La santé au bout des doigts : comportements émotions stress
Comment l’homme s’y prend-il pour accepter ce qu’il subit ? Toutes les activités humaines sont en rapport avec les fonctions psychiques, l’affect et les émotions. L’homme est habitué à faire face constamment à des situations nouvelles, plus ou moins agréables. Heureusement, des comportements acquis ou innés lui dictent sa conduite.
Lorsqu’une situation est connue, une conduite adaptée s’organise spontanément. Malgré tout, il arrive que devant une situation imprévue il n’existe pas de plan de conduite. Alors s’installent des troubles qui touchent à la fois les fonctions intel-lectuelles, la machinerie viscérale, la machinerie musculo-squelettale et la volonté d’agir. Ces troubles de l’adaptation ont un point commun : l’émotion. Le centre des émotions est situé dans une région de la base du cerveau que l’on appelle l’hypothalamus.
Un comportement est un témoin. Il est le reflet du conscient et de l’inconscient. On a pu étudier le comportement selon ses aspects physiologiques, biologiques et pharmacologiques. Nos comportements sont-ils pathogènes, c’est-à-dire qu’ils fabriquent des maladies, ou certains mécanismes en état de dysfonction, même temporaire, sont-ils responsables de comportements anor¬maux capables de générer eux-mêmes des troubles ? Existe-t-il des interventions possibles, directes ou indirectes sur ces méca¬nismes ? Les réponses à ces questions concernent un grand chapitre de la médecine moderne et sont l’objet de très nombreux travaux actuels. En fait, il s’agit, ni plus ni moins, de l’intérêt que l’on porte à l’homme, à sa construction intérieure, à sa révolte et au rôle du médecin.
Des chercheurs de toutes disciplines tentent d’expliquer le lien entre nos émotions et nos comportements. Celui-ci est à la fois neurologique et biologique, par l’intermédiaire de la molécule, du métabolisme, de la biochimie, de la cellule, du cerveau. Depuis Freud, nous savons que le langage peut constituer le moyen d’une analyse logique de notre inconscient. En effet, lorsqu’un homme parle, il y a ce qu’il dit, et ce qui se comprend ; ce qu’il ne dit pas mais dont la verbalisation existe ; ce qu’il dit sans le savoir.
L’émotion est un curieux phénomène. Elle n’apparaît que s’il existe une trop grande disproportion entre les exigences d’une situation donnée et ses propres possibilités d’y répondre. Elle a parfois un rôle très positif, puisque, devant l’impossibilité de s’adapter à une situation donnée, on s’adapte en fuyant ou tout simplement en piquant une colère. Les manifestations neurologiques que l’on rattache au phénomène émotionnel sont liées à l’action du système nerveux végétatif. Elles sont nombreuses et l’effet répétitif peut conduire à de véritables dysfonctions, jusqu’à épuisement des sécrétions endocrines d’alerte dont nous avons tant besoin pour nous protéger.
La manifestation la plus simple de l’émotion, ce sont les poils qui se dressent, la température cutanée qui s’abaisse, la fréquence et la profondeur de la respiration qui augmente, et les muscles qui se
contractent. À terme, le plus dommageable est l’augmentation de la sécrétion thyroïdienne et du métabolisme basai, l’augmentation de la sécrétion du cortisol par les glandes cortico-surrénales, de l’adrénaline et de la noradrénaline par les glandes médulo-sur- rénales. Certaines maladies graves, comme par exemple une certaine forme de diabète, sont directement liées à certains traumatismes psycho-émotionnels.
Leurs retentissements sur la pression artérielle, le nombre de globules rouges, la concentration de lipides et de glucose dans le sang sont une préoccupation médicale quotidienne. Les effets sur le transit intestinal sont variables : la peur, la colère, la douleur sont plutôt cause de constipation ; la surprise, la détresse, ont plutôt l’effet inverse.
L’adaptation est donc une nécessité de la survie ; elle est d’ailleurs considérée comme un signe de maturité psychique et d’équilibre intérieur tout autant que le témoin de la capacité que nous possédons tous à recevoir l’événement extérieur. Pour cela, nous devons reconnaître et identifier les situations, mais aussi développer les moyens à notre disposition pour acquérir de nouveaux comportements. Par ailleurs, il nous faut affiner le recueil des stimulations sensorielles qui émanent de notre environnement, en portant une attention particulière aux événements.
