L’ostéopathie philosophie et concept
La doctrine:
À l’époque de Still, les interrogations scientifiques trouvaient parfois des réponses non scientifiques. La confusion qui avait imprégné la médecine aux XVIIe et XVIIIe siècles commençait seulement à céder le pas à la rigueur scientifique. Les publications, l’organisation de sociétés savantes, témoignent de la volonté de ce temps de canaliser les mouvements et les idées qui l’agitaient. Chirurgiens, médecins, philosophes, anthropologues, se penchaient sur la douleur de leurs contemporains et cherchaient des solutions. L’époque était riche de pensées novatrices, de découvertes scientifiques, et souvent l’idéologie télescopait la physiologie, la psychologie, ce qui contribuait, déjà, à jeter le trouble sur les objectifs essentiels de la médecine. Rien d’étonnant à ce que les certitudes des médecins se soient transformées en doutes.
Avec sa méthode et son concept original de la maladie, Still s’est imposé plus aisément qu’il aurait pu le penser. Il a retrouvé, codifié mais aussi inventé des techniques ingénieuses sans toujours savoir quelles en étaient les bases scientifiques, ni comment expliquer ses succès thérapeutiques. Par contre, il avait la certitude qu’un système organisé et cohérent avait pour mission de nous éviter la maladie. L’homme était détenteur de son propre pouvoir de guérison grâce à un système d’équilibre et de régulation régi par une organisation supérieure. Quant aux concepts généraux de la doctrine ostéopathique, certains d’entre eux appartiennent à la pensée universelle, ce qui est bien légitime puisque l’inspiration de Still était multiculturelle et multiethnique.
- Premier concept : il existe des interactions entre les différentes parties du corps, qui s’organisent selon des systèmes com¬plexes mais qui forment un tout. La difficulté réside dans la recherche de la cause de la maladie au sein d’un organisme qui fonctionne comme un tout, mais comme un tout malade. Il faut rechercher le premier symptôme. Il existe ou il a existé, sa trace persiste, actuelle ou effacée…
- Deuxième concept : la nature commande la guérison. Si une bonne analyse des éléments responsables de l’état de maladie est nécessaire à la compréhension de ce qui se passe, la nature possède en elle-même le pouvoir de rétablir la santé et de stabiliser la I guérison. Nous pouvons donc mobiliser nos moyens de défense au service de la nature, qui fera le reste.
- Troisième concept : la machinerie musculo-squelettale est l’élément majeur de l’harmonie du corps. La machinerie viscérale (toutes fonctions confondues) est au service de la machinerie mus-culo-squelettale. Les dysfonctions constatées dans l’appareil loco-moteur sont en rapport direct ou indirect par l’intermédiaire des connexions anatomiques, physiologiques, par la circulation des éléments fluides, avec l’ensemble du corps. Cette organisation peut créer 1’« état de maladie », et l’entretenir. Les pièces du puzzle n’étant plus ajustées, il faut donc les remettre en ordre. « Le fait de réajuster fait disparaître la maladie et redonne la santé. »
- Quatrième concept : il existe une relation « structure-fonction » dont les deux sont indissociables. Ce couple est si intimement lié qu’il constitue un tout. Bien connu des scientifiques d’aujourd’hui, on lui reconnaît une règle de fonctionnement simple. Un défaut de structure peut modifier une fonction et, à l’inverse une fonction peut modifier les caractéristiques d’une structure.
- Cinquième concept : les manipulations sont mises en œuvre pour rétablir l’harmonie structure-fonction et, de ce fait, restaurer la bonne santé locale et générale.
Nous reviendrons plus loin sur tous ces aspects de la doctrine ostéopathique telle que l’a définie A.T. Still. La tentation sera forte de s’approprier des fragments de concepts et d’en faire chaque fois une « ostéopathie rénovée » ou la « vraie ostéopathie » ou pire encore une « ostéopathie d’inspiration divine qui guérit tout ». Il ne faut pas non plus diffuser le mythe de Still, mais revendiquer une filiation, une école de pensée pour fixer un cadre, une réflexion sur la maladie, le corps et la guérison.
L’ostéopathie se situe d’emblée, par la volonté de son fondateur et de ses disciples, sur le terrain scientifique. Scientifique mais pratique, au même sens que la chirurgie, qui fut d’ailleurs sa complice dès le début de l’enseignement de l’ostéopathie aux États-Unis. La médecine ostéopathique consacre le mariage d’influences apparemment contradictoires ; le vitalisme (laisser faire la nature qui organise), le mécanisme (la vertèbre bloquée que l’on débloque), le symptôme et son organe, la science et l’empirisme. La radiographie, dont l’invention est récente, vient à point nommé apporter son concours à l’élaboration des diagnostics mais surtout contribue à « voir l’anatomie » et à éviter certaines erreurs.
Ses convictions spirituelles ont tout naturellement amené Still à douter en permanence de la pharmacopée de l’époque, souvent inefficace. Il avait la certitude du rôle majeur que jouaient la nature et la force de la foi dans la guérison des maladies. Méfiant vis-à-vis de la toxicité des médicaments utilisés, il faisait de plus en plus confiance à l’application de sa doctrine. Ainsi l’ostéopathie, tout naturellement, se définit-elle comme une médecine de terrain capable de normaliser les grands équilibres physiologiques, une médecine de la globalité par son action sur l’ensemble de la machinerie musculo-squelettale, une médecine vitaliste par ses actions à la fois organisatrices et régulatrices. Ainsi concevait-il la finalité de sa méthode.
