La complexité des systèmes de défense
Il semble bien difficile de maîtriser parfaitement tous les éléments de la nutrition préventive ; cependant, nous avons à notre portée une parade nutritionnelle d’une certaine efficacité pour réduire l’incidence des cancers comme celle de bien d’autres pathologies. Comme pour le vieillissement, ou pour certaines maladies, un apport raisonné d’énergie bien environné de micronutriments favorise le fonctionnement optimal de l’organisme et facilite l’action des différents systèmes de défense.
Les relations entre immunité et nutrition sont particulièrement intéressantes à considérer, qu’il s’agisse des défenses de l’organisme contre les agents pathogènes ou de la lutte contre les cancers, mais cette dernière problématique est encore mal connue. On a pu observer depuis longtemps que les phases de sous-alimentation s’accompagnent d’une surmortalité importante, notamment infectieuse. Il est bien établi par exemple que des déficiences protéiques dépriment la réponse du système immunitaire. La nature et la quantité des lipides ingérés qui influencent la fluidité membranaire ou la production de médiateurs sont directement impliquées dans les processus inflammatoires ou dans la qualité des réponses immunitaires. Des apports déséquilibrés en acides gras essentiels peuvent ainsi altérer les réponses immunitaires.
Depuis environ vingt ans, les recherches ont été focalisées sur l’influence de certains micronutriments spécifiques. Il a été démontré que des déficits spécifiques en vitamines B6, B9 et B12 entraînent des déficiences immunitaires importantes, portant surtout sur l’immunité à médiation cellulaire. Un bon statut en vitamine A conditionne la résistance aux infections mais influence aussi la réponse immunitaire tumorale. Les effets généraux de la vitamine C sur le renforcement du système immunitaire sont reconnus et sans doute potentialisés par l’apport de vitamines E ou d’autres phytomicronutriments. On comprend très bien que les oligo-éléments (fer, cuivre, zinc, sélénium) qui jouent un rôle dans la lutte contre les radicaux libres ou dans le métabolisme cellulaire soient impliqués dans le fonctionnement des réponses immunitaires.
Une alimentation de qualité, avec une composition en énergie et en micronutriments équilibrée, exerce de nombreux effets protecteurs en optimisant le métabolisme cellulaire et le fonctionnement des organes. Ce rôle de facilitation de la nutrition sur l’organisme n’a pas été assez mis en valeur dans nos sociétés modernes ou a été détourné au profit d’intérêts mercantiles à l’aide de messages réducteurs. Malgré la très grande diversité de nos patrimoines génétiques et les inégalités qui en résultent devant la nourriture et les risques de pathologies, la nutrition préventive offre de toute façon un bénéfice réel même s’il ne peut être complet.
Bien que la nature et les effets des divers éléments impliqués dans la prévention nutritionnelle ne soient pas toujours bien définis, nous avons un recul suffisant pour émettre des recommandations sûres. Les consignes nutritionnelles ne sauraient être perçues comme une contrainte, l’équilibre alimentaire étant basé sur des choix complémentaires plutôt que sur des restrictions. Les risques entraînés par le discours des nutritionnistes doivent aussi être pris en considération : s’il provoque des perturbations psychiques (obsession des calories, de la prise de poids, de la diététique, recherche systématique d’une protection), s’il entraîne des bouleversements culturels inutiles, s’il est à l’origine du développement peu justifié de certains produits. À côté de ces risques inhérents à tout progrès humain, combien d’hommes et de femmes verraient leurs conditions de vie et de santé améliorées par une meilleure alimentation. Pour beaucoup, la malnutrition est surtout induite par le sous-développement ou la précarité. Dans les pays occidentaux, il est regrettable que les problèmes nutritionnels puissent résulter d’une approche trop mercantile. Il est dommage que les politiques nutritionnelles de santé publique souvent trop débutantes ne permettent pas de contrecarrer efficacement certaines dérives de la chaîne alimentaire.