Ces rêves obscurs et troublants
De tout temps, le rêve a fasciné les humains qui ont cherché à en percer le sens. Les oracles lui prêtaient des dons prémonitoires et le croyaient porteur de messages cryptés dictant des règles de conduite ou avertissant d’un danger potentiel. Comme il est souvent rempli de symboles, des dictionnaires d’interprétation ont été dressés, supposément applicables à tous comme des vêtements prêts-à-porter. Pourtant, la signification des rêves ne se laisse pas appréhender si facilement. Le rêve est un phénomène subjectif, personnel, et son interprétation ne peut pas se passer des associations du rêveur. Parce que les images du rêve ne se créent pas suivant les mêmes règles que celles de la pensée consciente, leur analyse demande un entraînement qui ne peut se faire qu’avec l’aide d’une personne qui y a été initiée, comme un psychanalyste ou un psychothérapeute.
Freud faisait de la levée du refoulement l’objet principal de la cure analytique et concevait l’interprétation du rêve comme l’outil par excellence pour y parvenir. En invitant le rêveur à associer librement à partir des éléments de son rêve, un sens caché se construit progressivement et aide la personne à prendre conscience de ce qui la perturbe et la motive à son insu. Si l’interprétation du rêve permet d’enrichir la connaissance de soi, dans une optique
psychosomatique, la fonction homéostatique du rêve ne dépend pas de sa compréhension. C’est par sa fonction de liaison qu’il participe aux processus de guérison. L’activité onirique contribue en elle-même à offrir une issue psychique à la tension physique, que l’on décode ou non le sens du rêve. La seule présence du rêve témoigne d’une « pensée qui soigne » active et créatrice ; à l’inverse, l’absence de rêve accuse son dysfonctionnement, son inhibition ou son blocage.
Certaines personnes sont fortement troublées par les pensées, les images et les émotions présentes dans leurs rêves au point d’avoir parfois de la difficulté à s’abandonner au sommeil de peur d’y être confrontées. Si elles craignent à ce point leurs rêves, c’est souvent parce qu’elles les considèrent comme tout à fait réels, et en même temps étrangers à elles-mêmes. Pourtant, le rêve n’est pas une traduction exacte de la réalité extérieure, mais une production de l’imaginaire constituée d’images symboliques à ne pas prendre au pied de la lettre. S’il emprunte les mots de la réalité, ceux-ci y prennent un autre sens. Comme on l’a vu, les images déforment la réalité en condensant une foule d’informations où se mêlent pensées, émotions et sensations issues de la veille avec des éléments provenant de la mémoire psychique, le tout agencé non pas rationnellement, mais selon une logique émotionnelle qui échappe en grande partie à la conscience. Comme le souligne Crombez (2007a), la peur des pensées du rêve va souvent de pair avec un blocage de l’imaginaire, l’individu se montrant incapable de différencier les représentations mentales de la réalité objective, encore moins de jouer avec elles.