La bosse des maths existe-t-elle?
Cette question est issue des travaux de Franz Josef Gall (1758-1828), fondateur de la phrénologie : « L’art de reconnaître les instincts, les penchants, les talents et les dispositions morales et intellectuelles des hommes et des animaux par la configuration de leur cerveau et de leur tête. » Cette pseudo-science prétendait en effet que la forme du crâne était en relation intime avec l’intelligence et les comportements de chacun. Une bosse sur le front était ainsi l’élément patant de l’aptitude aux mathématiques. De même, la violence était prouvée par une autre
déformation du crâne. Gall identifia de la sorte trente-sept « organes » ou protubérances – les « bosses » -, chacune étant associée à un trait de caractère, qu’il se faisait fort de repérer moyennant une simple palpation. On voit ainsi que la théorie de la prédétermination des comportements et des aptitudes ne date pas de la génétique!
Qu’en est-il exactement? Il semble que la capacité à dénombrer, à faire des comparaisons entre des quantités soit propre à l’être humain, et peut-être aussi aux grands singes. Dès leur septième mois, par exemple, les bébés de toute culture sont capables d’associer les visages et leurs voix. En revanche, la manipulation de nombres et la résolution d’opérations abstraites seraient fonction de la culture de chaque peuple. La bosse des maths relèverait donc à la fois de l’inné et, surtout, de l’acquis.
Dans chaque culture, certains individus se distinguent de la moyenne. Sont-ils génétiquement programmés pour comprendre l’incompréhensible, pour naviguer avec facilité dans le monde purement théorique des maths ? Absolument pas. On n’hérite pas d’une intelligence. Pas plus qu’elle n’est monolithique: il existe des « intelligences », des façons différentes d’appréhender le monde afin de le mettre en équation et d’imaginer ses fonctions cachées, en le conceptualisant.
Ces intelligences (ou dons) n’apparaîtront pas si elles ne sont pas repérées et sollicitées dès l’enfance. Un enfant qui a des capacités à extrapoler n’en saura rien s’il est privé d’un environnement familial favorable, ou si le mode d’apprentissage de l’école est trop différent du sien. Un don doit être repéré tôt. Il ne doit pas rester caché, voire devenir un handicap au sein de la société.
Une intéressante observation scientifique a pu être menée sur l’exercice du calcul, grâce à Rudiger Gramm. Ce prodige des maths a en effet accepté d’être observé par des chercheurs au moyen d’un scanner à tomographie d’émission par positions (PET-scan). On s’est alors aperçu que, contrairement à tout un chacun, lorsqu’il calcule, Rudiger Gramm, non content de solliciter les zones du cerveau dévolues à la mémoire immédiate, fait aussi appel aux zones responsables de la mémoire à long terme. Sans doute stocke-t-il ainsi, sans le savoir, les résultats intermédiaires des opérations complexes quon lui demande d’effectuer. Rudiger Gramm avoua tout de même qu’il s’entraînait quotidiennement depuis ses 20 ans, âge auquel il découvrit son don. Tout comme pour la mémoire, en matière d’intelligence, l’apprentissage compte donc plus que les aptitudes…