Un groupe de personnes peut-il avoir hallucinations collectives ?
La définition courante de l’hallucination précise qu’il s’agit d’une « perception pathologique de faits, d’objets qui n’existent pas, de sensations en l’absence de tout stimulus extérieur ». L’hallucination s’inscrit donc en dehors de toute logique. Bien réelle, ou du moins attestée, l’hallucination collective est proprement irrationnelle. C’est une conviction, totalement inébranlable, dont l’objet est véritablement délirant. Ainsi, tel halluciné voit Jésus, tel autre entend sa grand-mère morte, ou bien touche le bras de Napoléon, ou encore hume l’odeur d’un incendie totalement inexistant et ne veut pas en démordre.
Du point de vue neurologique, rien n’explique cet étrange comportement. Dans certains cas, cependant, des lésions ou des pathologies des organes sensoriels peuvent dérégler la vue, le toucher, l’ouïe et l’odorat en les exacerbant ou, au contraire, en les infirmant au point que le psychisme s’applique à les compenser tant bien que mal. Autrement dit, il laisse libre cours à certaines illusions par défaut de perception.
De l’illusion à l’hallucination, il y a tout de même un pas qu’une prédisposition psychologique, voire psychiatrique, permet de franchir. Quand une personne « voit » la même chose, de façon obsessionnelle, au point de la croire réelle malgré la réalité des faits, et ne supporte pas d’être contredite, c’est sans doute qu’elle a profondément envie de la « voir ». Une attente exaspérée, nourrie par la dépression, la peur, la méconnaissance ou la foi, peut, dans une situation d’émotion extrême, fabriquer des sensations puissantes afin que la vie reste supportable.
Dans un groupe culturellement homogène, le phénomène est d’autant avéré que l’hallucination d’un de ses membres se transmet rapidement à tous. Quand on « sait » ce qu’il faut voir, on voit. Ainsi, après des heures passées à la regarder, on peut voir une statue de la Vierge se mettre à pleurer. Il suffit d’une poussière dans l’œil d’un observateur qui se commue en larme sur la joue de Marie… Il suffit d’un objet flottant en col-de-cygne dans une mer démontée pour qu’un équipage tout entier, de même condition, terrifié par l’inconnu, voie un serpent de mer. Et tous, même ceux et celles qui n’ont rien « vu », se persuadent qu’ils ont vu, afin de demeurer dans la sécurité affective du groupe.