L'évolution de la mére et du couple : Au rythme de chacun
La maturité grandissante de l’enfant provoque le couple, appelant l’homme et la femme à renouveler leurs points d’équilibre…
Au rythme de chacun
Parler de sevrage entre six et neuf mois, ce n’est pas dire pour autant qu’il est temps de sevrer son enfant. Le sevrage est une question délicate, personnelle et difficile à aborder. Le rythme, le désir, l’évolution de chacun doivent être profondément respectés. Il n’existe pas un sevrage-type, mais une multitude de sevrages.
Nous avons remarqué combien il est difficile, aujourd’hui, d’allaiter longtemps sans s’attirer une phrase ou un regard réprobateurs. Certaines femmes avouent, au-delà de certains mois, allaiter parfois en douce tellement elles vivent mal le contraste entre les besoins de leur bébé, leur désir et l’opinion des autres !
Il faut savoir se préserver : ce n’est pas l’entourage, proche ou médical, qui décide du sevrage, c’est votre enfant, votre compagnon et vous-même. Lorsque l’on prend du temps pour allaiter – et allaiter longtemps -, il faut savoir en prendre pour penser au sevrage. Le temps est un facteur primordial pour faciliter le sevrage et le transformer en une étape positive et structurante pour chacun.
Le sevrage de la mère
Nous ne pouvons parler du sevrage du bébé sans aborder celui de la mère. Il existe, mais on l’évoque plus rarement. Pourtant, la mère aussi doit se sevrer de cette relation privilégiée avec son enfant qu’engendre l’allaitement au sein. Elle doit faire le chemin qui lui permet de sentir que la communication avec l’enfant ne passe plus uniquement par le biais de l’allaitement. Elle aussi est sevrée de ce contact charnel qui est si particulier. On peut toujours lui dire qu’il se transformera, qu’il évoluera, mais c’est celui-là qu’elle a découvert et qu’elle aime !
Il n’existe pas une femme qui n’éprouve de la nostalgie en se rappelant l’allaitement de ses enfants, surtout s’il a duré un certain temps ; car il faut aimer allaiter pour pratiquer longtemps cet acte, et il est naturellement difficile et douloureux de renoncer à ce que l’on aime.
L’allaitement est le prolongement naturel de la grossesse. Cette période, si particulière dans la vie d’une femme, la met « à part ». Enceinte et allaitante, aidée par le flux d’hormones, elle baigne encore dans la lumière du « devenir mère » ; après, elle rentre dans l’âpre exercice « d’être mère », tout simplement. Le fait de quitter cet état entraîne la peur d’une confrontation à une réalité quotidienne délicate à intégrer. En allaitant, la femme se sent utile : elle est au « service » de la vie de son enfant. Elle peut craindre de l’être moins après le sevrage et se sentir dévalorisée. Sevrer son enfant renvoie la mère à ses propres expériences de séparation. Si ces séparations ont été pour elle une source de transformation et d’évolution positives, faites en état d’amour, il lui sera peut-être plus facile de sevrer son enfant. Si c’est le contraire, le sevrage peut lui paraître insurmontable. Dans la peur de souffrir, elle peut aussi bien retarder cette échéance le plus longtemps possible que l’expédier rapidement, tous les hublots de sa sensibilité clos. L’allaitement confère une certaine puissance à la mère, qui détient en quelque sorte les clefs de la vie de son enfant : il grandit et forcit grâce à son lait. Se sevrer de sa puissance lactée pour la léguer aux forces nourricières de la terre demande à la mère d’accomplir un bel acte d’humilité.
Donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler !
Il est tout à fait normal de redouter le sevrage. La grossesse, l’accouchement, le démarrage de l’allaitement, la mise en place progressive du lien mère-enfant demandent à la mère une grande disponibilité ainsi qu’une capacité d’écoute et d’abandon aux rythmes de son enfant. La femme doit réviser ses priorités pour n’en conserver qu’une seule : son bébé. Celui-ci prend possession de son temps et de son corps sans relâche, comme savent si bien le faire les enfants. L’allaitement devient du « grand art » d’aimer, car il faut non seulement donner le sein, mais aussi permettre à l’enfant de le garder pour l’intérioriser. Par le manque qu’il suscite, le sevrage permet à l’enfant de fonder ses objets internes
par exemple, le « sein symbole d’amour » – et de construire sa vie psychique.
Comme le disent si bien les enfants : « Donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler ». La mère, en sevrant, accepte de perdre une part d’elle- même, ce lait qu’elle a donné et qui a permis à son enfant de se construire grâce à ses soins et à son amour. Allaiter, c’est savoir donner, se donner sans prendre possession mais dans le plus grand respect de l’autre et de soi-même.
La différenciation mère-enfant
Le sevrage favorise donc la différenciation de la mère et de son enfant.
Aimer dans la différence, aimer sans retenir. Nourrir comme le fait la terre-mère. Laisser la plante s’échapper de la terre, attirée par le soleil-père. Sevrer vient du mot « séparer » ; il s’agit de se séparer sans fermer la porte définitivement (« Puisque tu veux partir, pars ! »), tout en restant dans le lien d’amour. Si la source de lait se tarit, celle d’amour l’abreuve toujours.
Redouter le sevrage, c’est souvent redouter ce qui va se passer après. C’est craindre la peur du vide… Après l’accouchement, le plein des seins a remplacé le vide du ventre. Maintenant, qu’est-ce qui va remplacer le vide des seins ?
