Valoriser les protéines végétales
Notre chaîne alimentaire continue à privilégier la production de protéines animales aux dépens des protéines végétales. Pourtant une consommation excessive de produits animaux fait courir un risque inutile à l’organisme. En effet, même si la teneur en graisses des produits animaux peut être très variable et parfois modeste, les viandes issues des animaux d’élevage et surtout les produits laitiers sont riches en acides gras saturés, ce qui constitue un facteur de risque important pour le développement des maladies cardio-vasculaires. Les produits végétaux et surtout les fruits et légumes sont des antidotes parfaits pour pallier les conséquences de ces apports d’acides gras et de cholestérol athérogènes.
Limiter la problématique des effets nutritionnels des protéines végétales à l’apport de certains acides aminés dits essentiels ne permet pas de rendre compte de leur complexité d’action, de leur impact sur l’homéostasie du cholestérol, de leur effet sur la circulation sanguine, de leur rôle protecteur via les micronutriments ou les fibres alimentaires auxquels elles sont associées. De plus, beaucoup de protéines végétales sont lentement digérées et sont ainsi complémentaires des protéines plus vite assimilables d’origine animale.
Il faut maintenant mettre à profit les connaissances acquises pour bâtir une stratégie concernant la gestion des protéines alimentaires à des fins de santé publique et en accord avec le développement d’une agriculture durable. Nous défendons l’hypothèse qu’il vaudrait mieux organiser la chaîne alimentaire en fonction des besoins nutritionnels de l’homme plutôt que l’inverse. Ces besoins nutritionnels en protéines pouvant être satisfaits très facilement, il serait raisonnable, à la fois sur le plan de la santé et sur celui de l’efficacité agronomique, qu’une large partie de l’humanité adopte un comportement davantage végétarien. Cela suppose que les potentialités de production végétale soient suffisantes, or, dans certaines régions défavorisées du monde, la survie des populations est encore tributaire des seules ressources de l’élevage ou de la pêche. Les habitants de ces régions, tels les Esquimaux, ont développé des capacités d’adaptation remarquables à des régimes très pauvres en produits végétaux, ce qui ne prouve pas que de nombreuses populations seraient susceptibles de développer les mêmes performances. Pour le commun des citadins d’aujourd’hui, un apport élevé de protéines au-delà de 100 g par jour semble pour le moins superflu et sans doute peu compatible avec une nutrition préventive optimale, au moins chez certains sujets.
Une gestion sûre et prudente des ressources alimentaires de la planète mais aussi de la nutrition préventive contraste avec la forte tendance actuelle à l’adoption, par les pays en voie de développement, des modes alimentaires de type occidental. Pour aller dans ce sens, ces pays implanteraient toujours plus d’élevages industriels concentrationnaires, s’adonneraient à des types d’alimentation occidentale stéréotypés au détriment de modes alimentaires traditionnels plus équilibrés et plus économes en protéines animales.
Au titre de la gestion des ressources alimentaires et de la santé publique, modérer la consommation de viandes serait un avantage considérable. Une consommation élevée de viandes, qui n’aurait pas d’utilité physiologique (au-delà de 100 g par jour en moyenne), ne pourrait de toute façon jamais être atteinte par l’humanité entière. Une moindre utilisation des céréales en alimentation animale permettrait de dégager des réserves confortables de produits céréaliers. En complément, la production de fruits et légumes devrait être développée pour parfaire les apports nutritionnels.
Dans les pays occidentaux comme la France, il serait sans doute souhaitable que la consommation de viandes diminue sensiblement. Cela devrait inciter les filières à faire évoluer leurs productions vers la meilleure qualité possible. La baisse des quantités produites et l’élévation des coûts permettraient de laisser inchangée l’équation économique. Pour maintenir le tissu rural et entretenir les espaces naturels, l’élevage des ruminants devrait garder une place privilégiée à condition que ces animaux ne consomment pas trop de nos céréales.