibre de l’alimentation (carences), la présence et la pénétration de substances toxiques (conservateurs, antibiotiques), mais également en fonction de facteurs psychiques. Ces derniers peuvent aussi être responsables de perturbations importantes du système de régulation neuro-endocrino-métabolique.
On voit émerger une nouvelle discipline, neuro-immuno-endo- crinologique, qui nous éclaire chaque jour davantage sur les puis-santes interactions du cerveau avec les systèmes de protection de l’intégrité de l’individu. La neuropsychologie s’intéresse à nos hémisphères cérébraux : le rationnel à gauche, l’émotionnel à droite. Plus finement encore : de nombreuses prédispositions men¬tales appartiennent à l’un ou à l’autre des deux hémisphères.
Elles ne concernent pas seulement la mémoire, l’audition, le langage. L’inhibition du système immunitaire serait liée à la prédominance de l’hémisphère droit, et sa stimulation à l’hémisphère gauche : c’est le champ d’exploration de la psycho-neuro-immunologie.
Il ne fait plus de doute pour personne que ces modèles dominants vont générer des « habitus » propres à chacun d’entre nous, lesquels vont à leur tour organiser des schémas et des modèles d’attitudes locomotrices dans lesquelles nous nous enfermerons. Ces modèles imposent une utilisation préférentielle des appuis et des mouvements de toutes sortes… donc des usures préférentielles, donc des douleurs préférentielles, et des récidives préférentielles.
Aujourd’hui, les chercheurs sont en mesure de nous apporter quelques éléments de réponse sur ce sujet. Il existerait une véritable stabilisation sélective de certaines cellules nerveuses. Malgré les innombrables combinaisons possibles que proposent les pensées, les perceptions, les objets mentaux, c’est toujours la même réponse qui revient. Comment s’organise cette mémoire « culturelle » ? Qui met ces informations en mémoire ?
Les scientifiques n’ont pas encore de réponse. Par contre, cette stabilisation sélective existe et joue un rôle majeur dans l’organisation ou la désorganisation de notre état de santé. Il existe aussi une relation d’interactions réciproques entre le cérébral et le social. Les niveaux de conscience et d’inconscience sont mobiles ; le stockage des informations et leur restitution, la méditation et la spiri¬tualité, peuvent modifier significativement l’organisation du cerveau.
En milieu favorable, lorsque l’adaptation est facile, la forme humaine s’épanouit, se dilate, alors qu’en milieu nocif elle se rétracte. L’instinct de vie serait lié à la dilatation, donc à l’expan-sion. A contrario, le repli sur soi, la rétraction, l’absence de géné-rosité, d’ouverture sur le monde, ne serait pas une manifestation d’instinct de conservation. Le milieu dans lequel nous évoluons change sans cesse, non seulement au plan géoclimatique mais aussi social, familial et professionnel.
Ce phénomène s’accompagne d’une variation dynamique de la personnalité où les sentiments de bien-être et de mal-être sont présents dans une oscillation maîtrisable. Le contrôle s’impose comme le facteur majeur de l’organisation de l’existence. La vigilance, dans les cas extrêmes de dilatation ou de rétraction maximum, lorsque le balancier ne revient pas à son point d’équilibre, est recommandée. La prédominance de l’instinct d’expansion ou de l’instinct de conservation modèle nos comportements sociaux et culturels.
Brossons quelques traits de l’expansif ou du « dilaté ». Ce qui le caractérise avant tout, c’est sa vitalité, son instinct, son affect, son utilisation particulière de l’intelligence, son adaptation sociale orientée vers la vie en groupe. Il adapte facilement ses opinions à celles de la majorité. Il aime l’effort en groupe. L’isolement ne lui convient pas et l’effort solitaire ne le stimule pas. C’est un bon compagnon, qui s’adapte bien. Il a un idéal de vie sociale. Il ressent bien « les signaux d’alarme de la désadaptation », mais souvent trop tardivement.
A l’inverse, les rétractés ne redoutent pas l’isolement. Us le recherchent plutôt. Ils tentent de s’affranchir des règles communes. Ils ont des principes, préfèrent se construire un cadre de règles exis-tentielles et s’y tenir. Ils n’acceptent l’effort et les activités physiques que si elles sont en harmonie avec leurs principes et leurs règles. Manifestement, ils n’ont pas une grande souplesse d’adap¬tation ; ils prennent peu de risques. Les signes d’alarme sont étiquetés et classés en fonction des situations. Ils sont attentifs à les voir apparaître.
