Les troubles du comportement dans l'alimentation
Il y a une ou deux générations, le comportement alimentaire était, en particulier pour les enfants et les adolescents, pris dans le carcan de ce qu’il « convenait » de manger. Ce consensus social comprenait les heures de repas, leur phase, l’ordre de consommation des aliments et souvent leur fréquence hebdomadaire ou mensuelle. Actuellement, beaucoup d’entre nous mangeons dans un libre choix alimentaire à horaires variables. Il n’est donc pas raisonnable de décrire ce qui est un comportement normal et par opposition quelles sont les limites des troubles. Les deux situations décrites ici — anorexie essentielle et boulimie — sont des situations extrêmes, pathologiques à l’évidence.
Anorexie mentale
L’anorexie mentale peut être, soit un syndrome autonome, soit un symptôme d’une maladie psychotique, le plus souvent une schizophrénie. Il est évidemment indispensable d’éliminer un tel diagnostic (qui nécessite un traitement psychiatrique lourd) avant d’entreprendre le traitement de l’anorexie.
Le tableau typique
C’est celui de l’anorexie essentielle de la jeune fille : il s’agit d’une réduction volontaire des apports, mais la sensation de faim
est conservé longtemps. L’activité sociale (scolaire, sportive) est conservée et le plus souvent augmentée : le maintien énergique, l’affirmation du sujet qu’il est en excellente santé, contrastent avec l’extrême cachexie constatée à l’examen. L’origine de l’affection est psychologique : conflit parental, refus de la féminité, crainte déraisonnable de l’obésité. Fréquemment, les périodes d’anorexie sont entrecoupées de périodes de boulimie et parfois, en particulier lorsque la pression familiale est forte mais aussi pour satisfaire à la fois le sentiment de faim et de maigreur, le sujet se fait vomir entre chaque repas et ou utilise régulièrement de fortes doses de laxatifs. L’aménorrhée est constante, parfois consécutive à la dénutrition elle-même, parfois très précoce dès le début des troubles du comportement alimentaire.
D’autres formes d’anorexie mentale peuvent être observées : l’exceptionnelle forme masculine de l’adolescent, souvent liée à une psychose ; les formes de la femme adulte, où le plus souvent l’anamèse retrouve un épisode d’anorexie ou de boulimie au cours de l’adolescence ; les anorexies du nourrisson, liées soit à un « holding » défectueux, soit à une séparation brutale d’avec la mère. Le diagnostic est facilité par l’utilisation de la liste des symptômes réunis dans le DSM (Manuel Statistique et Diagnostique) :
A — Peur intense de devenir obèse qui ne diminue pas au fur et à mesure de l’amaigrissement.
B — Perturbation de l’image du corps, p. ex., prétend « se sentir gros(se) » même quand il (elle) est décharné(e).
C — Perte de poids d’au moins 25 % du poids initial ; avant 18 ans, le pourcentage de la perte de poids à partir du poids initial additionné à la prise de poids escomptée, extrapolée à partir des diagrammes de croissance normale, représente un total de 25 %.
D — Refus de maintenir son poids au-dessus d’un poids normal minimal compte tenu de l’âge et de la taille.
E — Absence de maladie physique identifiée qui pourrait expliquer la perte de poids.
Les examens complémentaires ne permettent pas de confirmer la dénutrition d’origine protéique. Le non-fonctionnement ovarien est d’origine hypothalamique et les examens complémentaires aboutissent à des résultats stéréotypés :
Taux bas œstrogènes, progestérone FSH.
Taux paradoxalement normaux des marqueurs protéiques.
Taux bas des hormones surrénalienne et thyroïdienne.
A l’inverse des dénutritions aiguës, l’élimination urinaire de la 3- Méthylhistidine reste normale. L’hypercholestérolémie, dont le mécanisme est inconnu, est très fréquente. Au total, les examens complémentaires ne sont pas indispensables au diagnostic et n’ajoutent que peu aux conclusions de l’examen clinique.
Le Ionogramme ne fait pas exception à cette règle, mais est indispensable pour dépister les hypokaliémies de patients utilisant des laxatifs et/ou des diurétiques.
Le traitement du troubles du comportement alimentaire
En présence d’une cachexie extrême, comporte, une réalimentation prudente et progressive. La voie veineuse ou l’alimentation par sonde peuvent être nécessaires. D’une façon générale, le traitement a pour but dans un premier temps d’assurer un état nutritionnel raisonnable.
Le plus souvent, il nécessite une coupure totale d’avec le milieu familial. Il comprend 2 composantes :
1) Une réalimentation avec prise de poids planifiée, le thérapeute promettant, dans le cadre d’un contrat, une gratification à chaque palier pondéral, démarche autoritaire au début, de plus en plus contractuelle au cours du déroulement du traitement.
L’alimentation par sonde gastrique rend la reprise pondérale plus rapide et plus facile. Le patient, évidemment, n’y est pas favorable : cette thérapeutique doit faire partie du contrat pondéral — telle prise de poids à telle date ; sinon.. Les mélanges nutritionnels à utiliser sont normo- proétiques — environ 14 % —, quand le niveau calorique est bas. Au- dessus de 2 000 kcal, ils doivent être hypoprotéiques (la ration globale devant être entre 75 et 100 g). Le poids fixé doit être dans la zone du poids normal ; les reprises pondérales partielles sont particulièrement instables.
2) Une psychothérapie (de type psychanalytique ou familial ou compor- tementaliste) destinée à permettre une vie alimentaire et sociale. Elle est impossible à mettre en place au début devant l’absence de toute demande ; elle prendra progressivement la place de la diétothérapie dès que le danger somatique aura été éloigné. Quant à la séparation d’avec le milieu familial, souvent nécessaire, elle peut se faire simplement par le départ de la maison parentale, sans hospitalisation. Cette solution est préférable lorsqu’elle est socialement possible, sinon, et de toute façon lorsque le tableau somatique semble immédiatement dangereux, une hospitalisation est nécessaire.
Le pronostic est directement fonction de l’âge et surtout de la durée de l’anorexie (notamment lorsqu’elle a nécessité des hospitalisations prolongées ou multiples). Parfois la guérison est totale ; le plus souvent, il subsiste une rigidité du comportement, non seulement alimentaire mais aussi social ; parfois l’anorexie devient chronique, le sujet se cachectisant régulièrement entre deux hospitalisations. Toute médication même anodine doit être évitée (sauf impératif évident de maladie intercurrente), car il est indispensable de faire comprendre au sujet que seule l’alimentation est efficace. Parfois l’évolution se fait vers la boulimie et Panorexie- boulimie.
Le syndrome d’anorexie mentale en tant que refus de nourriture n’est possible que lorsque l’offre alimentaire est abondante ; il a été réservé aux 19′ siècle et dans la moitié du 20e siècle aux filles de familles aisées ; depuis que l’abondance et un choix alimentaire varié se sont étendus dans presque tous les pays occidentaux, la fréquence des anorexies a augmenté.
Vidéo : Troubles du comportement alimentaire
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