Il vaut mieux se méfier de l’habitude qui peut avoir des effets néfastes en inhibant un comportement. Attention aussi à des réflexes conditionnés qui sont totalement inadaptés à de nombreuses situations.
L’identification d’un événement se confond parfois avec le sentiment d’une menace. Cela fabrique donc de l’anxiété. Si ce phénomène est associé à la perte d’un être cher, il engendre la dépression. S’il est associé à une catastrophe, il provoque le stress. Ces conduites ne sont pas stéréotypées, et chacun doit se souvenir qu’il est différent des autres, et que ses capacités le sont aussi. L’anxiété est une émotion universelle qui peut parfaitement être bien vécue si elle s’accompagne d’anticipation et d’adaptation.
Dans ce cas, elle n’a pas d’effet pathologique, au contraire : son bénéfice est réel dans de nombreuses situations de la vie quoti-dienne. Malheureusement, il lui arrive trop souvent de prendre un caractère franchement pathologique, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’une souffrance psychique, d’un handicap, d’une désadaptation.
L’environnement interfère en permanence avec l’organisation du cerveau, modifiant constamment la part relative de l’inné par rapport à l’acquis. Les messages qui émanent de notre sphère d’activité moderne sont si nombreux, leur tonalité, leur intensité et leur répétition si fortes, que le système tombe de plus en plus souvent en panne.
Qui n’a jamais éprouvé ce sentiment de saturation, de ne pas avoir la bonne réaction dans une situation donnée ? Or ce phénomène d’adaptation doit fonctionner pour que nous puissions vivre sans pathologies. Existe-t-il des possibilités de réparer ou de corriger les dysfonctionnements quand on connaît l’extrême complexité de l’ensemble ? Peut-on corriger l’un des éléments du tout, ou faut-il s’attaquer à l’ensemble du phénomène, à la globalité ? Le philosophe, médecin et savant que fut Henri Laborit s’interrogeait sur la faillite de ce merveilleux instrument qu’est le cerveau comme régulateur et modérateur des relations humaines.
Jetons un regard autour de nous. L’agressivité animale est partout. Manifestement, nous ne savons pas assumer, maîtriser et canaliser harmonieusement notre animalité. L’homme se sent agressé, mais il est lui-même agresseur. Partant de ce constat, Henri Laborit a créé une nouvelle discipline, l’agressologie. La définition scientifique de l’agression est l’action sur un système vivant d’une quantité d’énergie qui perturbe sa structure de façon stable et non oscillante. Cette définition n’a rien à voir avec la simple définition sociale que tout le monde connaît.
Au plan biologique, le phénomène « agression » provoque une rupture d’équilibre, s’accompagne d’une augmentation de la production d’énergie en provenance du métabolisme qui est ainsi très éloigné de sa mission originelle. (En effet, le métabolisme doit fournir l’énergie nécessaire au maintien de la structure en bon état.) Tant que la demande reste raisonnable, l’adaptation est possible.
Mais si l’intensité et la durée de l’action qui agresse augmentent, le méta¬bolisme devra lui-même augmenter pour maintenir l’adaptation.
Tous les processus nécessaires au contrôle de la température, aux échanges ioniques, sont en équilibre permanent grâce à l’ajustement constant des réactions qui contrôlent les grandes fonctions et à la régulation des différents secteurs hydriques de l’organisme. Ces valeurs contrôlées sont bien connues : elles sont le témoin de l’homéostasie qui n’est rien d’autre que l’équilibre qui maintient la vie. Les faits démontrent que la réaction biologique à l’agression est la cause de l’hyperglycémie, de l’acidose, de l’augmentation de l’acide lactique et de l’azote.
L’agression peut avoir des conséquences encore plus graves, pouvant aller jusqu’à l’impossibilité pour la cellule d’utiliser l’oxygène nécessaire à sa survie, puisque les processus métaboliques seront perturbés d’une manière irréversible. Le prix à payer sera la souffrance d’un ou de plusieurs organes, d’une ou de plusieurs fonctions. La suite est connue : des tableaux pathologiques variables, facilement reconnaissables par leur caractère aigu ou chronique, par une certaine harmonie, ou au contraire difficilement individualisables car apparaissant comme de véritables « puzzles » : ces tableaux sont à classer dans la grande rubrique du stress.
