La santé au bout des doigts : les techniques de Lawrence Jones
La dysfonction articulaire n’a pas pour seule origine un blocage mécanique. Le muscle prend une part prépondérante dans l’orga-nisation du dérangement intervertébral. Les travaux de Korr sur les propriocepteurs (voir chapitre X) avaient prouvé le lien neuro-musculaire de la «lésion ostéopathique ». D’ailleurs, de nombreuses méthodes qui prétendent agir sur le muscle se servent des propriétés de la fibre musculaire pour corriger les déséquilibres locaux ou plus généraux. Le Dr Lawrence Jones a développé et enseigné le résultat de ses recherches dans ce domaine. J’ai reçu l’enseignement de ce confrère voici de nombreuses années.
J’applique quotidiennement cette merveilleuse méthode à la plus grande satisfaction des patients qui souffrent d’une manière aiguë, de ceux qui ont peur des manipulations, principalement au rachis cervical, de ceux qui présentent des contre-indications objectives aux gestes manipulatifs. Les techniques employées sont fines. Elles imposent d’utiliser la subtilité du toucher par la pulpe des doigts, d’établir un « visuel anatomique de référence », et un « positionnel biomécanique de référence » : il faut voir l’anatomie et la bio-mécanique dans l’espace.
Lawrence Jones définit ainsi sa méthode : « Il s’agit de soulager les douleurs articulaires ou vertébrales en plaçant passivement l’articulation dans sa position de confort maximal, c’est-à-dire de tension myofasciale minimale. » il ajoute : « C’est une dissipation des douleurs en diminuant puis en arrêtant l’activité inadéquate des propriocepteurs.
Ceci est accompli en raccourcissant notablement le muscle qui contient le fuseau neuromusculaire irrité, par mise en tension légère de ses antagonistes. »
La pulpe des doigts part à la recherche des points sensibles (points « triggers » ou points gâchettes) situés en profondeur dans le muscle, le tendon, le ligament ou les fascias. Il faut maintenir le doigt sur le point détecté pour évaluer la variation de sa sensibilité, pendant que l’autre main oriente le patient vers la position de confort et de relâchement. Il y a deux témoins pour vérifier le suc-cès de la technique : le patient qui ressent et le praticien qui sent. L’échange est permanent, la progression lente et ajustée.
Les points sensibles ou points de tension sont présents à la face postérieure, tout le long de la colonne vertébrale, à la face antérieure, sur le thorax, à la tête et la face, aux membres supérieurs et inférieurs. Ils sont associés à des tableaux cliniques fonctionnels que connaissent bien les ostéopathes, mais surtout ils intègrent l’élément musculaire dans la dysfonction, ce qui autorise une plus grande liberté d’approche de la pathologie. Cette méthode est applicable dans le traitement des céphalées, des pseudo-vertiges, des sinusites, des douleurs cervicales, des douleurs de l’épaule, des gastrites, des dysfonctionnements intestinaux, etc. Est-il nécessaire de rappeler qu’il n’y a pas de règle du succès thérapeutique, mais qu’il existe des constantes de l’échec thérapeutique : mauvaise technique et mauvaise indication.
Les techniques de fascias:
Les ostéopathes qui pratiquent les techniques de fascias s’appuient sur la biomécanique de l’appareil locomoteur, l’anato- mie. On peut y associer la théorie cranio-sacrale du mécanisme res-piratoire primaire. Les mouvements des fascias, enveloppes qui protègent, s’effectuent par rapport à l’axe longitudinal d’un membre ou par rapport à l’axe médian du tronc. Ce sont des enroulements, ou des redressements, produits de tensions périphériques. Leur centre serait situé dans le diaphragme. Ainsi, parmi ses nombreuses fonctions reconnues, signalons au passage celle du point d’équilibre des enveloppes protectrices. Il est donc légitime que le diaphragme soit au cœur de nombreuses disciplines d’éducation corporelle, de circulation énergétique, depuis la nuit des temps.
