Crénothérapie des maladies vasculaire
La pathologie vasculaire périphérique, tant artérielle que veineuse, est une des indications traditionnelles de la crénothérapie en France. Elle concerne près de 70 000 patients, dont trois quarts pour les affections veineuses, et un quart pour les affections artérielles périphériques, ce qui la situe au troisième rang de la fréquentation globale de nos stations.
Au cours des vingt dernières années, le diagnostic et la surveillance des maladies vasculaires périphériques ont grandement bénéficié de l’essor de angiologie et de ses techniques d’exploration non invasives. Celles-ci permettent de caractériser et de quantifier les anomalies de l’hémodynamique artérielle et veineuse (écho-Doppler, pléthysmographies) ainsi que leur retentissement micro circulatoire et métabolique tissulaire (capillaroscopies, laser-Doppler, TcP02). En complément de l’évaluation clinique, elles ont permis la mise en évidence des effets des traitements thermaux, le perfectionnement de leurs techniques d’application, et raffinement des indications.
Pour le traitement des affections artérielles, la nature chimique des eaux met en exergue, aux côtés de la thermalité, l’intérêt de la carbothérapie qui fait I objet d’un consensus international. Pour les affections veineuses chroniques, c est surtout un application rigoureuse des principes physiques de l’eau (température et pression hydrostatique) qui conditionne l’activité. Dans les deux groupes d affections, la cure thermale est aussi un haut lieu d’éducation et de motivation du patient dans la lutte primordiale contre les facteurs de risque et l’acceptation de thérapeutiques parfois contraignantes (marche, contention).
La crénothérapie est un complément thérapeutique utile en pathologie vasculaire chronique, comme le montrent les résultats des évaluations thérapeutiques et des enquêtes épidémiologiques publiées, tant dans arthropathie oblitérant des membres inférieurs et le syndrome de Raynaud que dans l’insuffisance veineuse chronique.
Traitement thérmal des affections vasculaires artérielle: La carbothérapie
Lindication sécurité sociale de traitement des maladies cardio-artérielles (MCA) s’adresse en fait aux affections vasculaires artérielles périphériques chroniques comme l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et le syndrome de Raynaude . La prévalence de l’AOMI est estimée
entre 1 et 2 % de la population générale; celle-ci augmente rapidement avec l’âge et son coût est élevé surtout s’il y a recours à la chirurgie et à l’amputation. Pour le phénomène de Raynaud, la prévalence s’inscrit entre 5 et 20 % selon les régions, en fonction du climat; 1 patient sur 10 est porteur d une maladie sous-jacente sévère telle que la sclérodermie systémique.
En complément de leur traitement étiologique, ces pathologies chroniques sont de bonnes indications de la carbothérapie thermale, technique thérapeutique originale dont le principe actif est le dioxyde de carbone contenu dans le gaz thermal.
L’évaluation de la carbothérapie thermale a fait l’objet de nombreux travaux [16] au sein de structures scientifiques internationales : Y International College of Carbon Dioxyde Sciences, Fribourg en Brisgau (Allemagne), le 12 janvier 1997, la Chaîne carbothermale européenne, Royat (France), le 23 juin 1997, et la Society of Study of Artificial Carbon acid Springs à Yamanashi (Japon), le 17 avril 1998.
Validation des techniques de soins : effets physiologiques et thérapeutiques
Ces effets ont été évalués pour chaque technique de soin et globalement. L’insufflation sous-cutanée de gaz thermal a permis de réaliser une grande partie de la recherche fondamentale [9, 18].
Chez l’animal, une insufflation de 600 mL sous la peau de la cuisse postérieure du chien narcosé multiplie par deux le débit artériel fémoral. Cette augmentation se prolonge pendant quarante minutes et cela sans modifier l’hémodynamique cardiaque. Parallèlement, au niveau de la veine fémorale voisine, est mesurée une augmentation significative de la pression partielle en oxygène. Ce même effet physiologique a été mesuré chez l’homme normal au niveau de la veine humérale, lors d’une injection au niveau de l’avant-bras. Chez l’artériopathe l’injection sous-cutanée isolée au niveau d’une cheville entraîne une chute locale des résistances périphériques qui se traduit par une augmentation de l’amplitude des pulsations artérielles. Cette augmentation est statistiquement significative [2], Ces premiers résultats ont permis de préciser la cible, le muscle vasculaire artériel, et son mode d’action, la vasodilatation.
Les bains d’eau carbo-gazeuse ont été évalués selon la méthode des essais thérapeutiques du simple aveugle, en faisant varier les facteurs modulables [19, 24]: température, durée d’application et surtout concentration en dioxyde de carbone (C02). Ces études ont été réalisées chez le sujet sain puis chez le malade.
L’évaluation de la diffusion transcutanée du dioxyde de carbone est réalisée par la méthode des échanges gazeux. Cette diffusion s’effectue selon la loi rlao rvrorliontc ot i’Vct à nnrtir H’nnp nrpsçirm nartielle, en CO2 , (PCO2) du bain de 70 mmHg qu’il y a pénétration transcutanée. Cette diffusion est maximale pour une concentration en PCO, de 688 mmHg (1 800 mg/kg) [3, 5],
Les bains de gaz sec ont été évalués [3, 20] en double aveugle (gaz thermal versus air) dans deux situations : sur peau sèche et sur peau préalablement humidifiée. Ainsi, la diffusion transcutanée du CO, est optimale et voisine de 30 ml/min sur peau préalablement humidifiée, alors qu’elle est très faible sur peau sèche.