Lorsque l’agression persiste, comme c’est souvent le cas de nos jours, les systèmes régulateurs des besoins métaboliques tombent en panne. En temps normal, ils sont hiérarchisés de manière à assurer d’abord la régulation des besoins vitaux.
Ils possèdent leur propre système de contrôle par rétroaction, ce qui amène une réponse immédiate. Les scientifiques ont prouvé que les sécrétions des neuromodulateurs sont perturbées dans les conduites agressives, que ce soit lorsque l’environnement est perçu comme agressif ou que ce soit lorsque l’agressé est agresseur.
Nous parlons là bien entendu de l’agression sociale et écologique. Rappelons que ces substances jouent un rôle dans la synthèse d’autres protéines, par exemple celles de la réponse immunitaire, ou dans les phénomènes membranaires des cellules, par exemple les processus d’entrée-sortie, les combinaisons avec d’autres substances, ou dans les échanges ioniques, par exemple entre ions positifs et négatifs. Les conséquences de ces perturbations affectant ces messagers peuvent être tragiques puisque la communication entre différents systèmes est au mieux biaisée, au pire rompue.
On a identifié différents types de comportements agressifs.
Celui du prédateur en présence de sa proie ; celui de deux mâles de la même espèce qui s’affrontent ; celui dû à la peur, souvent précédé d’une tentative de fuite ; celui dû à l’irritabilité, elle- même faisant suite à des stimulations répétées engendrant douleur et frustration ; celui lié à la défense d’un territoire, à l’instinct maternel ; celui en relation avec la sexualité, et les autres : ceux que l’on engendre par ses propres schémas mentaux. À l’évidence, homme et animal sont trop souvent confondus.
La réaction de stress devient pathologique lorsque la situation stressante est trop intense et trop fréquente. De plus, elle entraîne une réaction émotionnelle qui peut être immédiate ou différée dans le temps, brève ou durable. À côté des dégâts biologiques que nous avons notés, des manifestations psychiatriques peuvent s’installer. C’est le cas des crises d’angoisse récurrentes qui se produisent au détour de quelque situation quotidienne stressante. Parfois, un véritable fond d’anxiété, avec son lot de phobies, peut se développer, sans parler des états dépressifs liés au sentiment d’être pris dans la nasse, dans un piège sans issue.
Parmi les aléas de la vie courante figurent en bonne place toutes sortes de traumatismes physiques aux conséquences plus ou moins sérieuses. L’accident de la circulation, la chute à ski ou les accidents liés à la pratique des nouvelles activités de glisse, de saut, sont autant de situations stressantes susceptibles d’organiser une réaction retardée à partir de l’événement traumatique d’origine. On connaît l’entité pathologique qui correspond à ce phénomène : syndrome névrotique posttraumatique, appelé aussi état de stress posttraumatique.
D’une manière générale, les situations de stress pathogènes s’échelonnent suivant une gamme très étendue de symptômes et de syndromes. À un bout du spectre, certains s’organisent en véritables maladies psychosomatiques. Les hommes ont bien des occasions au quotidien d’organiser leur propre tableau de stress, aux conséquences variables. Le risque n’est pas le même pour tout le monde. Voici quelques observations qu’il est bon de connaître pour juger de la gravité des facteurs de stress :
- La toxicité du stress est corrélée à la survenue d’événements imprévisibles, dangereux et surtout incontrôlables, avec une hyperréactivité spontanée ou une réaction de sursaut.
- Plus l’événement est durable et nocif pour l’équilibre (conflits familiaux, problèmes professionnels), plus la réaction de stress est forte et toxique. Elle est moins forte chez les sujets qui tentent d’agir sur leur situation. La tension intérieure est plus élevée chez les sujets inhibant leur agressivité.
- Ceux dont l’action est centrée sur la compétitivité, l’investissement professionnel, ont un risque coronarien deux fois plus élevé que les autres, car ils acceptent plus que d’autres des situations stressantes.
