imaginaire comme outil de travail
Les approches dont il a été question jusqu’à présent ont des rapports différents avec l’imaginaire. La thérapie EMDR permet de raviver un imaginaire entravé, l’hypnose maximise ses pouvoirs de liaison dans une visée thérapeutique, tandis que l’imagerie mentale compte sur le pouvoir des images enracinées dans les sensations corporelles pour influencer la physiologie. La psychanalyse, pour sa part, explore les productions de l’imaginaire dans une recherche de sens. Le patient est convoqué à une sorte de voyage exploratoire de son monde intérieur où l’attention se portera principalement sur les productions psychiques qui vont apparaître tout au long du parcours. On l’invite à associer librement, c’est-à-dire à exprimer verbalement les sensations, images, fantasmes, souvenirs et rêves au fur et à mesure qu’ils se présentent à son esprit. De son côté, l’analyste se met à l’écoute de ce que le discours du patient réveille en lui sans privilégier aucun matériel en particulier de prime abord.
Une démarche psychanalytique
est une longue initiation au travail d élaboration mentale. En exposant le flot continu de ses pensées, des blocages apparaissent dans le discours du patient sous forme de résistances à la règle du «tout dire». Celles-ci permettent de repérer les nœuds conflictuels. Elles prennent différents visages dont le principal est le transfert, projection inconsciente des figures parentales sur la personne de l’analyste. Le transfert se présente comme une répétition des modalités de relation apprises durant l’enfance. Les réactions transférentielles replongent le patient dans l’état psychophysiologique qui prévalait au moment de leur mémorisation, condition essentielle pour retrouver le souvenir émotionnel perdu. Mais celui-ci ne se laisse pas démasquer si facilement. En effet, le transfert révèle de manière déguisée et « agie » ce qui a été mémorisé, mais, en même temps, il fait obstacle à la remémoration consciente et interfère par conséquent avec le processus de mise en sens parce que, on s’en souvient, l’agir est 1 antithèse de la pensée. L’analyste utilise ici sa propre capacité d’élaboration mentale pour Saisir le sens de ce qui est projeté sur sa personne et aider son patient à sortir de la répétition en faisant la distinction entre la situation actuelle et la reviviscence du passé.
Un problème particulier se pose avec les patients dont l’imaginaire est complètement bloqué. Ces personnes n’ont habituellement pas de mots pour traduire leur souffrance morale, qui s’exprime par des manifestations somatiques inaccessibles au travail psychique parce qu’elles sont coupées de leurs racines émotionnelles et a priori dépourvues de sens. Par conséquent, ces personnes ont du mal à s’engager dans une démarche basée sur la mise à jour des productions de l’imaginaire. Parce qu’elles souffrent dans leur corps, elles n’en voient tout simplement pas la nécessité et supportent mal que les effets thérapeutiques ne soient pas perceptibles immédiatement. Des modifications à l’approche s’imposent ici, car, avec ces patients, le but premier de l’analyse n’est pas la mise en sens des fantasmes répétitifs, mais plutôt l’acquisition d’un meilleur fonctionnement mental. Comme le fait remarquer Dejours (1993), dans ces cures, le corps prend une place beaucoup plus importante, autant celui du patient que celui de l’analyste. Dans l’approche traditionnelle, le travail porte surtout sur le matériel verbal accompagnant le transfert et peu d’attention est accordée au corps puisqu’on le suppose déjà présent dans les productions fantasmatiques. Dans les thérapies de personnes qui n’ont pas accès à l’émotion, on ne peut compter sur la seule verbalisation parce que, quand quelque chose les affecte dans la relation, elles n’en ont pas conscience. C’est à travers les changements corporels que le thérapeute peut détecter le trouble. Les tremblements, l’agitation, l’instabilité motrice, l’accélération ou le ralentissement du débit verbal, la sudation, la pâleur et la rougeur sont des signes d’un débordement d’excitation. Tout l’art du thérapeute consiste à savoir quand et comment utiliser ces observations pour aider le patient à apprendre à décoder le sens émotionnel de ces manifestations corporelles.
L’analyse est un travail de mise en sens des attitudes, comportements, réactions émotionnelles du patient, en particulier de ce qui le fait souffrir. Cette compréhension, dans la mesure où elle émerge d’un ressenti profond, permet de classer les événements en mémoire à long terme et de les oublier par la suite. Le patient peut alors sortir de la répétition, tourner la page sur son passé pour mieux vivre son présent et se projeter dans l’avenir. Le sens ne se trouve que si on ne le cherche pas. Il vient de l’intérieur, résulte d’une intégration des perceptions, sensations, émotions, sentiments et images, et il s’impose comme une évidence le