Ces caricatures de nous-mêmes ne sont que deux profils extrêmes d’individus. Les chances de les croiser au bistrot du coin sont minces. L’immense majorité des êtres humains présente une typologie intermédiaire, avec une imbrication complexe des diffé-rents traits, dont il paraît vain de tenter de suivre la logique par rapport au canevas établi. Nous sommes poussés dans un sens ou un autre par les mouvements de la vie, mais devons sans cesse maîtriser l’amplitude de l’oscillation si nous souhaitons conserver notre capital santé. Pendant ce temps, la logique du système, au contraire, vise à brouiller nos repères, ce qui, pour les plus vulnérables, prend la forme simple du « mal-être » et pour d’autres des formes de maladies plus graves dites de civilisation. Le combat pour la santé exige de chacun lucidité et décision.
La santé est dynamique. C’est un « équilibre » d’éléments en mouvement permanent, car la vie est mouvement. Comment ne pas lier santé et adaptation ? La vie biologique est régie par une loi féroce : toute vie qui ne s’adapte pas, meurt. Par extension, nous devons quotidiennement réaliser des efforts d’adaptation sociale. Pour être équitable, le système doit fonctionner dans les deux sens : je m’adapte au groupe, le groupe s’adapte à moi. Si l’on doit lâcher une partie de soi pour s’adapter au groupe, il est légitime d’obtenir une compensation en retour.
Ainsi apparaît un couple adaptation-compensation autour duquel s’organise un équilibre social, psychologique et physique. Le point d’équilibre de ce triangle est au centre. Pour chacun d’entre nous existent des seuils de tolérance et des clignotants. Bien se connaître, c’est reconnaître ses signaux d’alarme. Nous verrons qu’ils sont nombreux et variés. À chaque individu sa carte sémio- logique, ses témoins lumineux qui s’éclairent chaque fois qu’il s’écarte du point d’équilibre. Ce ne sont que les preuves des désordres des systèmes de vigilance, de régulation, de coordination. Chacun possède sa propre marge d’oscillation autour du point d’équilibre. Sentir son corps, écouter sa voix intérieure, évaluer ses forces et ses faiblesses, flairer les dangers, aide consi¬dérablement à préserver son capital santé.
Chaque être humain est unique. La santé est l’affaire de chacun, même si la médecine est là pour veiller au grain, contrôler les risques, analyser l’état de santé-maladie des populations, développer la médecine pré¬ventive et sociale. La prévention impose des repères biologiques, sociaux, environnementaux, culturels si l’on veut définir son champ d’action.
Le point d’équilibre se situe toujours entre « les entrées et les sorties », l’effort et la récupération, la veille et le sommeil, les pertes et les gains, l’amour et la haine, l’altruisme et l’égoïsme, le sens moral et son absence, la culpabilité et son absence, l’ambition, le carriérisme et l’inertie.
Malgré ses capacités d’organisation, de flexibilité, de souplesse, le cerveau humain éprouve de réelles difficultés à s’adapter à l’environnement qu’il rencontre. Si ce sujet inquiète les neurobiolo-gistes, les comportementalistes, les anthropologues, les ethnologues, les ostéopathes sont partie prenante dans le débat.
L’homme ne maîtrise plus son environnement, c’est une évidence dramatique et inquiétante. Malgré l’active médiatisation de ce thème, le cri d’alarme n’est pas encore entendu partout. Patients qui me lisez, réfléchissez. Après avoir dévasté la nature qui nous entoure, ne sommes-nous pas en train de dévaster notre propre cerveau ? Inondé, submergé, gavé d’informations et de contre- informations, en fait désinformé, entamé, déstabilisé par le marketing et la pub qui s’engouffrent dans la moindre fissure, l’individu perd son libre arbitre, s’éloigne de son point d’équilibre et cède aux sirènes consuméristes.
Peut-il encore inverser cette pente destructrice pour sauver sa santé morale, physique, mentale ? Doit-il endormir son cerveau par l’abus de tranquillisants, d’alcool, de cannabis pour supporter les effets d’un environnement anxiogène qu’il contribue incessamment à construire ? Comment peut-il espérer trouver des solutions thérapeutiques aux maux qui le submergent, sans agir sur les causes ? Quel traitement pour quelle maladie ? Ces incohérences entre les questions et les réponses écrivent le scénario de notre pratique quotidienne de médecins confrontés sans cesse à des demandes d’aide thérapeutique. Le médecin sait qu’il n’a pas souvent la réponse appropriée. Vrais inaladies-vrais malades, fausses maladies-faux malades. Pas aisé de s’y retrouver. Chacun fait « sa » maladie.
