Anticancer : L’importance du « terrain »
Mes confrères tibétains le reconnaissent volontiers : la médecine occidentale qui traite une maladie donnée par une intervention ou un médicament précis est superbement efficace dans les états de crise. Tous les jours, elle sauve des vies grâce à une opération pour une appendicite, à de la pénicilline pour une pneumonie, à de l’épinéphrine pour une réaction allergique aiguë…
Mais elle révèle rapidement ses limites dès qu’il s’agit de maladies chroniques. L’exemple de l’infarctus est sans doute le plus frappant. Une patiente arrive aux urgences au bord de la mort – pâle, suffoquant, la poitrine écrasée par la douleur, L’équipe médicale, guidée par des années de recherche de pointe sur des dizaines de milliers de patients, sait exactement quoi faire : en quelques minutes, l’oxygène coule à flot daim les canules nasales, la trinitrine dilate les veines, un bêta-bloquant ralentit la fréquence cardiaque, une dose d’aspirine empêche la formation de caillots additionnels, et la morphine soulage la douleur. En moins de dix minutes, la vie de cette femme a été sauvée. Elle respire normalement, elle parle à sa famille, et on la voit même sourire. C’est là le miracle de la médecine dans ce qu’elle a de plus spectaculaire, et de plus admirable aussi.
Et pourtant, au-delà de cette réussite éblouissante, la maladie elle-même – l’obstruction progressive par des plaques de cholestérol des artères coronaires en proie à une inflammation chronique – n’a pas été touchée par l’intervention des médecins urgentistes. Même la pose d’un « stent », cette prouesse technique qui consiste à placer un petit tube à l’intérieur de l’artère coronaire bouchée pour rétablir le flux sanguin, ne protège pas suffisamment des rechutes. Pour les éviter durablement, il faut changer le terrain : corriger son alimentation, modifier son attitude mentale, et renforcer son organisme par l’exercice.
Les découvertes récentes sur les mécanismes de développement du cancer nous mènent à une conclusion similaire. Le cancer est la maladie chronique par excellence. Il est peu probable que nous puissions le juguler en focalisant tous nos efforts sur les techniques de traitement des tumeurs. Il faut, là aussi, soigner en profondeur le « terrain ». Les approches qui renforcent les mécanismes de défense du corps sont tout à la fois des méthodes effectives de prévention et des contributions essentielles au traitement. Parce qu’elles tablent sur les processus naturels, elles dissolvent la frontière entre prévention et traitement. D’une part, elles empêchent les micro tumeurs dont nous sommes tous porteurs de se développer (prévention), et de l’autre elles démultiplient les bénéfices obtenus par la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie (traitement).
Chacun connaît des personnes qui ont eu un cancer – parfois très grave – mais dont la tumeur a régressé grâce au traitement et qui vivent normalement depuis. On détecte parfois la présence sur leurs scanners d’une tumeur dont la taille a diminué. D’une manière ou d’une autre, les défenses naturelles de ces personnes tiennent maintenant la maladie en respect et l’empêchent d’interférer avec leur santé. Comme l’écrit dans la revue Nature Judah Folkman, le grand découvreur de l’angiogenèse, ces personnes portent « un cancer sans être malade ».
René Dubos, un chercheur français qui a fait toute sa carrière à l’université Rockefeller de New York, est considéré comme l’un des plus grands penseurs de la biologie du xxe siècle. Après avoir découvert le premier antibiotique utilisé médicalement, il devint un ardent défenseur de l’écologie à cause de l’interdépendance qu’il avait observée entre les organismes vivants et leur environnement. La phrase mise en exergue en tête de ce livre et qui a ouvert le chemin que nous venons de faire ensemble fut écrite à la fin de sa carrière :
« J’ai toujours pensé que le seul problème de la médecine scientifique c’est qu’elle n’est pas suffisamment scientifique. La médecine moderne ne deviendra vraiment scientifique que lorsque les médecins et leurs patients auront appris à tirer parti des forces du corps et de l’esprit qui agissent via le pouvoir de guérison de la nature. »
De ce point de vue, nous sommes paradoxalement victimes des formidables succès de la médecine occidentale : la chirurgie, les antibiotiques, la radiothérapie sont des avancées extraordinaires, mais qui nous ont fait oublier le pouvoir de guérison propre au corps. Or, il est possible – j’espère vous en avoir convaincu – de bénéficier à la fois des avancées de la médecine et des défenses naturelles du corps.
Vidéo : Anticancer : L’importance du « terrain »
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