Pour bien faire comprendre à quelle entité anatomique, physiologique et pathologique il faisait référence, A.T. Still a inventé la notion de « lésion ostéopathique ». Source de nombreuses controverses sémantiques, la « lésion ostéopathique » en France a dû laisser aujourd’hui la place à la « dysfonction articulaire » qui ne reflète pas l’esprit et le contenu de la définition des fondateurs de l’ostéopathie. Nous reviendrons sur la lésion ostéopathique lorsque nous parlerons de J.M. Littlejohn. Mais, pour A.T. Still, elle « est presque toujours constituée par un déplacement plus ou moins marqué, souvent minime, d’une vertèbre ».
Ce petit déplacement qui n’a rien d’une luxation, est invisible à la radiographie ; il est pourtant, entre les mains du praticien exercé, toujours palpable et parfois visible. C’est un repère clinique, que certains appellent subluxation (ce qui signifie « quasi-luxation »), qui perturbe la fonction de l’articulation, et que d’autres spécialistes du rachis, comme notre confrère le Dr Maigne, nomment « dérangement intervertébral mineur ». Les ostéopathes préfèrent parler de « restriction de la mobilité », et, depuis Fryette, lui attribuent un code (premier ou deuxième degré).
La lésion ostéopathique est la cathédrale de la médecine ostéo-pathique. C’est le lieu de rencontre des pièces anatomiques, des tissus, de leurs propriétés et de leurs caractéristiques physiques, de l’évaluation de leur vie.
Pour interpréter et comprendre les messages qu’elle contient, le clinicien dispose de l’observation et de la palpation. Pour la traiter, il mettra en œuvre des gestes techniques variés mais toujours adaptés à son état aigu ou chronique. Les différents éléments anatomiques et les événements pathologiques qui constituent l’entité « lésion ostéopathique » évolueront sans cesse, comme toute maladie.
Mais l’accent sera toujours mis sur un raisonnement de nature physiologique (perturbation de ce qui est normal) plus que sur une constatation de nature physique (exploitation objective du symptôme). C’est toute l’ambiguïté du regard ostéopathique sur la maladie : regard de physiologiste empêtré dans la clinique ou regard de clinicien que la rigueur scientifique de la physiologie
handicape. Vieille querelle qui agite le monde médical entre les physiologistes et les cliniciens, à laquelle la doctrine ostéopa- thique n’échappe pas. Il n’en demeure pas moins que recueillir les informations, les classer, leur donner une forme et choisir le bon traitement, demeure le credo du clinicien.
La lésion ostéopathique est une mine d’informations sur le mauvais fonctionnement de nombreux appareils ou organes, et particulièrement de l’appareil locomoteur. Elle a des origines multiples et variées. Il existe des causes externes d’origine méca-nique, comme les traumatismes (directs ou indirects, anciens ou récents, chutes, chocs, efforts), mais aussi des causes dites baro-sensibles ou thermiques (contrastes climatiques, contact avec le froid). Les causes internes sont en général les plus dangereuses et peuvent parfois chevaucher les causes externes, ce qui augmente la difficulté de la détermination de leur origine. Une pathologie organique peut provoquer une douleur projetée à la colonne ver-tébrale ayant pour origine l’atteinte de l’organe (la vésicule biliaire avec le dos et l’épaule, le rein avec la région lombaire, le cœur avec le cou)- Le tri s’imposera. Le diagnostic différentiel sera à mettre en place.
La doctrine ostéopathique reconnaît la primauté des troubles qui frappent l’appareil locomoteur, comme responsable d’une rupture de l’équilibre général, que ce soient des troubles de la sta¬tique vertébrale, de la posture, de l’appui au sol, des malformations acquises ou congénitales, des complications de la chirurgie orthopédique et parfois viscérale. Par malheur, certaines manipu-lations trop agressives sont responsables de lésions anatomiques parfois très invalidantes. Nous y reviendrons.
L’approche moderne de la médecine ostéopathique continue de reconnaître la lésion ostéopathique comme une sorte de syndrome focal, carrefour des troubles locomoteurs régionaux ou généraux, des atteintes d’organes, des troubles fonctionnels. La lésion ostéo-pathique est un syndrome qui appartient à la maladie, c’est une lentille de convergence.
La philosophie de la doctrine ostéopathique de Still s’énonce selon le principe de vitalité qu’on attribue à chacun d’entre nous. C’est ainsi que la santé vitale, celle qui préserve la vie, comprend les notions de :
- nutrition
- capacité sélective de réception ou de rejet,
- assimilation des substances nutritives et rejet des éléments toxiques,
- équilibre du corps sur une base structurelle,
- ajustement réciproque de toutes les activités fonctionnelles du corps.
L’ostéopathe est le gardien de cet équilibre, il veille au respect de la cohésion de l’ensemble. Il lui faut pourtant respecter la phi-losophie tout en s’écartant du dogme et de ses dangers.
L’histoire de l’ostéopathie s’écrit en même temps que celle de la médecine, elle-même partie intégrante de la culture humaine. L’humanisme continue de côtoyer la science à chaque instant. L’ostéopathie va établir son rôle de trait d’union dans les décennies qui suivront. Le Dr Littlejohn, en reprenant la doctrine ostéo- pathique et le vitalisme, lui donnera un contenu pratique toujours d’actualité aujourd’hui.
Vidéo : L’ostéopathie philosophie et concept
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