L’ostéopathie n’appartient pas au domaine de la psychologie. Par contre, elle peut aider le patient qui en exprime la volonté à retrouver un « certain équilibre physiologique perdu ». Elle ne doit pas être une indication pour les faux malades. Une partie de son immense succès provient certainement de son attribut « holistique », de sa conception dite de la « lésion totale », les deux se fondant dans une pratique où la main orchestre le savoir de la maladie et la connaissance de l’homme. Certaines techniques ont des actions réflexes capables de faire bouger favorablement cette fameuse « stabilisation sélective ». L’ostéopathie enrichit le concept de médecine holistique. Elle est en parfaite concordance avec les orientations de la médecine moderne.
La pratique d’une médecine holistique impose au médecin d’évaluer l’incidence des facteurs psychologiques, sociaux, écolo-giques et spirituels sur la maladie. La science médicale a pris conscience du fait que l’esprit humain ne peut être dissocié de la maladie et de son traitement. Cette constatation sert de fondement à l’élaboration des protocoles thérapeutiques. Le médecin a la charge de pointer du doigt les facteurs incriminés, de responsabiliser le patient pour qu’il mette en place ses solutions. Par contre, il ne peut s’impliquer que si ses compétences l’y autorisent. Quelle part la médecine ostéopathique et ses techniques variées peuvent- elles prendre dans l’approche holistique du patient ?
La doctrine ostéopathique affirme la primauté de la machinerie musculo-squelettale, autrement dit le composant somatique, comme facteur d’organisation de l’équilibre au sens global du terme. Le « langage du corps » ne peut donc pas la laisser indifférente. En réponse à des informations sensorielles permanentes venues de l’environnement, ou à des signaux de « situation » du milieu intérieur, le corps, sous le contrôle du système nerveux central et de l’esprit, adopte une apparence extérieure qu’il faut essayer de décoder.
La biotypologie est la discipline qui recueille des informations biologiques, psychologiques et somatiques sur cette « merveilleuse machine à vivre » que le clinicien observe : son semblable. « L’homme est unique et irremplaçable », écrivait Edmond Rostand. Il existe donc des clés pour comprendre chacun d’entre nous et reconnaître les préférences thérapeutiques de chacun. Il ne s’agit pas d’équations simplistes, mais d’une typologie, une technique.
Il faut recueillir de nombreuses informations, trier celles qui, associées, orientent le praticien, tout en se méfiant des dangers des tiroirs, pour finalement opter pour la meilleure technique au bon moment.
La biotypologie appliquée à l’ostéopathie présente un grand intérêt pour qui veut mieux cerner « l’homme total », car les observations sont pertinentes et utiles au praticien. Selon que vous êtes longiligne ou bréviligne, les attaches des membres et le déve-loppement du tronc présenteront des éléments de forte résistance ou de faiblesse. Le format, en particulier les diamètres verticaux et horizontaux, sont de véritables sources d’information.
Ainsi la mobilité lombaire varie suivant les types et les aspects morpholo-giques liés au sexe : chez l’homme la vertèbre lombaire L5 est mobile, L4 est difficile à mobiliser, L3-L1 ont une bonne mobilité ; chez la femme L5 est un socle et appartient au sacrum, L4 est facile à mobiliser, L2 est bien mobile. La largeur inférieure du tronc signe les types androides et gynoïdes .
La forme du bassin détermine le valgus ‘ physiologique du genou et des futures usures si dommageables à notre qualité de vie. On n’est pas lourd par sa graisse, mais par ses muscles et ses os ; le développement du pli cutané abdominal est un repère d’obésité. Elle peut être circulatoire (capillaire) et la peau sera marbrée et dure, ou d’origine veineuse, et la peau sera molle et blanchâtre.
Une autre classification, établie sur la primauté de certaines fonctions endocriniennes, reconnaît comme base la séparation des caractères sexuels. Homme et femme, c’est une évidence qu’il vaut mieux rappeler, présentent des caractères sexuels primaires et secondaires différents desquels ressortent des caractères morpho-logiques différents. Certes, la nature n’est pas exempte de tout reproche dans sa généreuse distribution, mais nous devons accepter l’inacceptable pour mieux vivre. Au plan biométrique, tout sépare l’homme et la femme. Pourquoi perdre son temps à ressembler à quelqu’un d’autre ?
Citons quelques exemples :
- L’organisation de la cambrure lombaire est plus somatique chez la femme (les pathologies sont plus musculo-tendino-aponé- vrotiques et ligamentaires) et plus discales chez l’homme (les pathologies sont plus dégénératives discales et positionnelles). La courbure est plus harmonieuse et plus profonde chez la femme, alors que chez l’homme il existe une véritable cassure à la charnière L5-S1 et une rectitude sus-jacente. À chacun sa colonne, à chacun ses ennuis et à chacun son traitement.
- Les femmes ont plus de tissus adipeux, moins de tissus musculaires. La jambe est plus courte et la cuisse est plus longue. Le valgus du genou et le valgus du coude sont aussi typiquement féminins, mais si la main de la femme est plus fine, plus étroite et plus courte, le pied par contre est plus large et moins fin que chez l’homme.