La balnéothérapie active a aussi été quantifiée par étude randomisée et a permis de majorer significativement l’amélioration clinique des patients 161 par rapport aux témoins.
Après avoir quantifié le débit de CO, au travers de la peau, il a été mesuré son impact sur le débit vasculaire artériel.
Cette étude a été réalisée dans des conditions optimales d’administration (selon la technique du bain de gaz sec, sur peau préalablement humidifiée), après tirage au sort en double aveugle (gaz thermal versus air) chez le suiet sain et chez le malade [23].
La technique de l’écho-Doppler puisé, chez le sujet sain, a permis de quantifier, au niveau des artères humérales, une augmentation significative, proportionnée, du débit sanguin musculaire et cutané après exposition au gaz thermal intérieur du sac plastique. Chez le malade artériopathe, des résultats identiques ont été mesurés sur le débit artériel fémoral après exposition au gaz thermal (ce débit passe de 119 à 147 mL/min) alors que celui- ci n’est pas modifié avec le placebo. B. Hartmann [17] rapporte les mêmes résultats après une épreuve d’hyperhémie réactionnelle à l’issue d’un bain et après 24 jours de traitement.
Corrélativement, lors de l’exposition au gaz thermal, sont observées une augmentation significative de la pression artérielle systolique de cheville et une élévation significative de la pression partielle tissulaire en oxygène (TcP02), mesurée au niveau du pied f 17, 23]. La durée du soin doit être d’au moins 20 minutes pour mesurer un accroissement significatif de la PO, transcutanée. La température du bain est thermo-indifférente (34-35 °C)
119], La thermographie par infrarouge pratiquée chez des artériopathes tirés au sort par une table de hasard met en évidence une augmentation significative du réchauffement cutané [1],
Ces résultats témoignent de l’effet vasodilatateur local du dioxyde de carbone naturel contenu dans le gaz thermal sur l’ensemble du lit vasculaire [4, 7], Ainsi, la mise en commun des résultats réalisés par l’ensemble des chercheurs [4, 7, 8, 10, 11, 22, 25] a permis de valider les effets physiologiques et thérapeutiques de la carbothérapie thermale pour des applications précises du produit [16],
Validation des effets thérapeutiques : essais cliniques
L’évaluation clinique de la carbothérapie thermale a été réalisée à court et à
Dans une étude prospective contrôlée non randomisée concernant l’artériopathie des membres inférieurs [12, 13], un groupe de curistes a été comparé à un groupe d’artériopathes non curistes, habitant la région de Clermont-Ferrand.
Ces patients ont été explorés à vingt jours d’intervalle, deux années consécutives, selon le niveau lésionnel et l’existence éventuelle d’un flux diastolique sur les courbes vélocimétriques Doppler. Ce travail a permis de montrer que le traitement thermal de Royat augmente de façon statistiquement significative le périmètre de marche (distance initiale et totale de claudication); cette amélioration clinique est associée à une augmentation significative des index de pression systolique et le temps de récupération est statistiquement raccourci, cela quel que soit le niveau lésionnel de l’artériopathie. Ces modifications sont mesurées à l’issue de chaque traitement thermal et, statistiquement, le gain persiste d’une année sur l’autre. La population d’artériopathes contrôlés en l’absence de cure thermale est restée stable pour tous les paramètres mesurés.
Un essai randomisé a été réalisé par B. Hartmann en 1997 [17] pour comparer des bains d’eau carbo-gazeuse versus eau du robinet pendant 24 jours : il existe chez le groupe d’artériopathes recevant la carbothérapie une augmentation statistiquement significative du débit local, de la réponse à l’hyperhémie réactive et de l’oxygénation tissulaire. Ces variations sont corrélées à une augmentation des distances de marche.
Le suivi d’une cohorte de 600 patients sur 15 ans (3 perdus de vue) [14], artériopathes du stade II suivis à Royat, a permis de montrer un moindre recours à la chirurgie des membres inférieurs chez les patients ayant réalisé un nombre plus élevé de traitements par carbothérapie thermale en étant au même stade de gravité à l’inclusion dans l’étude.
La balnéothérapie active a été évaluée par étude randomisée [6]. Celle-ci majore significativement l’amélioration clinique des patients et les paramètres vasculaires mesurés.
Le traitement du syndrome de Raynaud par carbothérapie (24 jours) a fait l’objet d’un essai randomisé [21] : les résultats montrent une augmentation statistiquement significative du débit local pour 40 %, de la vasomotricité et de la vasomotion pour 30%. L’amélioration clinique se traduit par une diminution statistiquement significative du nombre de crises et de leur intensité. Un effet rémanent est mesuré à 3 mois. Cet essai est actuellement complété par un essai randomisé en double insu mené à Royat afin d’évaluer 9 jours versus 18 jours de carbothérapie thermale. Les résultats préliminaires de ce travail montrent une meilleure adaptation à un test au froid standardisé [15]. Pour l’ensemble du groupe a été mesurée une augmentation significative de la température digitale en fin de test (gain: +2° C ) et du taux de réchauffement ( gain : + 50 %).