En arrêtant d’allaiter, vous allez récupérer du temps et de l’énergie à faire circuler dans votre vie de femme. Prenez ce temps pour vous seule et pour le passer avec votre compagnon. Même si vous avez été attentifs à préserver votre intimité, ce temps retrouvé va l’enrichir et la renouveler.
Pour illustrer ce chemin qu’est le sevrage, laissons la parole au poète Khalil Gibran :
« Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et, bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. »
Qui nourrit qui ?
Laiter longtemps est un doux bonheur à deux et, dans le meilleur des cas, à trois sous le tendre consentement du père. Pendant de nombreux mois, l’allaitement est une nourriture fondamentale pour le bébé. À un moment, elle devient moins essentielle, et peut même serrer le frein de l’autonomie, de sa liberté et de son affirmation. Malgré cela, certaines mères semblent le considérer comme éternellement fondamental. Des questions, certes difficiles, peuvent se poser :
Qui nourrissent-elles par leurs seins ? Leur propre cœur, assoiffé d’amour ? L’enfant, dont la mémoire de manques et de souffrances resurgit des profondeurs et qui veut être aimé, rempli… rempli et encore rempli ? Qui ont-elles du mal à quitter ?
Il est vrai que sevrer cet enfant c’est grandir, devenir adulte, se nommer mère et rompre avec l’histoire ancienne pour en créer une nouvelle.
La melancolie du sevrage
Sevrer son enfant confronte la mère à ses peurs et à ses résistances. Une différentiation supplémentaire s’engage, qui peut déclencher chez elle des accès de mélancolie. Elle peut se sentir triste et déprimée, pleurer, râler pour un rien ou chercher la bataille pour tout. Triste de voir une étape de la maternité s’achever et râler de sentir qu’elle ne peut pas retenir son enfant. Aux prises avec son ambiguïté, elle peut même lui en vouloir de grandir, de lui échapper alors qu’elle- même a dû tant lâcher prise pour lui être disponible. Une mère aime son enfant comme elle peut aussi éprouver envers lui des sentiments agressifs. Mais nombreuses sont les mères à ne pas se permettre de les formuler, et encore moins de les dire à quelqu’un, tellement elles culpabilisent.
Elles peuvent s’être données à fond à leur enfant et, avec le sevrage, devenir brusquement exaspérées et ne plus le supporter. Comme si, sentant qu’elle a de nouveau voix au chapitre, leur liberté aliénée pendant des mois resurgissait en bloc. Tout, alors, leur devient insupportable et astreignant !
Des sentiments entremêlés
Les relations avec le conjoint peuvent dans cette période être difficiles… Le père, ayant l’impression d’être exclu de la relation mère- enfant, peut pousser sa femme à sevrer le bébé. En retour, celle-ci risque de le lui reprocher… sans forcément s’en rendre compte. Mais, au travers de la rancœur projetée sur son homme, c’est surtout contre elle qu’elle s’insurge, contre cette part masculine en elle. Cet autre pôle de sa créativité vit et réclame son droit à l’existence, mais il est si difficile à entendre !
Elle peut, en d’autres cas, blâmer son compagnon de ne pas être assez présent auprès d’elle ou de leur enfant, dans la rigueur et l’autorité que lui confère sa masculinité. Elle se sent délaissée et pas assez soutenue dans la voie du sevrage. Tous ces sentiments, bien difficiles à gérer, se mêlent et s’entremêlent, souvent dans l’obscurité de la conscience. Non extériorisées, la tristesse, l’inquiétude, la peur, l’agressivité et la culpabilité suscitées par le sevrage corrodent le caractère et peuvent le rendre mélancolique.
Faire le lien entre le sevrage et l’émotionnel
La mère et son entourage ne font pas toujours le lien entre le vécu du sevrage et l’état émotionnel dans lequel elle se trouve. La mère continue à avancer tant bien que mal.
On se dit que « tout va bien » en tassant les sentiments négatifs dans le fond, et l’entourage se raconte que « ça lui passera ». Il est si difficile pour chacun de vivre dans la réalité et non au-dessus, d’accepter de se confronter à la douleur et à la perte de l’allaitement, d’une certaine façon d’en faire le deuil, au moment même du vécu. Pleurer ce que l’on perd, c’est laisser s’échapper « en eau » ce que l’on retient quelque part « en force ». Pourquoi avons-nous si peur de pleurer, de vivre notre souffrance ? En raviverait-elle tant d’autres ? Il est pourtant parfaitement naturel qu’un sevrage puisse déclencher un état mélancolique, surtout si l’enfant en a proposé lui-même les signes .
Il est absolument vital que cet « état d’âme maternel » soit respecté, entendu et accepté.
Il faut permettre à la mère de parler, d’exprimer tous ces sentiments, qui peuvent paraître confus et saugrenus, car leur donner petit à petit une forme, une consistance, permet de les définir pour les appréhender et les dégager.
Il est parfois préférable de s’adresser à une personne de confiance avec laquelle le dialogue est possible : parents, amis, membres du personnel médical (médecin, sage-femme ou thérapeute) peuvent apporter cette écoute, composée d’amour et de tolérance, étincelle qui relance l’enthousiasme de la vie.
Vidéo : L’évolution de la mére et du couple : Au rythme de chacun
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : L’évolution de la mére et du couple : Au rythme de chacun