Vivre cent ans
Certains sont obèses, d’autres n’ont jamais arrêté de fumer et pourtant tous font de vaillants centenaires. Leur secret de longévité ? Ils ont la chance de posséder certains gènes qui retarderaient l’apparition des pathologies liées au vieillissement, comme les maladies cardio-vasculaires ou le diabète. C’est ce qu’a découvert le professeur Nir Barzilai, du collège de médecine Albert-Einstein de New York, en étudiant cinq cents Juifs ashkénazes américains âgés de 95 à 112 ans. Des travaux qui devraient déboucher avant une dizaine d’années sur une pilule censée reproduire les bénéfices de ces fameux gènes protecteurs.
Les personnes concernées par l’étude ne sont pourtant pas toutes des modèles de vie saine. Un tiers sont obèses et 30 % d’entre elles sont restées accros à la nicotine jusqu’à 95 ans. « Cette population est protégée de l’environnement par son génotype, a expliqué le professeur Barzilai lors d’une conférence devant la Société royale de Londres.
Quand ils finissent par mourir, ils décèdent des mêmes causes que les autres, sauf que cela survient trente années plus tard. » L’équipe de chercheurs travaille désormais à l’élaboration d’un médicament qui offrirait les mêmes protections génétiques. « Les tests devraient démarrer en 2012 pour une mise en vente sur le marché prévue d’ici cinq à dix ans. » Une annonce ambitieuse qui ne surprend pas le généticien français Axel Kahn. « Ça ne me décoiffe pas, affirme-t-il. On est entrés dans une phase d’approche thérapeutique du vieillissement en identifiant des molécules capables de reproduire les messages génétiques. Mais il ne peut s’agir de pilule de jouvence, plutôt de produits pour freiner le vieillissement. » Les gains de longévité attendus par cette pilule miracle font davantage polémique.
« Les gens prendront notre produit à partir de 40 ans et leur vie sera allongée », promet le professeur Nir Barzilai. « Il serait malhonnête de dire qu’on va faire gagner quelques dizaines d’année de vie avec un médicament, rétorque Jean-Marie Robine, démographe à l’Inserm. Les progrès de la lutte contre le cancer se sont calculés en jours puis en semaines. » Les limites des recherches du professeur Barzilai seraient aussi liées à la complexité des facteurs du vieillissement.
« La génétique n’explique pas tout, poursuit le démographe. On sait à la suite d’une étude menée sur des jumeaux monozygotes au Danemark que les différences génétiques n’expliquent que 25 % des variations de longévité. Les 75 % restants sont liés à l’alimentation, l’environnement et à la chance. La chance de ne pas avoir un accident ou ne pas tomber sur un virus par exemple. » Pour vivre longtemps, vivons chanceux !