Enroulements et redressements s’accompagnent de mouvements plus complexes et de positions que l’on retrouve à l’examen clinique. Une situation fréquemment rencontrée est celle des torsions croisées de fascias que l’on diagnostique au vrillage antérieur et postérieur observé chez le patient. Que ce soit en situation statique ou en position couchée sur le dos, la rotation spontanée d’un membre par rapport à l’autre est une évidence clinique. En station debout, les torsions-girations sautent aux yeux lors de l’examen clinique. Dans la tradition ostéopathique qui se réfère aux lois de la biomécanique de H.H. Fryette, l’analyse des dysfonctions sera reprise et complétée par celle du mécanisme respiratoire primaire (MRP). Un autre courant s’appuie essentiellement sur le concept cranio-sacral.
Les notions de fascias, l’intégration de leurs techniques dans la pratique ostéopathique, ont été laissées à l’écart pendant très long-temps. Et, pourtant, Still mentionnait déjà leur rôle et leurs indica-tions. À l’évidence, un lien mécanique, physiologique et clinique peut être établi par l’intermédiaire des fascias. Il permet de mieux saisir le chapitre des troubles de la posture, des asymétries statiques et dynamiques, des syndromes cliniques touchant des articulations périphériques sans lésion organique objective.
Ces torsions de fascias sont si puissantes qu’elles perturbent la circulation générale et locale, jusqu’à provoquer le « grippage » de la fonction de certains organes. P. Chauffeur et le Dr J.-M. Guillot ont mis au point une démarche clinique et thérapeutique dans laquelle de nombreux tests manuels permettent d’évaluer les tensions des fascias. Cette procédure clinique demande une grande expérience. Elle allie comme toujours l’observation sémiologique fine à la palpation et au mouvement que l’opérateur imprime. Les techniques de correction manuelle présentent l’originalité d’être à « haute vélocité et faible déplacement » (technique à ressort).
Le principe en est simple : accumuler une énergie potentielle sur un point précis — et la libérer lors de la manœuvre. De tout façon, il s’agit toujours de localiser un point d’appui, un sens pour orienter la force, et une force. On peut aussi se contenter de l’application d’une force à pression constante suivant le meilleur plan correcteur du fascia et même, lorsqu’il s’agit de la région thoraco-abdo- mino-pelvienne, d’utiliser la respiration.
Les techniques de fascias ne constituent pas une thérapeutique en elles-mêmes, sauf face à des pathologies où la somme des contre-indications est telle qu’elles excluent toute autre approche. Dans les pathologies chroniques où les récidives sont fréquentes, il suffit de reprendre l’examen clinique pour se rendre à l’évidence de l’implication des fascias dans le processus. Il faut donc les conjuguer avec toutes les autres techniques ostéopathiques lorsque cela s’impose.
Les techniques particulières:
Fondées sur l’une des définitions de la doctrine ostéopathique qui caractérise la maladie, elles sont le fruit de la réflexion conduite par certains ostéopathes pour une approche originale de la pathologie. La maladie est l’expression de désordres qui touchent les grands systèmes d’équilibre, mais au sens ostéopathique elle traduit la rupture d’équilibre entre les trois liens neurologique, mécanique et fluidique.
Pour traiter certaines maladies, des cliniciens tentent de mettre en place des procédures thérapeutiques et techniques susceptibles de modifier significativement certains paramètres, biologiques ou autres, en utilisant des techniques ciblées sur une ou des fonctions. Par exemple, une séquence manipulation viscérale-foie-rate et pression-vidange appliquée sur la région thoracique antéro- supérieure recherche une action contrôlée et contrôlable sur la réponse immunitaire. Une autre séquence utilise certains arcs réflexes au départ du rachis, selon une procédure établie, pour « remettre les fusibles » chez des patients qui présentent des dystonies neurovégétatives ou chez les spasmophiles. Des cliniciens ont mis au point une séquence qui s’adresse aux dysfonctions
hormonales chez la femme, à certaines hypo-fertilités, avec des techniques viscérales et des ajustements, des techniques viscérales et crâniennes. Citons encore les séquences liées à certaines hyperten-sions artérielles modérées ou à des pathologies du retour veineux. De l’empirisme, comme toujours, à la mise en œuvre d’études cli-niques et thérapeutiques, le chemin reste à parcourir malgré l’intérêt que suscitent ces techniques particulières chez les praticiens et les succès enregistrés. L’application du concept ostéopathique dans le traitement de certaines maladies graves pourrait trouver sa place dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire.
Vidéo : La santé au bout des doigts : les techniques de Lawrence Jones
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