- La laxité ligamentaire est étroitement liée au système sym-pathique et au rapport entre les androgènes et les œstrogènes. Lorsque la laxité est trop importante, une compensation « intelli-gente » entraîne des spasmes des muscles profonds, y compris ceux de certains viscères (muscles lisses), ce qui altère leur fonc-tionnement et provoque des douleurs.
Anthropométrie et biotypologie sont deux disciplines qui, asso-ciées, servent de base de réflexion, de profil, pour orienter nos choix, nos activités sportives et physiques.
La classification morphopsychologique de Sheldon, fondée sur l’organogenèse (développement des organes depuis le stade embryonnaire), est aussi très intéressante. Lorsque l’un ou l’autre des tissus originels s’est développé en excès ou en insuffisance, on note des variations de morphologie auxquelles on associe des variations de tempérament (tonus) :
- On reconnaît trois aspects somatiques : ectomorphe (type linéaire), mésomorphe (type carré), endomorphe (type rond).
- On décrit trois tempéraments ou « tonies ». Chaque « tonie » traduit l’augmentation de la réactivité psychique et physiologique d’un individu dans les situations de la vie quotidienne. Elles por¬tent le nom de cérébrotonie, somatotonie, viscérotonie, auxquelles Sheldon ajoute une quatrième composante en rapport avec l’activité sexuelle. L’addition des différentes composantes entre elles, selon des critères quantitatifs et qualificatifs, conduit à des combinaisons nombreuses, parfois trop complexes pour être utilisables par le clinicien. Arrêtons-nous quelques instants sur les différents types somatiques qui intéressent l’ostéopathe.
L’endomorphe, ou type rond, a toujours une attitude relaxée, présente peu de relief musculaire, accumule les graisses, mais pré-sente une hyperlaxité ligamentaire et des instabilités articulaires (articulations qui craquent !).
Le mésomorphe, type carré, a besoin d’action et de mouvement, aime la compétition, présente une hypertrophie musculaire, mais l’excès de tissus conjonctifs le conduit rapidement à la fibröse et à la limitation articulaire. Ses articulations sont toujours stables mais douloureuses en profondeur, par exemple au rachis cervical.
L’ectomorphe, type linéaire, supporte mal le chaud, est très sen-sible au froid et pèle au soleil. Ses réactions sont exagérées, exces-sivement rapides, il n’est pas capable de se relaxer. Ses muscles sont filiformes mais hypertoniques, parfois même avec de véritables spasmes (cou, région lombaire) qui fabriquent des blocages articulaires dont l’origine psychogénique ne fait pas de doute. Il existe des instabilités articulaires qui sont responsables des échecs retentissants des manipulations ostéo-articulaires, car les articulations se bloquent de nouveau après chaque manœuvre.
Plus une articulation rachidienne craque, plus elle est instable, surtout au niveau cervical, plus il faut lui épargner des manipulations. Ces patients sont aussi les victimes des manipulateurs « à trois séances par semaine ».
La littérature déborde de travaux sur le lien entre la taille d’une paupière, le pli fessier, l’anxiété… et le mal de dos. Même si l’intérêt de telles études peut être démontré, on peut douter que leur transformation en méthode diagnostique et thérapeutique passe-partout soit justifiée.
Le cadrage biotypologique ou morphotypologique n’a de sens, en médecine ostéopathique, que s’il sert de conducteur à une réflexion thérapeutique adaptée et d’outil pédagogique pour le patient. Il est bon que celui-ci cerne mieux les troubles récidivants qui correspondent à sa biotypologie. L’ostéopathie ne peut pas se transformer en une sorte de « programmateur-baliseur » des souf-frances, elle ne doit pas poser les indications de ses techniques selon des casiers préétablis.
Chaque discipline médicale a sa partition à interpréter.
L’ostéo-pathie a besoin des autres disciplines pour comprendre pourquoi ses hypothèses et son concept élaboré voici un siècle, appliqué au traitement de certains troubles parfois si éloignés de la pathologie purement locomotrice apportent des résultats bénéfiques chez certains patients et pas chez d’autres. D’où vient ce sentiment de bien-être, de recentrage, de rééquilibre qu’éprouvent les patients, alors qu’aucune trace biologique ne peut confirmer les résultats ?
La toile tissée par la médecine holistique autour de l’homme moderne et stressé, qui glisse progressivement vers le « tableau pathologique unique », celui des maladies dites de civilisation, le conduit forcément vers cette lumineuse révélation : le secret de sa guérison est à chercher dans l’harmonie du mental et du corps.
Vidéo : La santé au bout des doigts : l’homme total
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La santé au bout des doigts : l’homme total
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