Les voies de consciences du corp
La végétothérapie de Wilhelm Reich
Wilhelm Reich peut être considéré comme le précurseur de la plupart des thérapies corporelles. Né en Autriche au début du siècle, le professeur Reich, fervent admirateur de Freud, entre à l’Association psychanalytique internationale à l’âge de 23 ans. Il empruntera cependant sa propre voie, accordant une place privilégiée au corps et à la sexualité génitale dans la compréhension des névroses. Ce dissident contestera l’universalité de la méthode de libre association caractérisant la cure psychanalytique, observant que bon nombre de patients n’y ont pas accès tant qu’un travail corporel diminuant la rigidité de ce qu’il appelle la «cuirasse musculaire» n’a pas été effectué. Tout cela le conduira à son exclusion du cercle freudien.
La gymnastique de Moshe Feldenkrais
Israélien d’origine russe, Moshe Feldenkrais est à l’origine d’une méthode gymnastique mondialement connue, dont les principes ont été développés dans son livre La Conscience du corps (1971). Passionné de neurologie, auteur de plusieurs ouvrages sur le judo et les techniques d’autodéfense, le but de la gymnastique qu’il propose est la découverte de son corps pour être plus efficace, mieux armé pour affronter le monde en acquérant une image positive de soi-même .
L’eutonie de Gerda Alexander
La Danoise Gerda Alexander est à l’origine de l’eutonie (littéralement, «bon tonus»), une méthode dont l’idée de base est que les mouvements de la vie quotidienne peuvent être effectués avec un minimum d’énergie et un maximum d’efficacité. L’eutonie a trouvé des applications dans la rééducation d’enfants handicapés, d’individus pratiquant le sport ou la danse, de personnes souffrant de pathologies neurologique, orthopédique ou post traumatique. Il s’agit d’apprendre à redécouvrir ses gestes «naturels», noyés dans une gestuelle automatique, acquise et inadaptée. L’eutonie passe par la réalisation de mouvements exécutés avec suffisamment de lenteur pour que se développe la conscience du corps et par un travail sur les tensions qui bloquent la respiration. Son but est donc d’acquérir la capacité à trouver, en toutes circonstances, le tonus adéquat : au repos, relaxation maximum des muscles, à l’effort, utilisation du minimum d’énergie.
Dans l’univers des thérapies corporelles, les pionniers de ces nouvelles approches sont souvent des femmes qui ont passé une partie importante de leur vie à chercher les moyens, soit de s’affranchir elles-mêmes d’une maladie invalidant leur mobilité, soit de venir en aide à un de leurs proches.
Le rolfing d’Ida Rolf
Tel est le cas de la biochimiste californienne Ida Rolf, amenée à inventer l’intégration structurale ou «rolfing» pour tenter de guérir son fils. Le rolfing cherche à lever les entraves qui bloquent les énergies corporelles en rétablissant la mobilité des fascias, ces tissus conjonctifs qui entourent chaque muscle. Sous l’effet des traumatismes réels et symboliques de l’existence, les fascias, selon Ida Rolf, perdent leur finesse et leur élasticité pour durcir, se coller entre eux ainsi qu’aux muscles qu’ils entourent. Le rolfing se présente comme une méthode de massage qui vise, en une dizaine de séances, le décollement de tous les fascias, des plus superficiels aux plus profonds. Ce n’est qu’une fois les fascias décollés et glissant librement l’un sur l’autre que les articulations pourraient retrouver leur emplacement optimal et leur pleine mobilité et les muscles leur souplesse et leur longueur.
La kinésithérapie méziériste
Suivant le principe fondamental du travail kinésithérapique promu par Françoise Mézières, pratiquement toutes les déformations corporelles peuvent s’expliquer par le raccourcissement de la musculature postérieure du corps humain.
Les muscles de l’arrière du corps (plante des pieds, mollets, fesses, dos, nuque et arrière du crâne) seraient surdéveloppés et contracturés chez la plupart d’entre nous, déformant le corps de mille manières.
Les muscles postérieurs, observe Françoise Mézières, sont en plus grand nombre et ont plus d’insertions sur les os que les muscles du devant du corps. Ils forment une chaîne continue, du sommet du crâne jusqu’au bout des pieds : cette construction fait que l’ensemble des muscles postérieurs se comporterait comme un seul muscle.
La musculature du devant du corps, composée de muscles antagonistes des muscles de l’arrière, ne peut, quant à elle, que se ramollir. Lordose, cyphose, scoliose, genu valgum, pieds plats, pieds creux, proviendraient, selon la conception méziériste, d’un surdéveloppement de la musculature postérieure.
Pour les méziériste, les tensions postérieures peuvent lâcher et le corps possède une forme, non pas «fixée» mais malléable et modifiable. Tel est le fondement de la thérapie mise en œuvre par ces kinésithérapeutes, approche porteuse d’espoir pour de nombreuses personnes qui se voyaient condamnées à bouger dans la sphère restreinte des limites décrétées par la médecine et la kinésithérapie traditionnelles.
Les séances de kinésithérapie méziériste font appel à une participation active du patient et durent de une à deux heures, selon les praticiens.
La guérison selon Bertherat
La conception du rapport entre un individu et ses déformations physiques défendue par Thérèse Bertherat est tout originale. Selon ce thérapeute l’individu «cause lui-même» ses distorsions corporelles. Pousse-t-on tordu «exprès» ? Thérèse Bertherat considère le patient comme acteur de ses déformations, fabriquées depuis l’intérieur du corps, mais également comme acteur principal de son traitement. «Reconnaître qu’on a pu se déformer, explique-t-elle, c’est reconnaître aussi qu’on a le pouvoir, avec l’aide d’une technique adéquate et si on s’aime suffisamment, de se guérir». Il s’agit de se voir autrement que comme une victime malchanceuse. Si des bouleversements émotionnels en sont l’origine, il est toujours possible de retrouver un nouvel équilibre psychique avec son corps. Pour Thérèse Bertherat, seule la confrontation avec soi-même peut donner accès à la guérison et il est vain de chercher réparation uniquement auprès de la famille ou de la société.