- Le stressé vit différemment son stress selon son entourage, qui peut jouer un rôle thérapeutique important, ou au contraire en aggraver les effets.
Agressions physiques et agressions psychosociologiques n’ont donc pas le même agent responsable. Pourtant, le système adréno- sympathique, celui qui fabrique de l’adrénaline, est partout impliqué. Ses effets sont très toxiques, quelle que soit la réponse, mais surtout en cas d’absence de fuite ou de lutte.
Comme l’a dit Henri Laborit : « Quand l’homme des cavernes avait acquis l’expérience du danger que lui faisait courir la présence d’un ours à proximité, cette réaction lui permettait de fuir ou de se battre contre l’ours. Aujourd’hui, ce n’est plus l’ours qu’il trouve à la sortie de la caverne du métropolitain, mais son contemporain, le patron, le supérieur hiérarchique, l’interdit socio¬culturel, l’agresseur quotidien sans visage, en face duquel il ne peut ni fuir ni lutter. L’action thérapeutique des tranquillisants n’a pas d’autre but, semble-t-il, que de modérer l’activité instinctive de l’hypothalamus (animal) et, en conséquence, d’atténuer le conflit. Reste à savoir s’il est plus souhaitable de favoriser la soumission des révoltés que de laisser exploser une révolte inconsciemment structurée, ou de traiter des ulcères de l’estomac, des hypertensions et des névroses. »
Quant à nos patients, allongés sur nos tables, que la rigidité « adrénergique » (inondée d’adrénaline) rend si douloureux, qui sursautent au moindre contact de la main qui leur semble un coup de marteau… comment les aider autrement qu’en leur racontant l’histoire de l’homme des cavernes et de l’ours ?
Existe-t-il une stratégie pour développer ses capacités d’adapta-tion ? L’effort sur soi doit s’imposer avant tout recours thérapeu-tique. Il faut apprendre à contrôler ses actes, à maîtriser ses repré-sentations et ses pensées liées à l’impact de l’événement. Il s’agit, ni plus ni moins, de maîtriser le compartiment psychoaffectif de sa personnalité, de canaliser ses émotions. Mais plus encore, il s’agit de maîtriser ses ambitions en fonction des moyens de se construire de l’intérieur.
En attendant, le système nerveux central, le système nerveux végétatif, les différents axes endocriniens, la réponse immunitaire, tout cafouille. Les pathologies sont innombrables et touchent aussi bien le système cardio-vasculaire, le système digestif, l’activité sexuelle, tous les biorythmes, le « mal au dos ».
Le stress est un véritable fléau, responsable de maladies dites de civilisation. Le stressé doit lutter contre les effets toxiques de son stress, certaines thérapies peuvent l’aider.
La médecine ostéopathique dispose de raisonnements et de techniques adaptés à de nombreux tableaux de stress, en tenant compte de la prééminence d’un syndrome par rapport à un autre. Le bénéfice immédiat n’est pas certain et s’échelonne du médiocre au spectaculaire. À terme, pour les patients qui sont suivis réguliè-rement, il semblerait que le bénéfice soit plus constant, tout en sachant que le pronostic de « guérison » est impossible à préciser.
En effet, trop de paramètres dépendent du patient lui-même, de l’importance de sa démarche intérieure, de sa capacité à prendre en charge les problèmes de son environnement. La conception holistique de la médecine ostéopathique s’applique parfaitement dans ce contexte.
La variation des techniques, des séquences thérapeutiques combinées à d’autres thérapies, la définition d’une hygiène de vie, sont les points essentiels de l’accompagnement de l’individu stressé. La demande est de plus en plus forte ; il faut y accéder. Derrière ces tableaux pathologiques dits fonctionnels se cachent malheureusement des pathologies organiques et/ou des troubles graves de la personnalité. Le suivi thérapeutique et l’évolution des symptômes dans le temps se font en permanence sous l’œil critique du clinicien ; la vigilance ne doit pas se relâcher. La victoire sur le stress ne se conçoit que si chacun, le patient et le médecin, apporte sa motivation, sa contribution à la réussite du plan d’action élaboré.
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